vendredi 14 décembre 2012

Le Polar est sensuel


Aujourd'hui encore, dix-huit mois après, tu as du mal à te persuader que seules les circonstances, la mort qui rôdait, les éléments déchaînés, l'impression d'une fin du monde imminente, vous avaient rapprochés et avaient fait de vous des amants. Et quels amants!... La gauchiste et le soldat, la sociologue et le guerrier, on aurait dit une fable... Mais soit honnête,Céline, avais-tu connu ensuite, ou même avant, un tel accord sensuel? Comme si le corps de François Kieffer et le tien se cherchaient depuis les commencements du monde, marchaient l'un vers l'autre depuis l'éternité.
Jamais un homme jusque-là n'avait su te caresser comme lui, trouvant d'instinct les zones de ton corps qu'il fallait lécher, pincer, mordiller et dans quel ordre, et avec quelle fréquence, posant ses mains sur tes hanches comme si tes hanches avaient été faites pour ses mains. Souvent tu avais joui deux ou trois fois avant même qu'il n'entre en toi et que son souffle vienne s'égarer quelque part entre ton oreille et ta nuque.
De manière tacite, il avait été clair que vous ne vous reverriez plus ensuite, qu'il s'agissait simplement que vos corps merveilleusement confondus dans l'entremêlement des draps fassent un contrepoint définitif à la pluie pétrolifère qui battait la toile de la tente où vous vous retrouviez dès que vous aviez un  peu de temps, un contrepoint aux regards vides des réfugiés et à celui encore plus vide des cadavres qui s'entassaient dans des chapelles ardentes provisoires ou les morgues des hôpitaux de Rotterdam, un contrepoint à l'odeur d'huile et de pourriture qui s'insinuait partout, partout sauf dans vos étreintes protégées par la sueur du plaisir.

Jérôme Leroy
Big Sister

Dans ce roman Noir, Jérôme Leroy actualise le Big Brother d'Orwell. Mais, dans un soucis de parité, il donne le rôle principal de l'intrigue à un ordinateur femelle doué de supers pouvoirs.
Une Big Sister donc, qui contrôle un monde en état de décomposition très avancé ( catastrophes écologiques, répressions policières et autres réjouissances du même type) en anticipant les réactions des opposants à ce bel univers bien lisse. Ainsi, les rebelles sont-ils mis hors d'état de nuire avant leurs supposés méfaits.
Alors, qui pour combattre cette Harpie du nouvel ordre social ? L'Amour et puis l'Art, bien sûr.
Le monde des A de Jérôme Leroy se décline dans la plupart des chapitres. On approuve, on fulmine, on piaffe, on grogne , et puis on prend pas mal de notes.
Enfin, épuisés  par cette lecture participative, on finit par découvrir, au bout du sentier jaune, derrière les feuillages, la mer, peinte par Othon Friesz. Ouf .Un peu d'air frais ...
Julius Marx

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