mercredi 15 juin 2016

Le Polar Est Hollywoodien







Nous nous sommes mariés trois jours plus tard, le 2 mai 1947. Ce fut du travail à la va-vite, le chapelain protestant du L.A.P.D. bénit notre union et le service se déroula dans la petite cour à l’arrière de la maison de Lee Blanchard. Kay portait une robe rose afin de tourner en dérision son absence de virginité ; je portais mon uniforme bleu. Russ Millard était mon témoin et Harry Sears était venu comme invité. Il commença par bégayer et, pour la première fois, je vis que c’était précisément son quatrième verre qui mettait fin au bégaiement. J’obtins l’autorisation de sortir mon vieux de sa maison de repos : il ne savait plus du tout qui j’étais, mais, apparemment, il passa un bon moment- à téter la bouteille de Harry, à suivre Kay comme un toutou, à sautiller au son de la musique à la radio. On avait disposé une table avec sandwiches et punch, fort et doux. Tous les six, on mangea, on but et des gens qui nous étaient totalement inconnus entendirent la musique et les rires en allant sur le Strip et s’invitèrent à notre petite fête. A la tombée du jour, la cour était pleine de gens que je ne connaissais pas et Harry fit un saut jusqu’au Hollywood Ranch pour rapporter bouffe et gnôle en rab. Je déchargeai mon revolver réglementaire et laissai des civils inconnus jouer avec lui, et Kay dansa des polkas avec le chapelain. Lorsque l’obscurité se fit, je n’ai pas voulu que ça se termine et je suis allé emprunter des guirlandes de Noël chez les voisins pour les accrocher ensuite sur la porte, la corde à linge et le yucca préféré de Lee. On dansa, on but, on mangea sous cette constellation factice aux étoiles rouges, bleues et jaunes. Aux environs de 2 heures du matin, les clubs du Strip se vidèrent, les fêtards du Trocadéro et du Mocambo débarquèrent dans la fête et Errol Flynn passa un moment parmi nous avec sur les épaules, ma veste garnie d’insignes et de médailles gagnées au tir. Si l’orage n’avait pas éclaté, la fête aurait pu continuer à jamais- et c’était ce que je désirais. Mais la foule se sépara au milieu des baisers et des embrassades pressées, et Russ reconduisit mon vieux à son trou de repos. Kay Lake Bleichert et moi-même, nous nous sommes alors retirés dans la chambre pour faire l’amour, et je laissai la radio allumée pour m’aider à me distraire de Betty Short. Ce n’était pas nécessaire – elle ne me traversa même pas l’esprit.
James Ellroy

Le Dahlia Noir
Image : Betty Grable I wake-up screaming (Bruce Humberstone-1941)

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