mardi 25 février 2014

Le polar est Amour (14)

                           
                                 Fitfy years later…

Dans sa chambre du onzième étage de l’hôtel Pontchartrain à Détroit (Michigan)  Harry  Dean Woods,  verre de bourbon en main,  profitait de la vue panoramique pour observer la brume spectrale qui montait du fleuve  et s’étirait mollement vers le  Ren-Cen. Il se déplaça de quelques pas vers la droite pour suivre  le trajet d’une barge remplie de minerai qui avançait lentement vers le lac Erié et les hauts fourneaux de Cleveland. Très loin,  les lumières des banlieues s’étendaient jusqu’à l’horizon au nord et à l’ouest. Il se demanda quelle distance la barge aurait parcouru  dans un peu plus  d’une heure, lorsqu’il serait  grand temps d’aller déguster le merveilleux soufflé au crabe, spécialité du grand  restaurant pivotant du dernier étage.
Harry était simplement vêtu d’un caleçon rayé et d’un  long tee-shirt de la société  Monsanto qui l’avait embauché,  à sa sortie du Collège d’Ann Arbor, il y avait  maintenant  dix-neuf années. Sur le tee-shirt défraichi on pouvait lire, juste en dessous de la marque, le mot  Imagine. Le slogan de la société était  imprimé  en lettres oranges (probablement une bonne blague des responsables du marketing.(1)  Harry referma les lourds rideaux de velours en se promettant de rejoindre son poste d’observation pour venir faire le point sur le parcours de la barge, une fois la petite partie de jambes en l’air avec la  pute à cent dollars qu’il venait de réserver par téléphone, achevée.
La décoration de sa chambre en faux luxe du Mid-West  se montrait peut-être un peu prétentieuse, mais, à ses yeux, la corbeille de fruits, la bouteille de champagne californien  et les deux reproductions  d’Edward Hooper accrochées au-dessus du grand  lit  assuraient largement le standing de l’établissement. Harry  siffla le reste du bourbon et reposa le verre  vide sur la table basse pour se rendre dans la salle de bains. Comme à son habitude, le visage quasiment collé au miroir, il consacra quelques minutes à la recherche méticuleuse de possibles  cheveux blancs. Ensuite, il baissa son caleçon et se lava tout aussi méticuleusement le sexe au-dessus du lavabo  avec un savon parfumé  au miel et à l’eucalyptus que sa femme Amy achetait  spécialement pour lui dans un magasin de produits biologiques. Revenu dans la chambre, il passa un peignoir vert pomme en imitation peau de serpent. Dehors, dans les rues glacées, le gémissement d’une sirène de police qui remontait  la grande avenue le fit sursauter. Il se pencha au-dessus de son ordinateur-friend et pianota  à la recherche d’une sélection musicale. Après quelques secondes de réflexion, il  opta finalement pour  un best-off de Johnny Cash. Il  hocha la tête et se risqua même à quelques pas de danse lorsque la musique s’invita dans la chambre. A la fin du premier couplet, il se tenait  avachi dans un des deux fauteuils  en faux cuir, les yeux étaient  fermés, la respiration lente. On frappa trois coups brefs à la porte. Harry  frissonna. Il savourait  les minutes qui précédaient la  rencontre. Elles avaient le  magnifique pouvoir d’accélérer son rythme cardiaque et Il n’y avait  pas  sur terre moment plus agréable que celui-ci.  Le monde était loin, la situation idéale, l’avenir  forcément radieux. La porte s’ouvrit. Dans un premier temps, Harry ne distingua que la silhouette longiligne de la fille, debout dans la pénombre du couloir. Une petite voix  teintée d’aiguës,  demanda : « Vous êtes Harry ? »Même s’il s’était promis de faire des efforts pour ne pas rougir, le mâle sentit que ses joues devenaient brûlantes. Incapable de répondre, il fit seulement un petit pas de côté. Même à ce moment  si particulier, Harry restait un ingénieur. Il chercha à évaluer la taille de la fille. Entre un mètre  soixante-cinq et soixante-dix, cheveux noirs rutilants, la frange ramenée  au ras des sourcils,  bouche et  petites lèvres minces qu’il imagina déjà à l’œuvre, parfait. Il fût juste un peu surpris par le type asiatique.  Harry n’était pas raciste, mais il pensa que le type de l’agence aurait dû pourtant le prévenir.
-Entrez, je vous en prie, lança stupidement  Harry, alors que la fille se trouvait déjà au centre de la chambre.
-Je suis Roxie, dit-elle, en ôtant son long manteau pour le coller dans ses bras.
 Sans se débarrasser du manteau, Harry  lui tendit une main moite et tremblante.
-Moi, c’est Harry.
-Enchanté, Harry. fit la fille avec une fausse ingénuité, en effleurant juste la main tendue.
Ses yeux noirs  pétillaient. Elle laissa son visage fin, ses deux petits sourcils méticuleusement dessinés au crayon noir et son grand sourire plein d’assurance , faire le boulot. Harry ne savait pas où poser son regard. Il se contenta de détailler du haut en bas la longue robe de lainage très en vogue dans les années soixante-dix, comme un vendeur de prêt-à-porter. Avec une légère  touche de provocation et un petit air  canaille  (probablement appris dans les meilleures écoles privées  de call-girls) Roxie  jeta un coup d’œil  en direction de la bouteille de Wild Turkey.
-Vous m’offrez un verre … Harry.
Harry balança le manteau sur un fauteuil et se précipita vers la table basse. La bouteille en  mains, les yeux ronds, il demanda :
-Vous ne préférez pas quelque chose…enfin…de plus doux ? En désignant d’un  coup d’œil  la bouteille de champagne californien offerte par la direction.
-Non, pas  question, répondit la fille d’un ton ferme. (Puis, elle se mit à roucouler) J’adooore les sensations fortes. Pas vous Harry ?
-Si. Bien sûr, bredouilla Harry en versant une généreuse rasade de bourbon à 50° dans le verre.
Elle décida de s’installer près de la fenêtre, sur un grand fauteuil. Harry laissa tomber illico la longue robe pour se concentrer sur les jambes qui venaient de se croiser. Le crissement soyeux du nylon provoqua un frisson du tonnerre le long de son épine dorsale ; une vraie décharge électrique. Le grand sourire de la fille sous-entendait : vas-y, rince toi l’œil mon vieux, tu vas payer 100 dollars pour ça, c’est tout à fait  normal. Puis, elle se redressa légèrement et demanda:
-Alors, cher Harry. Surtout, ne me dis pas que nous allons perdre notre temps en vaines discutions….
-Comment ? fit Harry  en ouvrant de grands yeux.
-Oui, reprit-elle, avec l’expression d’une gosse à qui l’on vient de refuser quelque chose.  Tu sais bien, généralement, on parle  du travail, de la circulation à Détroit et peut-être même de politique. Quelle tristesse !  (elle fit une petite moue, leva les yeux au plafond et, en direction du lit) alors que ce grand lit me semble si confortable.
-C’est vrai, dit Harry en souriant. Laissons tomber le boulot, Détroit, et tout le reste. On s’en balance !
-Bravo ! fit Roxie en se levant.
Harry s’approcha.  Ils trinquèrent. Les glaçons tintèrent dans les verres.
-A nous, dit Roxie. A notre rencontre, à notre amour furtif.
Elle se tenait si  proche de lui maintenant qu’il s’enivra du parfum sucré de ses cheveux et de son haleine pur malt. Elle se mordit légèrement la lèvre,  puis,  lui posa un amour de petit baiser humide sur les lèvres et se mit à ronronner doucement. Harry se retrouva avec un mamelon en forme de poire  dans la main. Il se mit à caresser consciencieusement le fruit offert. La chatte miaula encore une fois et  échappa  à son maître. En une fraction de seconde, la robe de lainage s’envola au-dessus de sa tête, puis le collant et les sous-vêtements. Même tour de passe-passe pour Harry qui se débarrassa à toute vitesse de son peignoir sans cesser de fixer le petit triangle finement ciselé par un artiste qui venait d’apparaître, comme par magie. Ils tanguèrent et  glissèrent ensemble, enlacés, vers le lit. Côté musique d’ambiance : le grand Johnny Cash attaquait God’s Gonna cut you down. Elle se lova tout contre lui et  lui murmura dans le lobe de  l’oreille : «  Alors, gentil Harry, tu as peut-être une préférence ? »
-Oui… En levrette, haleta Harry, avant de  s’appliquer  à mordiller le délicieux téton dressé qui  s’offrait  à lui.
-Oooouuuu. J’aime.. murmura Roxie. Continue.
Le cœur d’Harry Dean Woods battait à se rompre. Son sexe en érection dépassait maintenant de son caleçon,  dressé comme un dard, prêt à l’action. Sans cesser d’embrasser la peau chaude  douce  tendre et laiteuse de la fille, il se laissa glisser plus bas. Lorsqu’il coinça sa tête dans l’entrejambe de Roxie, elle  poussa un petit cri plaintif et le saisit  fermement par les cheveux. Harry ne se comporta pas en fin gourmet mais en  insatiable gourmand. Il happa, lécha et suçota le fruit offert à une folle cadence. Sa respiration devint un râle rauque. Arc-boutée, Roxie   lui fit apprécier l’étendue de sa gamme d’aiguës. Les trémolos de sa voix étaient  en parfaite  harmonie  avec  l’extrême gravité de celle de Johnny Cash qui chantait maintenant : Please don’t take my sunshine away. Puis, Harry sentit les jambes musclées  de la fille qui se refermaient  subitement et fermement autour de son cou. Il tenta maladroitement de redresser  la tête sans y parvenir. Roxie assura encore sa prise en croisant ses chevilles. Puis, elle pivota sur le côté en imprimant un mouvement sec et extrêmement  brutal qui vint briser les cervicales de sa victime. Avec, comme figée sur son visage très pâle, une profonde expression de terreur, Harry s’affaissa sur le flanc et dégringola lourdement du lit. Roxie demeura quelques secondes les yeux collés au plafond, à respirer doucement. Puis, elle se leva, enjamba le corps d’Harry sans lui accorder un regard, comme on enjambe un tapis, et se dirigea droit vers la bouteille de Wild Turkey. Au goulot, elle descendit une énorme rasade. L’alcool la fit frissonner. Ensuite, elle saisit son verre resté sur la table basse et se rendit dans la salle de bains pour le laver et l’essuyer. Un dernier coup d’œil dans la chambre pendant qu’elle se rhabillait  et elle se retrouvait déjà devant la porte,  prête à sortir. Elle saisit la poignée mais, au dernier moment se ravisa pour venir attraper la bouteille de bourbon qu’elle flanqua dans son sac. Enfin, elle sortit de la chambre. Il était 19h30 à Detroit, Michigan. L’ordinateur était maintenant  en position veille. Sur le lac Erié, la barge chargée de minerai n’était plus visible. Le restaurant pivotant du dernier étage de l’hôtel Pontchartrain venait d’ouvrir ses portes. Déjà, des clients se pressaient vers l’entrée, impatients de déguster le fameux soufflé au crabe.
Julius Marx


(1) La société Monsanto est, en autre, responsable de la fabrication du fameux agent Orange. Ce puissant défoliant utilisé par les Américains  pendant la guerre du Viêtnam pour « venir à bout » de la jungle vietnamienne. Pour  mieux « apprécier » les résultats  de ce produit sur les habitants de la jungle, je vous conseille (une fois de plus) d’aller regarder les photos du grand Tim Page sur son site :  TimPage-image.com.au
Image :  Brendan Gleeson in The Guard (John Michael Mc Donagh-2011)
Critique de ce film sur le blog toutlesautressappellenthal.blogspot.

dimanche 23 février 2014

Le Polar est cynique



Il rangea le P38 dans le holster de sa ceinture. Moll le rejoignit sur le trottoir. Elle avait une expression comique. Elle semblait plus étonnée de lui voir une arme que du reste, que d'avoir vu un type balayer la salle avec un PM, que de voir des morts et des blessés.
-Je l'ai vu, dit-elle. J'ai regardé, à la fin. Qu'est-ce qu'il portait? Il avait l'air bizarre. Il avait quelque chose sur les oreilles et sur la figure.
-Verres teintés. Des lunettes de tir pour les ricochets et les fragments. Et des protections sur les oreilles, pour le bruit.
-Qui était-ce ? Il y a des gens tués, là-dedans. Qu'est-ce qui s'est passé?
-Je crois qu'il n'avait pas l'habitude de cette arme. Il laissait le canon remonter, quand il tirait. Et cette arme et justement conçue pour éviter ça.
-Mais qui était-ce? Qu'est ce qui s'est passé?
-Il avait le coude droit mal placé. Il le pointait vers le bas. Le coude devrait être bien écarté, parallèle au sol, quand on tire avec cette arme-là.
-Bon Dieu, mais tu vas t'arrêter? dit-elle. Vas-tu me dire ce qui s'est passé?
Elle avait son chandail et son chemisier couverts du sang du garçon. Plantée là, elle tremblait. Il lui fit un petit sourire tordu et hocha la tête, sincèrement navré de ne pas pouvoir apporter la moindre lumière à la situation.
Deux gamins surgirent d'un renfoncement et s'approchèrent de Selvy, près du Bar Tropical dévasté.
-Combien tu nous donnes pour témoigner ?
-On t'arrange ça, mec.
-C'était Patty Hearst avec une mitraillette.
-Mais non, mec, c'était Stevie Wonder . Tu as vu ses écouteurs? Il tirait en rythme avec la musique.
Don Delillo
Running Dog
1978
Image : Angie Dickinson /Lee Marvin in Point Blank (John Boorman 1967)

On dit souvent que l'écriture de Delillo est cinématographique. Pourtant, elle se situe entre le roman et le script. Lisez dans l'extrait la surprenante alternance entre les passages expliqués et détaillés et le long dialogue sans aucune indication de  jeu ou de mise en scène. Et puis, enfin, l'apparition des deux gamins ou l'auteur laisse le lecteur totalement libre d'imaginer leurs têtes , leurs expressions,en privilégiant simplement leur texte.

mardi 18 février 2014

Le Polar est Actualité


D'un pas lourd, il s'approcha de la porte et Teed l'accompagna. Parvenu sur le seuil, Carboy se retourna, il avait le regard voilé :
-Voyez-vous, j'ai beau réfléchir, chercher à me rappeler quand et comment ma vie a changé...je n'y arrive pas. C'est bizarre qu'on ne garde pas le souvenir du moment exact où l'on a fait son choix... Peut-être qu'au fond, ça se fait petit à petit, sans qu'on s'en rende compte...J'ai beaucoup réfléchi.
-Les moralistes disent qu'il y a le bien et le mal, Mark.
-Ce n'est pas si simple. Un type entre dans une carrière publique, convaincu qu'il va faire du bon boulot. Il est prêt à travailler de son mieux au bien-être de ses concitoyens. C'est une forme d'idéalisme parfaitement respectable.Puis il s'aperçoit que pour mener à bien ses desseins, il est contraint d'accepter certains compromis. C'est comme le type qui construit une maison et qui s'aperçoit que, s'il veut pouvoir  se payer un toit, il faudra qu'il se contente de fenêtres bon marché, et que pour se payer la cheminée, il faudra supprimer la cave. Cette nouvelle maison qu'il se voit contraint de bâtir ne lui plaît plus, mais il se console en se disant que, sans ces diverses concessions, il n'y aurait pas de maison du tout.
"Mais lorsqu'on est dans l'engrenage de la vie publique, chaque compromis facilite et prépare le suivant, alors que chaque effort pour accomplir quelque chose de bien rend plus pénible l'effort suivant. C'est  une idée  bien ingrate et on s'y fait mal...Pourtant, on continue et, pour se consoler, on se dit que si on additionne tout ce qu'on a accompli de positif et qu'on déduise tout ce qui est négatif, il reste encore quelque chose de valable.
"On se laisse aller, cherchant à prolonger l'illusion, jusqu'au jour où, brusquement, lorsqu'on recommence le même petit calcul, on s'aperçoit que le mal a dominé le bien. Et il est trop tard pour comprendre à quel moment  précis les plateaux de la balance ont basculé, ni quel a été l'acte fatal, qu'il aurait fallu éviter à tout prix.
Il bomba le torse effaça les épaules et, pendant un instant, ressembla aux photos retouchées qu'il utilisait pour ses campagnes électorales.
-Il me faut du temps pour réfléchir, Morrow, dit-il. Je n'ai pas l'esprit vif. Mais je ne crois pas être complètement idiot, ni foncièrement mauvais.
-Je ne le crois pas non plus, Mark, dit Morrow d'une voix douce.
- Il est temps de redresser les plateaux de la balance, conclut Carboy en tournant les talons.
Teed, debout derrière la fenêtre, regarda s'éloigner Carboy, le dos rond derrière le volant de la Buick noire.
John D.Mac Donald 
Judge me not (Dans les plumes)
Série Noire N° 146
image :  Syd Charisse et R.Taylor in Party Girl (Nick Ray 1958)

dimanche 16 février 2014

Paris (2)

Oui, mais Picabia ?



Une page de Jésus-Christ Rastaquouère provenant du blog Dada 100

vendredi 14 février 2014

Paris (1)


Mais qu'est-ce qui  me pousse à retourner sur les lieux de mes vingt ans?
La nostalgie? Même pas. A cette époque j'étais triste et seul, incapable d'échanger, de communiquer avec quiconque. Quelle force m'oblige à aller vérifier que l'hôtel d'Oscar Wilde, découvert par quelques lignes de Borges, est toujours à la même place. Constater que les cinémas Action diffusent encore des films admirables en version originale ne m'apporte rien. Qui me demande de donner mon avis au sujet de toutes ces boutiques Starfuckers ( oui,je les appelle comme ça, je trouve que ce nom leur sied à merveille) qui ont remplacées librairies ou autres boutiques improbables? Qui me permet, enfin, d'adresser la parole à un barbu et sa copine, devant les bacs de bouquins de chez Gilbert Jeune (ou Joseph Gibert, ces deux-là, je les confond toujours) et de leur conseiller de laisser tomber leur gros thriller à 26 euros pour choisir les Hammett en occase, derrière le pilier, là, devant vous....
Sans avoir la réponse, je me retrouve Rue de Verneuil. Je ne cherche pas la librairie, je me souviens simplement que j'étais entré pour acheter juste un petit livre ; un petit format correspondant parfaitement au billet de cinquante francs que j'avais dans la poche. En me dirigeant vers la caisse avec mon Francis Picabia en main, je me trouvai face à un homme élégant aux tempes grisonnantes. Je n'entend plus aujourd'hui ses paroles. La seule chose que je sais c'est que  n'osais pas refuser d'acheter aussi les trois tomes des oeuvres complètes de Benjamin Péret (pour le chèque, je me disais que je pourrais toujours discuter avec le banquier, plus tard.. )
Cet homme, c'était Eric Losfeld, bien sûr. Et depuis, je sublime...

Quand la pointe des seins rencontre  le vent frais 
et dit Bonjour
le nombril descend l'escalier
sans s'inquiéter de savoir s'il pleut
s'il y a plus de marches que de pieds
pour les descendre
La beauté des pattes de mouche
devient alors plus relative que celle des pattes de tortues
C'est parce que l'écaille
fait des siennes d'un bout de l'année à l'autre
et le soir le tour des boites de nuit...(1)

Dans le métro, plus de hippies, il n'y a que des hommes jeunes aux cheveux ras, sanglés dans leurs uniformes bien repassés qui s'acharnent à prendre la pause, sérieuse et hautaine.
Tous les voyageurs ou presque sont appareillés. Une jeune femme, les yeux au ciel, serre son téléphone dans ses mains comme un crucifix.
Personne n'accorde un regard ( ou alors très furtif) au cul de jatte (comment Diable les nomme-t-on aujourd'hui ?)qui se traîne au sol. Aucune pièce ne tombe dans son escarcelle.
Entre deux rives, mon coeur balance
Surtout, ne pas se pencher au dehors.
(A suivre)
Julius Marx
(1)Texte extrait du poème de Benjamin Péret Mes sources.
Pas mal de sites sur le poète. La photo provient du site Nutopia (A hippie dream)

mercredi 5 février 2014

Charlie

Cavanna vient de mourir et, je me souviens...

Comment j'ai été attaqué par un éléphant et des guerriers Mossis.
Avril 1977, Ouagadougou  capitale de la Haute-Volta (devenue aujourd'hui le Burkina-Faso).
La grande librairie centrale est un commerce tenu par des Libanais (tous les commerces importants sont aux mains des libanais, c'est ainsi) et on y trouve tout , ou à peu près tout.
J'entre. Une rombière grimace et pince les lèvres  en fixant ma tignasse.Je lui rend sa grimace et me  dirige tout de suite vers l'étagère où j'ai l'habitude de trouver chaque semaine mon Charlie-Hebdo.
Ensuite, la routine; les vendeurs me sourient, le gérant me demande des nouvelles de ma famille et la rombière lève les yeux au ciel.
Je dépose mon canard plié en deux sur la caisse. La souriante petite caissière l'attrape, le déplie et reste subitement interloquée, la bouche grande ouverte. Elle appelle son acolyte, occupé à ranger d'autres bouquins, dans le cagibi, juste à côté de la caisse. Il nous rejoint  en deux enjambées. Lui aussi jette un oeil sur la couverture du Charlie.Le résultat est le même. Mais le type à l'air beaucoup plus méchant. Il  retrousse les babines et appelle d'autres vendeurs.
Je baisse les yeux à mon tour... merde... un dessin de Reiser... Je sens mes jambes qui m'abandonnent. J'ai subitement chaud...
Bon sang, elle en met un temps à me rendre ma monnaie, qu'est-ce qu'elle fiche.... et moi qui lui ai refilé une grosse coupure, quel andouille! Il faut que je file maintenant. Vite... pendant que la voie est dégagée.
 La sortie, enfin... Des guerriers armés de sagaies veulent me transformer en écumoire, je plonge!
Je déboule dans la rue...Libre... Sain et sauf!  Ils m'observent depuis la vitrine. Je cours...
Il va falloir que je prenne les petites rues pour les semer. Je suis devenu un paria. Je vais finir dans un fossé parmi les détritus comme le héros du Linceul .
Les voilà ! Cours mon vieux, cours !
J'ai de plus en plus chaud... Salaud de Reiser!
Julius Marx



samedi 1 février 2014

Le titre n'est RIEN



.... mais que la porte s'ouvre enfin comme la première page d'un livre
ta chambre pleine d'indomptables d'amoureuses coïncidences tristes ou gaies
je couperai en tranches le long filet du regard fixe
et chaque parole sera un envoûtement pour l'oeil et de page en page
mes doigts connaîtront la flore de ton corps et de page en page
de ta nuit secrète étude s'éclaircira et de page en page
les ailes de ta parole me seront éventails et de page en page
des éventails pour chasser la nuit de ta figure et de page en page
ta cargaison de paroles au large sera ma guérison et de page en page
les années diminueront  vers l'impalpable souffle que la tombe aspire déjà
Tristan Tzara
L'Homme approximatif
(extrait)
Poésie/ Gallimard