samedi 12 juillet 2014

I must be going



J'abandonne une mer sereine pour un océan impétueux.
Il reste tant de mots à écrire, tant d'histoires à écouter
But...I must be going.
Mes valises sentent la fleur d'oranger
et je regrette déjà la brise marine
But... I must be going.
De la Tunisie, j'écrirais encore
la phrase de Lope de Vega
Bâtissant des tours sur du sable.
But... I must be going.
A bientôt
Julius Marx



mardi 8 juillet 2014

Une autre planète



L'odeur de la mer se mêlait au parfum dont Soad avait imprégné son corps frêle d'adolescente aux formes à peine nubiles. Elle se roulait sur le sable, s'amusant à narguer les étoiles par ses poses lascives.
A part les étoiles, personne ne pouvait la voir. Elle se trouvait sur la plage, à la lisière de la promenade déserte du casino, dans une zone ténébreuse à l'abri des lumières scintillantes du dancing en plein air.
La musique de danse arrivait jusqu'à elle dégagée de son rythme assourdissant, prenant une résonance fantomatique, aussi irréelle que sa propre présence sur ce coin abandonné de la plage. Elle s'immobilisa un instant, le visage crispé en une moue enfantine, puis elle cueillit une poignée de sable et la fit couler lentement sur son bas-ventre, éprouvant un plaisir voluptueux à sentir ce poids qui pesait de seconde en seconde plus lourdement sur elle, s'insinuait en elle comme une caresse profonde.
Plusieurs fois elle recommença ce manège, frémissante, au bord de l'extase, retenant le désir qui la submergeait. Soudain, elle s'arrêta, rejeta d'un mouvement souple des hanches le tas de sable qui maculait sa robe, et se retourna vers les lumières du dancing.
C'était un monde étrange et vaguement burlesque qu'elle entrevoyait au-delà de la promenade déserte, un monde tellement lointain qu'elle avait l'impression de se trouver à des milliers de kilomètres, regardant la scène d'une autre planète.
Albert Cossery
La violence et la dérision
Joëlle Losfeld
2000

En ces temps de Ramadan, je vous offre cet extrait d'un roman du magnifique Albert  Cossery acheté ici, à Tunis, en 2008, en d'autres temps bien lointains.
Subversif, non?
Julius Marx
 Image : Salvador DALI(jeune fille debout à la fenêtre-1925)

mercredi 2 juillet 2014

Le Polar est Poétique



Avril arrivait, cette année-là, comme une jeune fille  à son premier bal. Délicatement parfumée, en robe de brume légère et couronnée de fleurs. Un rayon de soleil caressait doucement la façade grise de l'immeuble de Grover Avenue, forçait les fenêtres à barreaux et transformait les inspecteurs du 87e District en poètes amoureux.
Steve Carella leva le nez de son fichier  et se rappela ses treize ans et son premier baiser. Cela s'était passé par une nuit d'avril, il y avait longtemps.
Meyer Meyer jeta un coup d'oeil à travers les barreaux, contempla les jeunes pousses des arbres dans le parc d'en face, et s'efforça d'écouter patiemment l'homme assis devant lui sur une chaise dure. Le printemps gagna la partie et l'inspecteur Meyer soupira en se demandant ce qu'il ferait s'il avait dix-sept ans.
L'homme qui lui faisait face s'appelait Dave Raskin et dirigeait un commerce de confection pour dames. Il était également titulaire de quelque cent dix kilos de chair massive répartis sur une charpente d'un mètre quatre-vingt-onze et recouvert ce jour-là d'un costume poids plume bleu pâle. Il n'était pas vilain, dans le genre dur, avec un grand front couronné de cheveux gris, un nez coupant comme un rasoir, une voix d'orateur et un menton qui aurait été tout à fait à sa place sur un balcon de la Piazza Venetia en 1933. Il fumait un cigare infect et Meyer Meyer agitait la main de temps en temps, pour chasser la fumée nauséabonde qui l'empêchait de goûter l'avril et le souvenir de ses dix-sept ans.
Ed Mc Bain
The Heckler 
1961
Image : Sterling Hayden  The Killing (Stanley Kubrick-1956)