Il s'était couché , et avait eu du mal à s'endormir à cause des télés et des transistors qui transformaient le camping en champ de foire. Puis le sommeil était venu. Il avait dormi par épisode, par petits sommes, à cause des bruits. Pas des bruits de radios, cette fois. Des bruits de chiottes. Les waters principaux étaient à dix mètres de sa guitoune. En entrant dans les barbelés, il n'avait pas pris garde à ce détail. Bruits de gogues. Un va-et-vient incessant. Une courante collective sous les pins et les mélèzes. Le grand collecteur et ses effluves bravant l'air de l'océan. Ajoutez à cette Bérézina des boyaux les rires accompagnant les galipettes sous les tentes, les soupirs de ceux qui ne folâtrent qu'entre juin et septembre (le 1er octobre on la met dans la naphtaline ) , les rots honteux d'un monde trop bien nourri, tout un bruit de fond immonde, tout un murmure d'égout, de gaité indécente, de vacances serrés les uns contre les autres en un fraternel amour, presque bouche à bouche.
Pierre Siniac
Les Mal Lunés
La poésie féroce, cruelle et célinienne du grand Siniac.
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