"J'aime lire allongée sur un canapé, mais ceci n'est pas une profession, hélas." Fran Lebowitz
samedi 19 décembre 2020
Clap de fin
samedi 12 décembre 2020
De l'amour
dimanche 6 décembre 2020
L'âge du doute
Un nouveau Montalbano c’est toujours une bonne nouvelle. D’autant plus que d’après l’ami
Quadruppani cet opus là serait l’avant dernier. Puis, une fois l’euphorie passée, vient le
moment tant attendu où le lecteur se couche, en prenant bien soin de remonter la couette
sous son menton, pour un beau voyage sicilien.
Bon, le premier problème d’un Montalbano c’est qu’il se lit trop vite, beaucoup trop vite
même. Voilà une chose qui n’a pas changée. Ce qui change c’est ce malaise persistant qui
s’installe chez le lecteur. Un trouble évident que l’amateur cherche à cacher mais qui
revient sans cesse, l’empêchant d’éteindre la lumière, de redescendre les escaliers quatre à
quatre pour aller lire à sa douce moitié un de ces passages si croustillants qui fleurissaient
autrefois dans les aventures de notre bien-aimé commissaire. Ce trouble venant du fait que
le thème principal du roman (me semble-t-il) est la vieillesse. Oui, les inconditionnels de sa
Seigneurie devront bien en prendre leur parti, le cerveau de Montalbano, de notre
Montalbano, commence bel et bien à se ratatiner ! Notre héros commet des erreurs et, c’est
bien plus grave encore, semble être sur le point d’abdiquer.
Même si la résolution de l’intrigue (en fait deux intrigues étroitement liées) lui appartient
encore, on devine que le coeur n’y est plus du tout. Rassurez-vous, il y a toujours
quelques petites attaques contre les puissants et d’habiles stratagèmes montalbaniens mais
ils sont hélas noyés dans de gros nuages de mélancolie. Ce ciel de Sicile, amis lecteurs,
devient gris !
Gris, il l’est aussi chez moi, ce fichu ciel. Hier, en courant acheter le bouquin dans une
grande surface (c’est juste de la provoc) je cherchais dans les rayons à la lettre M , comme
Montalbano avant qu’une employée désabusée me recommande de visiter le casier de la lettre C,
comme Camilleri. Bon sang ! Moi aussi, il semble bien que mon cerveau commence à se ratatiner.
Julius Marx
jeudi 26 novembre 2020
Souvenirs
Déjà plus d’une heure que le guide nous parle des Nabatéens, de la péninsule arabique, des 2200 ans depuis je ne sais qui, et de la sédentarisation.
C’est merveilleux.
Sans blague, je suis conscient du moment unique que je suis en train de vivre.
Non, mon petit, je ne veux pas faire une promenade à cheval,
non, je n'ai pas besoin d’un joli bracelet à un euro,
Ce qu'il me faut, c'est juste un peu d’ombre.
L’ombre…Une sacré bonne idée.
Là. Planqué sous un rocher du canyon,
personne ne m’empêchera de rêver des Nabatéens,
de la péninsule arabique, des 2200 ans depuis je ne sais qui, et de la sédentarisation.
Et puis, Dieu m’est apparu.
Un Dieu à la peau sombre, à la bedaine bien calée dans une drôle de voiturette de golf.
Hé ! Diego. Qu’est-ce que tu fabriques dans cette foutue voiture de golf ?
Qu’est-ce que peut bien te raconter le fils du Roi, assis à côté de toi ?
Pourquoi viens-tu me narguer Diego ?
Pourquoi vouloir m’empêcher de rêver seul des Nabatéens,
de la péninsule arabique, des 2200 ans depuis je ne sais qui,
et de la sédentarisation.
Et puis, ces putains de gardes du corps, Diego,
Pourquoi me poussent-ils contre les pierres ?
Alors, l'hélico blanc, c'était toi.
Moi, je suis arrivé ici par la route,
une sacrée route qui n’en finissait pas de s’entortiller autour des rochers
comme un serpent.
Tu peux me croire Diego,
J’ai bien mérité de rêver, peinard,
des Nabatéens, de la péninsule arabique, des 2200 ans depuis je ne sais qui,
et de la sédentarisation.
Tu as vu le désert, Diego ? Ces tentes de nomades, ces chiens galeux et ces rapaces, très haut dans le ciel pur, dédaigneux des petits bonhommes trimballés dans un bus ?
Où alors, le fils du Roi te faisait-il chier avec ces problèmes de fils du Roi ?
Hé, toi !
Oui, toi, El Pibe del oro,
qu’est-ce que tu fabriques dans cette ridicule bagnole blanche
Avec tous ces types en noir qui bourdonnent autour de toi comme des mouches affolées par le sucre?
Par ta faute Dieguito,
j’ai laissé tomber les Nabatéens,
la péninsule arabique, les 2200 ans depuis je ne sais qui,
et la sédentarisation.
C’est bien à cause de toi, Diego,
que je me suis subitement retrouvé dans les rues de Naples, avec des gamins d'une autre péninsule.
Et puis, tu as disparu.
On n’entendait plus que le bourdonnement
de tes mouches, derrière toi.
Dommage… tu aurais pu me prêter ta voiture
pour remonter le canyon,
retrouver mon bus, mes touristes.
Mais, comment leur dire que Dieu venait d'atterrir en hélico blanc
ici, dans le désert des Nabatéens ?
Julius Marx (Petra- Jordanie-1er Mai 2015)
jeudi 19 novembre 2020
Plus qu'à une rapide pulsation de la mort
samedi 31 octobre 2020
Un grand rêve d'envapé
mardi 27 octobre 2020
Le masque grimaçant de la littérature
samedi 10 octobre 2020
Valparaiso
vendredi 2 octobre 2020
L'oeil du poète
lundi 21 septembre 2020
L'histoire d'Alberta Wright
mercredi 9 septembre 2020
Flotter dans l'espace
vendredi 4 septembre 2020
Introduction
samedi 29 août 2020
Le Polar Est Amour (37)
mardi 18 août 2020
Les balcons au regard ingénu
mercredi 29 juillet 2020
Et un petit Noir, un !
Lorsqu'ils y virent clairement de nouveau , ils s'enfoncèrent tous deux entre des montagnes de caisses pleines de bouteilles, d'alcool pour la plupart et quelques-unes de vin. Leurs pas résonnaient sur le ciment, mais personne ne les interpella. Arrivés au fond de l'entrepôt, ils trouvèrent un espace dégagé où quelques caisses vides avaient été groupé de façon à former une sorte de bureau de fortune. Des tabourets de bar couverts de moleskine déchirée conféraient à ce lieu une sorte de pimpant pathétique. On se serait cru dans les coulisses d'un théâtre. Une ampoule nue brillait d'un éclat brutal, suspendue au toit voûté comme une fausse étoile pour décor de nuit de Noël. Un camion passa en grondant dans J. Street et les ombres frémirent en même temps que l'ampoule.
Wade Miller
Murder Charge
(Week-end à l'abattoir)
Série Noire N°135
Pour un bon petit Noir, prévoyez de la matière, du style, et, pourquoi pas, un petit morceau de sucre.
mardi 21 juillet 2020
Belle intro
L'étroite jetée blanche s'enfonçait dans Biscayne Bay comme le doigt d'un squelette en décomposition. L'eau de mer qui déferlait depuis des années avait attaqué la peinture qui s'écaillait et les planches qui étaient molles sous les pas. A l'autre bout de la jetée un gros homme, assis ou accroupi- je n'aurai pas pu dire s'il avait une chaise sous lui parce qu'il portait une longue robe blanche en éponge qui le faisait ressembler à une balle de tennis détrempée. Il me tournait le dos, mais en approchant, je distinguai une mince canne à pêche entre ses gros doigts boudinés. Il était immobile. Des nuages noirs filaient dans le ciel de l'après-midi, et la jetée branlante oscillait au rythme des vagues couronnées d'écume. Après l'avoir regardé une minute ou deux en butte aux attaques de tous les embruns de l'Atlantique, je m'éclaircis la gorge.
Le gros fut obligé de se retourner complétement pour me voir, car il n'y avait plus de séparation nette entre sa tête et son cou, si tant est qu'il en eût jamais existé une. Pour visage, un cercle brun et inexpressif, défiguré par une cicatrice sombre qui lui barrait la figure à partir de l'oreille gauche. Il avait les yeux aussi noirs que la mer. Un cigare éteint pendait au coin de ses grosses lèvres. Il était presque chauve, mais le vent tiède chargé d'embruns ébouriffait les rares mèches qui lui restaient et qui se dressaient comiquement toutes droites au sommet de son crâne.
-M.Capone, hurlai-je pour dominer le bruit du ressac, je m'appelle Toby Peters.
Première page d'un classique de la littérature, d'un essai documenté comme seuls savent l'écrire les universitaires américains ou bien seulement d'une biographie non moins sérieuse de Scarface? Non, simplement l'introduction de l'amusant roman noir de Stuart Kaminsky "You bet your life".
lundi 22 juin 2020
Carte postale
Nous les appelons les dentelles de Montmirail. Et puis, là-bas, au second plan, le Ventoux. N'oublions pas ce sacré Mistral . Invité ou pas, il se faufile toujours ! C'est peut-être bien pour cette raison que les gens d'ici parlent beaucoup ; la moitié de leurs mots s'envolent au vent.
lundi 25 mai 2020
Descriptif
Si l'on excepte la table de travail en forme de haricot, de la taille d'une piscine d'Hollywood, le bureau de réception de Me Palmer avait l'intimité d'un living-room. le divan et les trois fauteuils capitonnés étaient recouverts de chintz aux couleurs vives et des toiles de Dufy décoraient les boiseries murales. dans des vases d'argent, dormaient des roses jaunes, aux corolles mi-closes. Et, dans la cheminée de marbre, les bûches en bois de bouleau luisaient, si blanches qu'elles semblaient avoir été passées au décolorant. Les lumières de la ville scintillaient derrière les immenses fenêtres, à l'extrémité de la pièce.
Jonathan Latimer
L'épouvantable Nonne
Série Noire N° 316
Résolument Chandlérien, un descriptif des lieux qui laisse pantois! Quelle merveilleuse époque où les romans noirs se lisaient avec délectation.
dimanche 3 mai 2020
Confinement (48)
Le monde est un complexe formidable. Il est fait des mauvais exemples de nos semblables, des doctrines communément répandues, des idéologies contagieuses généralisées, des entraînements de toute nature contre lesquels chaque individu a à se débattre continuellement. Comment est-ce possible que le cœur de l'homme soit un champ de bataille? Pourquoi ces contradictions intimes et inévitables qui sont en nous-mêmes, qui sont nous-mêmes? Est-ce là notre état primitif ou cela s'explique-t-il par une catastrophe initiale, une déchéance, un drame caché dans les origines de l'espèce? Les hommes sont-ils naturellement fous ou est-ce le travail, ce pain qu'il faut gagner à la sueur de son front, qui les rend fous? Sont-ils des énergumènes et des possédés? Des exaltés? des tristes?
Blaise Cendrars
Bourlinguer
mercredi 29 avril 2020
Le Polar Est Amour (36)
-C'est comme l'amour, dit-il. Le premier baiser est un enchantement, le second : une familiarité; le troisième: une habitude. Ensuite, on a plus qu'à déshabiller la fille.
-Ca vous déplaît tant que ça? lui demandai-je.
-C'est une émotion d'un autre ordre. Remarquez que je ne crache pas sur la bagatelle; c'est une chose nécessaire, mais il faut soigner la mise en scène. Pour que ça reste fascinant, c'est tout un art.
Raymond Chandler
The long Good-Bye
(Sur un Air de Navaja)
Série Noire N°221
lundi 27 avril 2020
Lecture de la Bible
Bien, ce confinement, très bien même. Aucun moyen de se procurer de livres nouveaux alors, que pouvons-nous faire? Relire la Bible,évidemment. Notre Bible à nous, notre Recherche, c'est la Moisson Rouge de Hammett. La Moisson, où nous trouvons dès les premières pages avec l'explication de Bill Quint (dit le Rouge) la description parfaite de ce qu'est devenu notre monde dit civilisé. Un monde parfait qui s'écroule devant nos yeux ébahis parce qu'un attardé a dégusté, un beau jour, un bon petit pangolin. Un livre Saint lut et partagé par de nombreux apôtres qui, au fil des chapitres, ne cesse de poser les bonnes questions. Montons en chaire pour clamer haut et fort que "qui n'a pas lu cette bible n'est pas digne de porter la parole ne notre genre préféré."
Amen.
lundi 20 avril 2020
Confinement (35)
(Traduction de crise)
Encore une putain de journée
a boire dans la cuisine
et plus tard, quand la nuit tombe
être toujours dans la cuisine.
Rien qu'une putain de journée
A nourrir les gosses et les chats.
Plus tard, regarder Netflix
et dormir.
Rien qu'une putain de journée.
Je la passe avec toi
toujours pas le choix
Une journée si banale
j'en pleurerai.
Je m'rappelle de nos Week-end
C'était poilant.
Rien qu'une putain de journée
Je la passe avec toi
toujours pas le choix.
Pas de danger que je devienne
quelqu'un d'autre
Tu ne me laisses jamais seul
Tu ne me laisses jamais seul
hélas.
Sûr qu'on ne va pas tarder à récolter
ce qu'on a semé.
mardi 14 avril 2020
Confinement (28)
A la seconde : ville morte
Du Montana juste quelques mots avant d'aller en ville: il faut bien qu'il y ait quelqu'un pour aller en ville aujourd'hui. Parce que si tout le monde restait chez soi, la ville serait vide. Parce qu'alors il n'y aurait pas de voitures et les rues seraient désertes; les magasins eux seraient tous hantés-absence de tout un chacun par un mercredi de non-vacances. La chose pourrait même faire la une du bulletin de six heures.
On en ferait plaisanterie pour faire rire les gens:
"Aujourd'hui, à Livingston, Etat du Montana, population sept mille habitants, tout le monde a décidé de rester chez soi: depuis vingt-quatre heures Livingston est une ville morte. Aucune raison officielle n'a encore été donnée à un événement qui pour l'instant reste unique en son genre. Contacté en fin d'après-midi par la chaine de télévision ABC, le maire de la ville s'est refusé à tout commentaire: que le Montana soit le dernier avant-poste avant l'inconnu, voilà ce que nous pouvons maintenant déclarer sans risque d'erreur."
Et sur le visage du speaker s'ancre un large sourire de speaker : aussi large que l'ancre du Titanic en train de couler à pic.
Sauf qu'ici personne n'a envie de ça: il faut absolument que j'aille en ville et là, bien haut me fasse voir. J'espère que nombreux seront ceux qui suivront mon exemple. Parce que non, je n'ai aucune envie d'aider par mon absence à ce qu'une seconde la ville ne soit plus qu'un fantôme.
Richard Brautigan
Tokyo-montana express
vendredi 10 avril 2020
Confinement (25)
Au fond de son âme, cependant, elle attendait un évènement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'à elle, vers quel rivage il la mènerait, s'il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d'angoisses ou pleins de félicités jusqu'aux sabords. Mais, chaque matin à son réveil, elle l'espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'étonnait qu'il ne vînt pas, puis au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.
Gustave Flaubert
Madame Bovary
mercredi 8 avril 2020
Confinement (23)
Il faut, pour soutenir une conversation en société, savoir une foule de choses inutiles. Il faut se tenir au courant. Je ne sais pas courir. Reste donc chez toi.
Jules Renard
Journal
dimanche 5 avril 2020
Confinement (20)
lundi 30 mars 2020
Confinement (14)
La vie n'est pas réductible à des mots prononcés ou écrits par personne, jamais. La vraie vie a lieu quand nous sommes seuls, à penser, à ressentir, perdus dans les souvenirs, rêveusement conscients de nous-mêmes, des moments infinitésimaux. C'est ce que disait Elster, ce qu'il répétait, de plus d'une façon. Sa vie se déroulait, disait-il, quand il était assis, les yeux fixés sur un mur nu, à penser au dîner.
Don De Lillo
Point Omega
samedi 28 mars 2020
Confinement (12)
La journée de lundi a été particulièrement déprimante. Le réveil a sonné à 9 heures et je me suis assis sur mon lit. Si on peut appeler ça un lit. D'ailleurs, depuis une couple d'heures je ne dormais plus vraiment, je somnolais. Et je m'étais couché à 22h30. Je dors beaucoup. Ou bien je somnole beaucoup. Enfin, ça dépend des moments.
J'ai retapé la couche, je l'ai recouverte de sa housse de velours bleu râpé, j'ai redressé le dossier et les accoudoirs et j'ai tout poussé contre le mur. Ca avait à peu près l'air d'un canapé, oui.
J'étais en caleçon. Il faisait frisquet. C'était un printemps pourri que ce printemps-là, et il s'est mis à pleuvoir dans la cour, de l'autre côté de la fenêtre en dépoli, et vraisemblablement sur le reste de la ville aussi. J'ai quand même ouvert pour aérer, et le résultat, c'est que l'eau est entrée et a ruisseler sur le mur sous la fenêtre. J'ai refermé. J'ai arrangé les revues dans le porte-revues, des vieux Express, des vieux Match, des vieux Lectures pour Tous et un numéro égaré de Newsweek. Ca n'est pas que je parle américain ou quoi que ce soit, mais ça fait international, ça me donne de l'envergure.
Aux yeux de qui?
Jean-Patrick Manchette
Morgue Pleine
vendredi 27 mars 2020
Confinement (11)
Rien n'égale en longueur les boiteuses journées,
Quand sous les lourds flocons des neigeuses années
L'ennui, fruit de la morne incuriosité
Prend les proportions de l'immortalité.
-Désormais tu n'es plus, ô matière vivante!
Qu'un granit entouré d'une vague épouvante,
Assoupi dans le fond d'un Saharah brumeux;
Un vieux sphinx ignoré du monde insoucieux,
Oublié sur la carte, et dont l'humeur farouche
Ne chante qu'aux rayons du soleil qui se couche.
Baudelaire
Les Fleurs du Mal
Spleen 79
jeudi 26 mars 2020
Confinement (10)
Georges Perec
Un homme qui dort