jeudi 18 août 2011

Sur la route


En Angleterre, les flics(aidés par la presse) recherchent,trouvent et tabassent.
En Somalie, les hommes, les femmes, les enfants cherchent et ne trouvent pas à manger.
En Tunisie, c'est le treizième jour du ramadan.
Trop las pour analyser correctement la situation ( il fait déjà 26° et j'écris ce texte à 7h13) je décide de chercher refuge au centre naturel du merdier : le village de vacances.
Tel un journaliste vedette d'une chaîne bien connue, j'opte pour  l'immersion totale. Sur ces lieux mystérieux, les rumeurs sont tenaces : on aurait le droit d'y faire tout ce qu'on veut, ou presque. Le personnel  asservi , recevrait des coups de fouet en conservant son  légendaire sourire. On y sacrifierait même de jeunes vierges...
Mais avant cela, il y a le voyage. Traverser la Tunisie pour rejoindre l'île de Djerba en cette période de ramadan tient plus de l'aventure initiatique que du simple voyage touristique et se révèle beaucoup plus compliquée pour le profane qu'un jeu télévisé truqué . La première des précautions c'est l 'eau et les vivres. En période disons normale nous n'avons pas l'habitude de prévoir ce genre de choses mais, aujourd'hui aucune boutique n'est ouverte. Si l' épicier a déjà mis le nez dehors,c'est pour s'allonger et s'endormir devant sa modeste échoppe.
Les seuls qui ne sont pas assoupis sont les soldats que l'on découvre encore aux carrefours stratégiques (routes vers la Lybie toute proche.) Ils jettent un oeil à l'intérieur de la voiture, et nous font signe de passer en souriant.
S'il est conseillé au vacancier fatigué de son année de dur labeur qui a choisit de prendre la route le soir même pour rejoindre sa villégiature, de s'arrêter toutes les deux heures sur une belle et pratique aire d'autoroute où absolument tout est prévu pour son bien-être et au passage pour le soulager de ses euros, nous devons nous, rechercher l'ombre salvatrice d'un arbre pour nous taper un petit café. L'épreuve numéro 1 débute : voici l'arbre.
L'ombre est à peine plus grande que la voiture mais qu'importe. Quelques minutes plus tard, deux femmes  s'approchent. Leur carriole, tirée par un âne rachitique, n'est plus qu'à quelques mètres de notre voiture. Nous nous dépêchons de ranger les brioches, les bouteilles d'eau. Ma femme sacrifie même sa cigarette sur l'hôtel de la tolérance. Des deux femmes  emmitouflées dans des foulards, nous ne voyons que les sourires.
Nous nous excusons pour la nourriture, elles nous répondent en nous offrant des figues. Elles sont simplement contentes de rencontrer des gens, d'autres gens.. Simplement.
Mais voici que se présente l'épreuve numéro 2 : Djerba étant une île, nous devons prendre le bac. Après une quarantaine de kilomètres dans un paysage semi désertique (ou notons-le au passage notre militantisme écologique refusant le climatiseur a volé en éclat.. Mais tant de choses volent en éclat de nos jours) nous voici devant la caisse. L'homme qui distribue les tickets est profondément endormi. Un visiteur non éclairé et habitué aux poncifs (en gros, un journaliste) aurait vite fait de conclure que toute la nation est endormie.
 Nous ne sommes pas seuls !
Le combat s'engage..A côté de notre lutte pour arriver les premiers au bateau, la course de chars de Ben-Hur est une bagatelle.
Puis, nous voguons, je devrais dire nous glissons, sur un drôle de miroir d'une quiétude impressionnante. Pas le moindre clapotis. Sur cette glace, la plus petite  vague prendrait des allures d'ouragan.. C'est beau, même si c'est chaud et que l'odeur de gas-oil  m'incommode... Ma femme me dit que je ne suis jamais content..Je sais.
A peine quinze minutes et voici les contours de l'île.
La lutte pour la sortie est aussi intense que celle pour l'entrée. Mais, nous adoptons notre attitude de vacancier : sourire, décontraction et bonne humeur affichés. Djerba, nous voilà !
(A suivre)
Julius Marx

dimanche 14 août 2011

Colum Mc Cann est indispensable


Cet homme m'énerve.
Il est jeune, beau et talentueux.
Mon irritation à son égard est née à la lecture de son premier chef-d'oeuvre : Le Chant du Coyote.
Ce type est capable d'aligner des pages entières de poésie et d'émotion pure. Et, comme si cela ne suffisait pas, il sait être bref et concis comme un Fante ou un James M. Cain  dont il est, à mon sens le bienheureux héritier.
Il suffit de lire "Sérénade" du même Cain pour s'en persuader. Si l'on compare les deux romans, il n'y a pas que les aventures mexicaines du couple qui se ressemblent mais aussi et surtout le verbe et encore une fois l'émotion. Pour le verbe, lisez ce qui suit .
"Le Mexicain et mon père prirent un bateau qui retournait vers les confins verdoyants du monde avec un chargement de bananes pourries. Le débarquement des marchandises avait été refusé dans le port espagnol à cause d'une vendetta. Le capitaine déversa les bananes à une courte distance des côtes - mon père racontait qu'elles tombèrent dans l'eau limpide comme d'obscurs poissons noirs.
A bord, lui et le soldat jouèrent au poker et eurent des rêves nauséeux, ils se bagarrèrent avec d'autres passagers, ils lancèrent des mégots de cigarettes dans le sillage laissé par le bateau, et les regardèrent grésiller avant de toucher l'eau, ils firent payer aux marins les portraits pris dans la salle des machine, ramassant ainsi à eux deux un peu d'argent. Le Mexicain déambulait sur le pont, les yeux fixés sur la photo de sa soeur, et promettait des merveilles à mon père, une maison sur les bords du Rio Grande, une plantation de tamaris, douze poulets vigoureux, une moto qui ne crachoterait pas."
Quant à l'émotion, je devrais recopier la totalité du bouquin, alors, lisez simplement ceci :
"Il pensait souvent à la soeur du soldat mexicain. Sa photo avait marqué sa mémoire comme un éclair de magnésium. De temps en temps, il se réveillait et voyait comme en rêve deux doigts qui lui faisait signe d'approcher . Il allait partir à la recherche de la fille. Il remonta tout au nord, vers la frontière du Texas, et, quand il apercevait des camionnettes grises, il lui arrivait de faire du stop pour traverser les montagnes. Quelquefois des hommes lui parlaient  d'une guerre immense qui avait éclaté de l'autre côté du monde, de rumeurs selon lesquelles des femmes émaciées entraient pieds nus dans des chambres à gaz, par rangées entières, aussi pâles que des lits de printemps, de petits engins explosifs flottant sur les eaux du Pacifique, d'une éclosion de fils barbelés encerclant l'Europe- mais tout cela était à des années-lumière, il ne parvenait pas à comprendre que des hommes perpétuent leurs passions mortelles après les atrocités en Espagne. Il suivait la ligne médiane qui sépare le vagabond du lâche, je suppose."
Je pourrais également vous parler de la structure narrative  avec ses chapitres curieusement dissimulés, donnant à l'ensemble une unité déconcertante obligeant le lecteur couché a conserver  le bouquin dans ses mains, oubliant les appels répétés de ses proches  pour se restaurer ou partir se promener dans la nature pour rencontrer des gens.
Pfff! La nature, les humains, la belle affaire! Mais tout est dans ce bouquin !
Bon, je dois vous laisser car, je viens de confectionner une cible avec la photo du bellâtre et je vais de ce pas la bombarder de fléchettes.
Julius Marx
ps: promis, on parle de ses autres bouquins plus tard, juste le temps de me remettre.
Colum Mc Cann / Le chant du Coyote / 10/18 N° 2799
James M.Cain  Serénade / Folio

Ron Rash n'est pas indispensable

En s'obstinant à vouloir critiquer de manière constructive, on s'expose évidemment soi- même  à  toutes les critiques. La première c'est bien entendu : tu n'aimes rien!
Et puis, si  l'emmerdeur est d'un âge avancé (c'est mon cas, hélas ) on devient illico : le vieux con.
Pourtant, on poursuit son sacerdoce, pourquoi? Parce que se faire insulter provoque chez nous un doux frisson, parce que la provocation  est en quelque sorte notre mode de vie, ou enfin parce que l'on considère que les jeunes générations doivent tout  savoir de Zadig et Voltaire ?
Il semble donc que  l'écrivain et professeur  américain Ron Rash rencontre un franc succès: profitons en donc pour l'étriller sévèrement.
Passons vite sur "Un pied au paradis" qui n'est pas un polar, comme le clame la plupart des critiques mais juste un petit roman bien ficelé avec des phrases courtes, des descriptions encore plus courtes et des personnages aux réactions aussi prévisibles que simplettes.Signalons au passage que tout est si court que l'on peut se demander si l'éditeur n'a pas taillé dans le texte comme le faisait dans une époque lointaine les producteurs des films de Welles ou Stroheim. Si vous pensez que j'exagère (oui, vous savez le vieil emmerdeur) lisez simplement une seule  phrase de Jack London et comparez la avec  une phrase de Rash... On en reparle.
Attardons-nous plutôt sur "Serena" et ses personnages. Oui, ses personnages car l'auteur (je ne sais si cela est réfléchi ) a bâti son récit à partir de l'ambiguïté des personnages, ou plus exactement de leur absence de positivité. Les personnages ne sont hors du commun ni par leur vertu, ni par leur intelligence.
On cherche donc pendant 240 pages ce qui peut bien nous pousser à suivre ces gens dont la seule motivation est l'argent (le pouvoir, ils le possède déjà, les petits veinards!)
Côté descriptions ,c'est encore le calme plat , aucune vision de l'auteur n'est réellement poétique, on frémit derechef en pensant aux si magnifiques voyages que  nous avons fait avec Jim Harrison, dans notre canapé, verre de bière en main , la main posée sur la tête de notre airedale.
Bref, il faut boycotter cet impudent prof de Caroline du Sud.
Et si vous n'êtes pas d'accord,écrivez moi, ça me fera plaisir.
Julius Marx