mardi 31 mars 2015

Je me souviens (3)



Je me souviens de Robert Hirsch  dans le rôle de Bousin du Fil à la patte de Feydeau, dans l’émission Au Théâtre ce soir, à la télévision. J’ai demandé pourquoi les acteurs, à la fin de la représentation, avaient tous l’air si triste et réservés, alors qu’ils venaient de crier et de gambader dans tous les sens pendant deux heures. Quelqu'un m’a répondu que le théâtre était une chose sérieuse.

Je me souviens des petites motos Malaguti, avec ce bruit strident qui sortait des pots d’échappement et qui énervait  beaucoup les adultes.

Je me souviens de Guignol’s Band, le premier livre que j’ai vraiment lu et de ces cinquante premières pages hallucinantes.

Je me souviens que mon oncle ressemblait à Frank Sinatra et qu’il avait voyagé jusque en Amérique sur un porte-avion.

Je me souviens de la publicité « on a toujours besoin de petit-pois chez soi. »

Je me souviens de la première fois où j’ai vu Une Nuit à l’Opéra avec les Marx Brothers. Depuis, je l’ai vu plus de cinquante fois.


Je me souviens d’avoir découpé et collé sur des feuilles dans un classeur tous les articles de Jean-Patrick Manchette sur le cinéma dans Charlie-Hebdo.

Julius Marx

Pour les petits nouveaux de ce blog, les deux premiers " je me souviens" déjà publiés sont à la suite.

Je me souviens des coups de règle en fer sur les doigts.
(et d'un jour où le professeur a demandé à un nouveau "quel est le nom de cet imbécile au bout de la règle?" et que le nouveau a répondu " de quel côté, monsieur?")

Je me souviens des Malabars achetés chez le confiseur au coin de la rue.
(Et aussi que je ramassai les emballages vides dans la cour pour faire croire que j'en avais acheté plus que les autres)

Je me souviens de l'odeur enivrante des livres, à la rentrée scolaire.
(Et de mon voisin qui se moquait de moi parce que je suçais le petit bâton de colle)

Je me souviens des oignons et de la petite fleur de Sydney Bechet, des disques 45t gagnés chez Antar avec les pleins de Mobylette.
(Et du disque de Trini Lopez acheté avec l'argent donné par ma tante pour le cadeau de la fête des mères)

Je me souviens du petit carnet où j'écrivais les mots des grands que je ne comprenais pas.
(Et des signatures imitées et griffonnées sur les 45 tours,  des copains que je n'avais pas)

Je me souviens des vaccinations collectives.
(Et de l'infirmerie militaire avant le départ en Afrique où nous sommes restés plus d'une demi-heure avec la même aiguille dans le dos)

Je me souviens d'un film d'animation avec un ours, une petite fille et un marchand de sable, mais pas du titre du film.
(Et de Fernandel avec sa vache Marguerite, au Gaumont Palace, place Clichy.)

Je me souviens de la soupe au tapioca.
(Et de l'odeur insupportable des poireaux dans la cuisine de la pension)

Je me souviens de la télé en noir et blanc.
(Et du carré blanc)

Je me souviens de mon premier vélo de course de marque Gitane, offert par mon grand-père.
(Et du petit morceau de carton que l'on glissait dans les rayons pour imiter le bruit d'un moteur)

Je me souviens des flacons plats de pastis volés à TVS. Sale goût, pur.
(Et des paquets de P4, achetés à plusieurs et fumés en vitesse)

Je me souviens des scoubidous.
(Et de l'agate que je glissais au milieu. Et puis de la pièce de 5 francs que l'on perçait pour avoir le même collier que Vince Taylor)

Je me souviens d'avoir croisé Maurice Genevoix montant dans sa belle bagnole dans la grand' rue.
(Et Michel Simon, avec un chapeau et une grande cape noire, sur le trottoir de la rue St Denis.)

Je me souviens de son prénom : Isabelle.
(Marie-France)

Je me souviens de la baguette à 1 franc.
(Et du signe de la croix, tracé avec son Opinel par le directeur de la pension, sur la miche de pain.)

Je me souviens de séances de catéchisme chez une vieille dame, ponctuées  par un chocolat chaud et qu'elle récompensait par un film à la télé comme Poly ou l'Homme du Picardie.
(Et puis aussi  que tout le monde  s'était moqué de moi lorsque j'avais prononcé le H de eucharistie)

Je me souviens de mon premier voyage en train ; j'avais deux ans.
(Et de mon grand-père qui m'accompagnait à la pension par le train. Il pouvait calculer la vitesse du train avec sa montre. Je ne me rappelle plus comment.)

Je me souviens de l'arrivé de la télé.
(Et de la première publicité. C'était pour la marque Schneider , je crois.)

Je me souviens du cours d'histoire en CE2 qui commençait par : nos ancêtres les Gaulois.
(Et du cours de Français où j'avais prononcé excréments au lieu d'ingrédients.)

Les textes sans italiques sont de Georges  Pérec, bien évidemment.
Je me souviens enfin d'avoir trouvé un très gros volume de correspondance de Georges Pérec sur le stand d'une braderie et puis, d'avoir noté cette phrase :
"Aussi mauvais qu'il soit, un texte élargit l'horizon borné de l'opinion que l'on peut avoir de soi."


 Je me souviens (2)

Je me souviens des Chamonix orange et d’avoir été très étonné de ne pas en trouver en colonie de vacances en  Haute-Savoie.

Je me souviens du docteur Richard Kimble à la recherche du manchot meurtrier de sa femme et du dernier épisode de la série diffusé le soir du 31 décembre avant minuit.

Je me souviens de la Caravelle. On disait qu'elle était capable de planer de Paris à Marseille.

Je me souviens de l'émission La séquence du spectateur avec la voix de Catherine Langeais. Longtemps, je me suis demandé comment un spectateur sain de corps et d’esprit pouvait sortir son papier à lettres et écrire à la télévision pour  demander à voir l’extrait d’un film avec Josélito, l'enfant à la voix d'or.

Je me souviens des chemisettes en Tergal à manches courtes. Et des  cravates qui tenaient grâce à un élastique.

Je me souviens d'une bagarre en forêt à propos d'une cabane que l'on voulait baptiser "notre repère". Nous n'étions que deux à exiger que l'on change l'orthographe.

Je me souviens d'avoir fumé des lianes et des peaux de bananes séchées.


Je me souviens de la marque Griffon de la chasse d'eau des toilettes de notre maison et surtout du  merveilleux dessin de l'animal mythique.

Je me souviens des paquets de cigarettes Smart et d’autres, ramenées d’Espagne par mes parents, de toutes les couleurs.

Je me souviens du Benfica de Lisbonne et de son gardien de but Costa Fereira et de mon père qui a cassé un fauteuil en sautant de joie le soir d’une finale.

Je me souviens des "compositions" de fin de trimestre et d’une composition de « pâte à modeler ».

Je me souviens d'avoir appuyé sur le ventre des truites pour qu'elles atteignent la mesure de 20 cms. Puis, du feu de bois que l’on faisait sur la rive pour les manger illico.

Je me souviens d'avoir embarqué dans un DC6, de la fumée noire qui sortait des moteurs  et  de  tous les sièges qui tremblaient au moment du décollage.

Je me souviens  des hôtesses qui distribuaient des bonbons avant le décollage de l'avion.

Je me souviens d'avoir failli tomber de voiture sur le circuit des 24 heures du Mans, miraculeusement rattrapé par ma mère.

3 commentaires:

  1. Mais dites, cher Julius, "un film d'animation avec un ours, une petite fille et un marchand de sable", ne serait-ce pas tout simplement la série Bonne nuit les petits (Pimprenelle et Nicolas) qui clôturait la soirée télé sur la première chaîne, jadis ? Il me semble qu'elle avait donné lieu à un film…

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  2. Pour savoir le fin mot de l'histoire, il faudrait pouvoir le demander à Pérec lui-même.
    Je me souviens, nous étions dans un avion avec nos deux filles et la plus petite est restée le nez collé au hublot pendant plus d'une heure à regarder défiler les nuages.Quand nous lui avons demandé ce qu'elle cherchait, elle nous a répondu : "Nounours".

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  3. Fantastique !
    C'est bon d'être un peu 'Vieux' - Rien que sentir ces moments !

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