mardi 14 avril 2015

Dahab


Dahab ne joue pas les jeunes filles effarouchées, elle se montre, désinvolte et heureuse de vivre, même si elle reste retenue par le désert, ce père autoritaire et rustre. Alors, pour espérer, elle s’est tournée tout naturellement vers la Mer Rouge qui lui a rendu son sourire. Lorsqu’on décide de lui rendre une petite visite, en toute amitié, les surprises ne manquent pas. Mais, n’allons pas trop vite. Pour mériter Dahab et ses faveurs, il faut d’abord une dizaine d’heures de bus et puis, espérer passer sans trop de problème la vingtaine de postes de contrôle de l’armée ou de la police. Aux abords du Canal de Suez, ce sont les hommes de sable de l’armée qui nous demandent sèchement  de descendre du bus pour récupérer nos bagages et puis les aligner devant nous, le long d’un muret. Alors, les voyageurs et leurs valises sont passés en revue par un gamin d’une vingtaine d’années qui retient au bout d’une corde un berger allemand. En observant le chien renifler nos sacs, je pense à la phrase de Prévert « je préfère les chats aux chiens car il n’y a pas de chats policiers. » Je remarque aussi que l’ensemble des passagers du bus prend la chose avec bonne humeur, habitué sans doute à vivre dans un état où les interdits sont aussi nombreux que les rochers du désert qui nous entoure. J’ai beaucoup de mal à les imiter, j’avoue que tous ces soldats armés jusqu’aux dents et ces civils qui tournent autour de nous avec des pistolets à la ceinture m’impressionnent un peu.
 Ensuite, il nous faudra compter sur la chance pour franchir les autres barrages. Si certains policiers ne font qu’ouvrir la porte du bus pour jeter un rapide coup d'oeil à l’intérieur, d’autres vont vérifier les papiers d’identité de chacun, s’attardant même sur quelques faciès qu’ils jugent suspects. Ici comme ailleurs le délit de « sale gueule » existe bel et bien !
Dans ce climat particulier, impossible de ne pas sourire lorsque notre chauffeur décide de passer un film avec Stallone et ses acolytes, qui canardent, avec la grande rigueur professionnelle qui les caractérise,  des soldats de l’ancien bloc de l’Est ? (je ne puis l’affirmer, le son était inaudible) pendant près de deux heures.
Sur la route droite à l’infini qui longe la mer, nous tentons d’oublier les herses et les barbelés au profit d’une nature intacte. A bord, la vie reprend. Le bus assure également la liaison entre les différents postes de surveillance isolés du monde des vivants. Des soldats montent et descendent, des marchandises changent de main.
Après  Charm el chehk la touristique, la nuit tombe sur un autre désert semés de roches qu’on jurerait tombées du ciel. Ce désert que Loti qualifie de « triste jardin sans limite visibles » lors de son voyage vers le monastère Sainte-Catherine en 1909. Puis, nous plongeons  enfin vers la mer et Dahab.
Julius Marx

(A suivre) 

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