Tout à coup,
écrire m’a donné la nausée, et m’est venue la volonté d’abandonner absolument
et pour toujours l’idée de ces notes.
On écrit
avec l’intention d’être vrai et véridique, et puis on s’aperçoit qu’on a
toujours été inexact, toujours non vrai, et ici et là, même sans le vouloir,
menteur.
L’écriture n’est
pas apte à appréhender la vérité, même si elle est le seul instrument que l’on
possède pour s’essayer à le faire. Le langage est bon pour la poésie, parce que
la poésie ne veut pas exprimer la vérité, mais est une construction d’idées,
qui a sa propre vérité, laquelle prend forme avec la parole et ne fait qu’un
avec elle.
Je dirai
encore ceci : j’ai eu l’impression que chercher à signifier et à être
précis avec des mots trouble et détruit la perception sans mot des sentiments,
des affections, des sensations. Avec pour résultat qu’à ces sentiments et
affections et sensations, qui sont notre vie, se substituent des écritures. Des
copies à des originaux, des originaux défigurés et perdus.
Le diariste
s’empresse de transformer sa propre vie en pièce d’écriture, et perd la vie.
Combien de larmes tardives ont été versées de ce fait malheureux par des
écrivains !
Virgilio Giotti
Notes inutiles
Les quelques lignes illustrant ce texte sont extraites du script du magnifique film de Nanni Moretti Caro Diario
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