lundi 26 mars 2012

Le voyage des mécréants


Dimanche.
Au menu, penne avec thon et sardines.
-Et si on accompagnait le plat d'un vin blanc cépage Vermentino ?
-Ouais, pas mal. Mais, il faut aller le chercher... et c'est loin. En plus, il va falloir marcher et traverser la zone touristique.
-Tu sais bien qu'on a pas le choix. Il n'y a malheureusement pas beaucoup de super-marchés qui vendent de l'alcool.
-Mais pourquoi, bon sang de bonsoir, pourquoi?
-Allez, lève-toi et marche! Tu changeras le monde plus tard.
Moins d'une heure après, nous sommes dans un de ces taxis collectifs dont je vous ai déjà parlé(1)
coincés entre deux hommes au système pileux admirablement développé en direction de la zone touristique et de ses magasins.Notre chauffeur a lui aussi une magnifique barbiche en pointe et nous ne nous sommes donc pas surpris de la décoration intérieure toute religieuse de son taxi.
Il doit être 9 heures.
Ne souriez pas, l'information a son importance. A ce moment de la matinée, l'ambiance radio est assurée par un chanteur-prêcheur qui psalmodie à sa guise. Le degré de décibels est insupportable.
Un vieil homme demande  poliment au grand marabout du taxi de bien vouloir baisser un peu le volume. Dans un premier temps, il répond à sa demande puis, re-balance la sauce. Le vieux renonce a engager une guerre sainte. Il baisse la tête et se concentre sur la une de son journal qui annonce que la Société de gaz et d'électricité vient de couper le courant de plusieurs hôtels de la zone pour non-paiement de  factures.
Quand nous sortons du taxi, nos oreilles bourdonnent. Dix minutes à peine à respirer l'air pur, à écouter le chant des oiseaux, et nous entrons dans le no man's land touristique. Le domaine privé des hommes et femmes en short de plus de quatre-vingts kilos, paradis de la contrefaçon (tee-shirts, sac ou chaussures) royaume de l'ersatz à bas prix. Dans ce parc réservé, pas besoin de pub, les résidents s'en chargent.
Pour acheter notre bouteille de vin, nous devons pénétrer dans une petite planque isolée du magasin. Un bref instant, je revois le temps où nous fumions des cigarettes en cachette avec les copains de l'école.
Je cache la bouteille dans le fond de mon sac à dos, il est très important de cacher les bouteilles pour ne froisser personne.
Sur le chemin du retour, nous croisons un des nombreux professionnels de l'accroche-touriste qui arpentent le boulevard. La phrase d'introduction du jour est : " alors, il est beau notre soleil , non?"
J'opine simplement. Il est important de ne pas engager la conversation.
-Mauvais temps, kaput !
 Le malotru me prend pour un allemand, un comble ! D'habitude, c'est pour un italien, misérable ! Passe ton chemin!
Sur la route du retour, le taxi s'arrête souvent. C'est jour de marché. Les femmes montent avec des paniers trop  remplis de légumes, des sacs de plastique avec des fruits et des fagots d'herbes. Il flotte une merveilleuse odeur de fenouil dans l'habitacle. Une petite fille nous dévisage. Ma femme lui sourit, elle baisse la tête, pouffe et s'occupe de sa petite queue de cheval.
Tu as bien raison fillette, s'occuper de sa queue de cheval est une des choses les plus importantes de la vie. Conserve ton sourire aussi longtemps que tu le pourras.
Un coup de coude dans les côtes, quoi encore ? Ah! oui, descendre du taxi.
Julius Marx

(1) Pour les retardataires, lire le message "Une journée particulière" du 13 avril 2011

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire