lundi 27 juin 2011

Tous les autres s'appellent Hal



C'est un autre blog et , c'est  destiné aux amateurs de cinéma.
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ou bien  toutlesautressappellenthal.blogspot.com

mercredi 22 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (39)

Epilogue
-Et si je meurs, qui ira dire, c'était immérito?
Outis est couché dans la boue. Derrière lui, s'aligne une grande rangée de poubelles.
Dans sa bouche, un goût de sang parce que ses dents se sont enfoncées dans sa lèvre inférieure.
Dans son crâne, de terribles et foudroyants élancements très aigus.
Est-il déjà mort?
Une main s'agite soudain devant ses yeux.Une main aux doigts gourds, aux phalanges faites de nodosités et de bosses rougies.
Le monstre.
On le saisit par le col de sa veste. On le tire vers le haut.
Puis, quelque chose le frappe en plein front. Quoi? Quel importance maintenant..
Des étoiles... Un amoncellement... Toutes scintillantes, tournoyantes, qui tombent de la haute voûte céleste et damasquinée.
Une succession... En vrac.
NUIT


Voici l'histoire telle qu'elle m'a été contée. Pardon si j'ai pu en omettre, peut-être, quelques fragments. Ce récit n'est, après tout, qu'une mosaïque endommagée de la propre journée d'Alexandre Outis-Ulysse.
Tentons de nous consoler en méditant la belle phrase de Kipling dans sa préface de Life's handicap, being stories of mine own people : "Les histoires les plus remarquables sont, bien entendu, celles qui ne paraissent pas (pour des raisons trop claires.)"
ESO GIALLO

mardi 21 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (38)



Dans la salle de rédaction du quotidien " l'Echo de Veninsart" 
Benoit Thorel, pigiste de la rubrique faits divers a les yeux collés au plafond. Il mordille le capuchon de son stylo.
Il baisse enfin la tête, consulte sa montre et soupire. 23 heures. Il est seul , La femme de ménage d'origine sénégalaise vient de sortir en poussant son chariot. Il lui a fait un signe de la main puis, il a admiré son cul.
Une porte s'ouvre dans le fond de la grande salle. L'odeur de cuir et de noix fraîche d'un Partagas précède la ronde silhouette de son rédacteur en chef.
-Alors, mon petit, c'est terminé?
-Non monsieur, je cherche la chute, répond Thorel.
Le chef se fige, ouvre de grands yeux
-La chute ?
-Oui, la chute.
Le chef dégage quelques feuilles et laisse tomber son imposant postérieur de chef sur le coin du bureau.
Il fixe son employé droit dans les yeux, puis, après lui avoir envoyé une bouffée de Partagas dans la figure, demande:
-Dites-moi, mon petit, vous écrivez quoi, un roman?
Thorel est agité de tremblements. L'image furtive de l'agence pour l'emploi des journalistes passe devant ses yeux. Il ne fait rien pour la retenir.
-Non, répond-t-il à son supérieur.
-Bien, dit le chef. Alors, bouclez moi cet article avec une phrase habituelle comme gageons qu'à l'avenir les hommes pourront tirer les leçons qui s'imposent.( Il tête.) Ou alors, à l'heure où nous imprimons ces lignes, les services de police de notre ville nous ont assurés suivre déjà une piste sérieuse.
(Il se relève. Parle à un public imaginaire)
-Quoi qu'il en soit, laissons la justice faire son travail.
(Il fixe son employé)
-Qu'est-ce que vous pensez de ça , mon garçon?
Thorel dodeline de la tête
-Oui, c'est bien... Très bien..
Il pianote déjà.
-A la bonne heure !Vous comprenez le sens de notre mission. Parfait.
Il se retourne et fait quelques pas en direction de la sortie, s'arrête soudainement et fixe de nouveau Thorel.
Sa grosse trogne vinnassée émerge des volutes pour dire :
-Laissez les romans aux intellectuels, ils n'ont que ça à faire!
-Oui, monsieur.

A la même heure, Rue de Paradis à Paris
Debout devant la fenêtre de l'appartement, une jeune femme à la chevelure rousse feuillette un grand livre de cuisine.
Page 105, le chef de cuisine, auteur de la recette du Saint Pierre de retour des Indes explique :
"Le mélange d'épices qui donne sa personnalité à ce Saint-Pierre  a été mis au point après de longs essais. Il met en oeuvre celles que l'on trouvaient déjà dans les murs de Saint-Malo à l'époque de la compagnie des Indes, dans un bouquet d'ailleurs explosif."
La jeune femme ferme les yeux et laisse tomber le livre.
Somnambule, elle traverse le living-room en titubant.
Malgré l'heure tardive, il règne une grande effervescence dans la rue de Paradis. un  couple d'amoureux bouscule la jeune femme sans prendre la peine de s'excuser.
Maintenant, la jeune femme pleure.


Instant eternity of evil and wrong
Outis recule. Le feu ardent lui brûle le dos. Le molosse avance encore. Outis détaille son visage/ il le regrette aussitôt . Un oeil unique, un nez écorché et les joues griffées. Le masque de Gorgone aux mains d'airain  et chevelure hérissée de serpents plonge tout d'un coup vers l'avant. Outis tente un bond de côté, peine perdue, le monstre l'attrape .Ils roulent sur le sol.
Ses deux énormes mains battoirs se nouent autour de la gorge d'Outis qui suffoque immédiatement.
-La chance ! rugit Mullez avant d'exploser d'un grand rire démoniaque.
(A suivre)

lundi 20 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (37)



Monsieur et le blondinet fixent attentivement l'écran
L'image manque de stabilité et l'éclairage est très nettement insuffisant. Monsieur est enfoncé dans un grand fauteuil, voûté, la tête rentrée dans ses épaules. Le blondinet se tient debout, à ses côtés, la main droite posée sur un des accoudoirs du fauteuil.
Ni la perche du micro qui apparaît souvent dans le champ de la caméra, ni le son défectueux ne perturbent les deux hommes. Ils sont totalement absorbés par le film qu'ils visionnent.
Cadré en plan moyen, un homme, le visage dissimulé derrière un masque de Mickey Mouse , parle, dans une syntaxe lamentable, d'une voix chevrotante. Il hésite entre chaque mot.
Son discours se borne à une énumération des activités illégales de l'association colombophile du Nord.
Une voix off, probablement celle de l'amateur derrière la caméra, l'incite a être plus précis, à donner des noms, des dates, des faits. L'homme s'exécute. Puis, il s'arrête, se racle la gorge et boit un verre d'eau.
-L'imbécile ! dit Monsieur.
Le blondinet se contente de hocher la tête. Son sourire découvre ses incisives.
Le personnage principal du film reprend son énumération.
-Toute cette merde à cause de ce con! peste encore Monsieur avant de se lever.
Le blondinet attrape la souris de l'ordinateur, clique,  et Mickey Mouse retourne dans son fichier.
-Tu sais ce qui te restes à faire, lance Monsieur avant de sortir du local vidéo.
-Oui, Monsieur, répond Blondinet.
Pendant une fraction de seconde, il pense à celui qui s'occupait, avant cette ridicule attaque, de ce genre de boulot. Il soupire en pensant que cette-fois ci, c'est lui qui va devoir creuser le sol gelé.
Il lève la tête vers le plafond...Il entend le grand rire de Mamadou . Il montre le poing en serrant les dents.

Au cinéma Rialto, l'unique salle d'art et d'essais de Veninsart.
La séance de 22h15 s'achève.L'ultime plan du film L'Aventure de Me Muir montre un couple de fantôme qui s'enfonce dans un univers cotonneux. La porte de la maison se referme derrière eux. Musique allégorique.
Dans la cabine de projection, l'employé a déjà revêtu son parka, prêt à filer.

Place du monument aux morts
Une faible lumière filtre encore de la fenêtre grillagée du commissariat. L'inspecteur Chanal est penché sur le clavier de son ordinateur et cherche la touche réservée à l'accent circonflexe .
Face à lui, la femme s'essuie les yeux avec un petit mouchoir brodé à ses initiales.
L'inspecteur Chanal trouve la touche. Puis, il se lève et se dirige vers l'imprimante.
La femme le suit des yeux. Il revient avec la déposition qu'il pose sur le bureau.
La femme lit : "Madame Antoinette Valke, déclare n'avoir pas de nouvelles de son mari Charles Valke, 58 ans, domicilié au 156 Avenue de l'Hippodrome à Veninsart depuis trois jours. Madame Antoinette Valke engage donc la police de Veninsart  et son représentant légal l'inspecteur Marc Chanal  dans le but de..."
Antoinette Valke ne lit pas le document jusqu'au bout. Elle accepte le stylo que lui tend Chanal et signe en bas de page.
L'inspecteur ne perd pas une miette de ses gestes. Son regard libidineux apprécie le tailleur, le corsage de soie et le rang de perles. Les bourgeoises font bander Chanal. Il imagine la femme poussant des petits cris hystériques sous les coups de boutoirs de l'étalon Chanal.


-Chienne de vie !
Le docteur William Klax lance un gros crachat sur le sol gelé. Navigateur solitaire dans le grand parc de sa clinique , il avance en soufflant, traînant derrière lui  le corps de Stanislas Valke.
Le ciel de frac se déchire dans toute sa longueur, libère une  multitude d'escadres de tourbillons poudreux. Les arbres tanguent comme des possédés. Agités de tremblements nerveux, ils balancent leurs centaines de bras adventices. Au bout de chaque bras,  leurs longs doigts monstrueux pointent le docteur.
-Hé! fit Klax en se redressant.
Il tombe à genoux, il implore le ciel
-J'ai pas voulu, c'est pas ma faute!
Les arbres se tordent de rire
-Pitié!
Le ciel gronde. Klax ferme les yeux. PIRE ENCORE ! Des visage ruisselants de sang/ écorchures / plaies vives/déchirures/ entailles...
Klax renverse la tête et hurle à la lune comme un chien.
Le sol se dérobe soudainement et Klax tombe dans le trou qu'il vient de creuser. Le front collé contre une souche, il s'agite encore quelques secondes puis lance un cri désespéré. Son appel devient plainte, gémissement.
Du ciel, claque encore un grand rire éraillé. Silence.
La neige recouvre méthodiquement la sépulture du docteur William Klax.
Come di neve in Alpe senza vento.
(A suivre)

samedi 18 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (36)



-Il faut tout nettoyer, et vite !
-Après, tu appelleras les flics.
Le gringalet a toujours son Magnum en main.
-Mais comment?
-Comme d'habitude! crie le blondinet .Bouges-toi un peu, merde !
Le gringalet se permet un léger sourire
-Si tu veux mon avis, avec tout ce bordel, c'est plutôt les services de nettoyage de la voirie qu'il faudrait appeler.
Le blondinet serre les dents.
-Fais-moi plaisir, petit, garde ton humour pour toi.

Outis ouvre les yeux
Le taxi vient de stopper au pied d'une muraille de pierre, sombre et haute comme une falaise.
Le chauffeur empoche le prix de la course et relance  sa voiture dans le brouillard.
Outis s'approche de l'impressionnante grille toute hérissée de pics. Elle s'ouvre lentement, sans bruit.
Dans le parc, les arbres dansent au rythme du vent. Outis frissonne.
La maison a les dimensions  d'une cathédrale . Elle repose sur un socle de briques rouges et luisantes, puis, viennent les blocs de granit  percés d'une flopée de fenêtres en tour rondes, et enfin, une allégorie de cônes trapus. Seul le pont-levis manque à l'appel.
Pour assembler la porte d'entrée, on avait dû abattre trois chênes adultes. Outis soulève le heurtoir en bronze et le laisse retomber. La porte vibre sur ses gonds, puis, s'ouvre sans un grincement.
Un crâne de Mongol chauve se présente. Il a les joues creuses, les lèvres charnues, et porte une impeccable tenue de larbin. Domestique de la tête aux pieds, il se penche pour dire :
-Bonsoir monsieur.. Entrez, vous êtes attendu.
Il traversent le vestibule en péristyle  aux dimensions d'un gymnase. Le pion glisse sur le sol pavé de carreaux noirs et blancs. Il saute trois cases pour s'agripper à la haute poignée dorée d'une porte vernissée.

Impossible de se tromper
Confortablement installé sur son trône, le souverain des souverains médite sur l'avenir de ses pauvres sujets en caressant d'un regard fauve une flambée d'une demie-douzaine de bûches.
L'âtre quadrille la pièce de rouge , tapisse d'une doublure de flamme les meubles ventrus et lacère le Lucifer-roi de balafres sanglantes. Le parquet, étang pourpre et agité, craque soudainement.
Le maître se redresse, tourne vers Outis un visage fripé avec des cheveux blancs en broussaille. Il ré-ajuste les pans de sa robe de chambre passementée et fixe son visiteur avec des yeux aigus, une écume rougeâtre au coin des lèvres.
-Alors, c'est vous?
Une des grosses bûches crépite. Le reflet frappe le crâne du souverain. Une large veine enfle, se ramifie, palpite. Il soupire.
-Je suppose que je devais m'y attendre... Ces imbéciles n'ont pas ...
-Réussi à me mettre hors d'état de vous nuire..
Il soupire une nouvelle fois.
-C'est ça...Exactement.
Le roi se tasse légèrement sur son trône , puis, hoche la tête.
-J'imagine que vous savez ce qui va se passer maintenant?
-Oui, et je suis venu pour tenter ma chance...
La triste figure du souverain s'éclaire . Il sourit avec une espèce de ravissement extatique.
-La chance ! Ah! Oui.... Quelque chose me dit que vous allez en avoir besoin..




Le rideau pourpre s'en-trouve soudain.
Une masse déguisée en flamme se présente. Enorme !Roulant des épaules, balançant les bras. Sa tignasse et ses yeux flamboient.
Il avance, présente sa grosse patte velue et grogne:
-Viens avec moi....
(A suivre)

vendredi 17 juin 2011

Une femme qui se couche


Subitement, là, juste devant moi, une femme s'arrête.
Elle pose son grand cabas sur la chaussée et s'allonge devant la porte d'une maison.
La maison est en construction et le maçon jette à peine un oeil sur cette femme couchée. Il poursuit son travail, les briques s'empilent, le ciment frais dégringole sur le sol quelques mètres plus bas.
Derrière moi, un grand cri. C'est le réparateur de frigos et de congélateurs, debout devant son échoppe.
Il a posé son petit verre de café sur la carcasse rouillée d'un de ses frigos et invective la femme qui vient de se coucher.Le ton de sa voix, ses gestes, sont ceux que l'on emploient généralement pour chasser un animal trop entreprenant. Il siffle. La femme lève lentement la tête, esquisse un sourire mais ne bouge pas. L'homme pousse un juron, reprend sa tasse et disparaît dans la pénombre de sa boutique.
Une vieille femme traînant une bouteille de gaz dans une poussette pour bébé spécialement aménagée s'arrête à son tour. Elle s'agenouille, parle doucement à la femme couchée d'une voix douce. Elle lui prend la main. La femme couchée sourit une nouvelle fois. Plus près, je comprend que cette femme fait partie de ceux que l'on appelle des attardés. Ici, ils vivent au beau milieu de la communauté. Ils sont tolérés, un peu comme les  bandes de matous qui rôdent autour des poubelles : les modérés les nourrissent, les radicaux leur jettent des pierres.
La vieille femme est partie. Un grincement sur-aiguë.(1) L'apprenti maçon, un gamin efflanqué avec un short trop grand et une casquette crasseuse pousse sa brouette de chantier remplie de sable. Il s'arrête net, regarde la femme couchée avec une expression totalement ahurie. Il se gratte la tête et se permet même un rire niais.
Là-haut sur le toit de la maison en construction, le maçon l'apostrophe. Il lui demande probablement s'il compte rester là longtemps à se tourner les pouces. Le gamin répond, geste à l'appui, qu'une femme est couchée devant la porte.
Le chef grogne et balance sa truelle. Je ne comprend pas tout de suite ce qu'il vient de commander à son apprenti mais, je vois le gamin  faire marche arrière. Il fait le tour de la maison et entre par la porte du jardin.
Quand je quitte la rue, la femme est toujours allongée.
Alexandre Outis
(1) Ici, les brouettes grincent et grinceront toujours.

jeudi 16 juin 2011

Set-up


Le set-up, ou installation en français, est un art compliqué.
Compliqué  parce qu'il obéit à  certaines règles immuables dont l 'écrivain  et son lecteur ne peuvent se passer.
La première de ces règles est, bien entendu, la présentation : où sommes nous et avec qui ?
A l'évidence, nous sommes dans l'incapacité, nous, lecteurs, de partager  la vie ou le destin d'un personnage qui ne nous a pas été présenté .
Voyons cet exemple de présentation que l'on pourrait qualifier de classique.
"L'inspecteur Arthur  Brown n'aimait pas qu'on le traite de noir. Ca avait peut-être un rapport avec son nom, qui était Brown . Ou avec sa couleur de peau qui, elle aussi, était brune. Ou avec certains souvenirs; du temps où il n'était qu'un gosse haut comme trois pommes déambulant dans sa bonne ville, le mot "noir" semblait attirer irrésistiblement à sa suite l'adjectif "salaud". Agé maintenant de trente-quatre ans, il se disait qu'il devait être un peu vieux jeu, mais il continuait à trouver le mot péjoratif , malgré bon nombre de défenseurs des droits civiques  qui lui avaient donné leur approbation. Brown ne recherchait pas son identité dans sa couleur ou dans son âme. Il la cherchait en lui-même, en tant qu'homme, et l'y trouvait généralement sans problème.
Il mesurait un mètre quatre-vingt-dix et pesait ses cent kilos en caleçon. Il avait la large carrure et les muscles puissants d'un poids lourd , un air décidé qu'accentuait encore sa coupe de cheveux en brosse très courte, plaqués sur le crane comme un bonnet noir et soyeux, coiffure qu'il avait adoptée bien avant qu'il ne soit à la mode d'avoir l'air "naturel". Il avait les yeux marrons , les narines larges , des lèvres épaisses et d'énormes battoirs ; sous son veston, il portait un Smith et Wesson 38 dans son étui.
Quant aux deux hommes qui gisaient à ses pieds sur le parquet, ils étaient blancs et morts."
Ed Mc Bain  (Jigsaw- En pièces détachées ) Carré Noir N° 508
Classique mais efficace non?
Subissons maintenant une autre présentation (de lieux  cette fois-ci)  se voulant originale, enlevée...
 en un mot, moderne, voyez-vous...
"Newark, New-Jersey. Les mauvais quartiers.Sauf qu'il n'y en avait pas de meilleur.
"Décomposition" était le premier mot qui venait à l'esprit . Les bâtiments n'étaient pas vraiment délabrés, non, ils dégoulinaient sur place comme rongés par un acide. Ici, la rénovation urbaine était un concept à peu près aussi familier que le voyage temporel. Le paysage évoquait plus un reportage de guerre (Dresde après le passage de l'aviation alliée) qu'un environnement habitable."
Harlan Coben  (One False move-Temps mort) Fleuve Noir
Un peu pompeux isn't it?
Le coup du bombardement est de trop, l'image de  la décomposition et de  l'acide bien suffisante.
Allez, maintenant, le maître nous montre comment procéder. Voici une présentation lieux et personnages avec une action simple clairement exprimée. Au passage, veuillez noter le nombre d'informations importantes distillées çà et là... Savourez, c'est un cadeau, on n'en reparle ensuite.
"A l'hôtel-Casino Sands, Carlos logeait dans une suite pseudo-romaine. Un crétin en toge qui jouait au centurion fit entrer Wayne. La suite comportait des colonnes romaines et des oeuvres d'art façon "sac de Rome" . Les étiquettes pendaient des cadres.
On avait dressé un buffet. Le crétin fit asseoir Wayne à une table laquée  ornée des lettres" S.P.Q.R".
Carlos entra . Il portait un caleçon en ratine de soie et une chemise de smoking tâchée.
Wayne se leva.
-Ne bougez pas ! fit Carlos.
Wayne se rassit. Le crétin remplit deux assiettes et disparut.
Carlos leur servit le vin d'une bouteille fermée par un bouchon à vis.
-C'est un plaisir, monsieur, dit Wayne.
-Ne faites pas comme ci je ne vous connaissais pas. Vous êtes la recrue de Pete et Ward, et vous avez travaillé pour moi à Saigon. Vous en savez plus long sur mon compte que vous ne devriez, sans compter tous les renseignements contenus dans ce dossier. Je connais votre histoire, et c'est une putain d'histoire comparée à celle des autres têtes de noeud que j'ai entendues ces derniers temps.
Wayne sourit. Carlos sortit de ses poches deux poupées qui remuaient la tête. La première représentait le Dr King . La seconde représentait RFK . Carlos sourit et leur arracha la tête.
-Salud, Wayne.
-Merci, Carlos.
-Vous cherchez du travail, n'est-ce pas?Vous n'êtes pas venu pour que je vous serre la main et que je vous remercie en vous glissant une enveloppe?
Wayne but une gorgée de vin. C'était du vin de l'année acheté dans la première boutique venue."
James Ellroy (Underworld USA) Rivages-Thriller
Pourquoi épiloguer? Tout est dit non?


mardi 14 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (35)



Apparaissent les trois bêtes
Mamadou, une hache à la main vient de venir à bout de la porte du bureau. Ses lèvres sont retroussées en une grimace sauvage. Derrière lui, un nez de boxeur rouge vif , pousse un cri de dément.
Et puis, le blondinet à la figure d'ange qui tient un automatique le Français dans ses mains.
Alerté par la meute , Blanquart relève la tête. Ses yeux sont brillants mais, hagards. Il fixe son fusil, au pied du fauteuil. Il l'a abandonné, quelques minutes plus tôt, pour "s'occuper" de Sarah Baum.
Maître Richard brandit le petit automatique qu'il a trouvé dans un  des tiroirs du bureau de Monsieur.
Il ne se rappelle plus ce que Blanquart, moqueur, lui a dit au sujet de la distance nécessaire et de la puissance  toute relative de son arme. Il sait que l'heure n'est plus aux citations mais aux actes.
Il tire. La balle de faible calibre se loge dans le genou de nez de boxeur.
Blanquart roule sur le sol. La hache de Mamadou  vole un court instant dans l'air puis, va se loger dans les lambris, au-dessus du bar. Les bouteilles s'entrechoquent et dégringolent.
Blanquart s'est retourné. Il attrape le couteau de chasse  caché dans sa ceinture et le fait tourner dans sa main.
La longue lame effilée brille.
Nez de boxeur vacille
-Putain, le con! lâche-t-il
En deux enjambées, le blondinet  tombe sur Richard. La crosse de son fusil fracasse la mâchoire du notaire qui s'écroule avec un bruit sourd.
-Le con ! répète encore nez de boxeur avec un rictus mi-haineux, mi-souffrance.
Quand Mamadou se rue sur Blanquart, les poings en avant, penché dans la position du lutteur qui veut en découdre, la lame du couteau de chasse qui s'enfonce sous son sternum le stoppe net.
Blanquart a accompagné son attaque d'un HAN ! féroce.
Mamadou pousse un long cri guttural. Le cri est immédiatement suivi par un flot de sang qui jaillit de sa bouche grande ouverte.Puis, il plonge, le nez en avant.
Le blondinet ajuste Blanquart à bout portant. Une bonne partie de la tête de l'inspecteur de la police de Veninsart s'envole dans le bureau. Quelques morceaux de cartilage imprégnés  de sang  viennent aussi salir les double rideaux.


Outis marche vite
La marche est un peu folle, désordonnée.
Le vent l'accompagne encore. Il se mordille les lèvres pour ne pas claquer des dents.
Pourtant, il marche vite, oubliant l'épuisement et la difficulté qu'il a encore à simplement tenir sur ses jambes.
Il longe une petite maison en ruines. Des planches aveuglent les fenêtres. Le mobilier s'est retrouvé dans le jardin, sur une pelouse mitée. Canapé, éléments de cuisine noirs de crasse et  carcasse de télévision se partagent le terrain.
Dans un trou du grillage noirci de fumée, un gros chien roux passe la tête. Il grogne, montre ses crocs.

Monsieur redevient le chef
Il a retrouvé son souffle.
-Qu'est-ce que tu attends ? lâche-t-il au blondinet, agenouillé aux côtés de Mamadou.
Débarrasse-moi de tout ça ! et vite!
Le blondinet se relève, serre les dents.
Dans le couloir, il s'arrête, nez de boxeur est assis par terre. Un homme lui fait un bandage.
Il a les yeux ouverts,  vitreux, il louche légèrement.
-Tu te rends compte, ce con m'a allumé avec son jouet !
Le blondinet hoche simplement la tête, sans desserrer  les dents.

Pendant ce temps, dans le bureau
Richard rampe.Il tente de rejoindre la porte. Sur son passage, il laisse une empreinte sanglante.
Monsieur l'arrête dans sa lente progression en posant un pied ferme sur son dos.
-Regarde-moi !
Le notaire relève la tête en grimaçant.. Un gémissement étouffé sort de sa gorge lorsqu'il reconnait la tête de Monsieur au-dessus de lui. Un grosse veine  bleue palpite sur son cou griffé.
-Pitié, murmure le Notaire
Monsieur s'humecte les lèvres
-Je ne comprends pas ce mot, dit-il.

Un homme sur le pas de sa porte
Sa vieille blouse de nylon déchirée aux poches enveloppe top facilement son corps squelettique  et pend mollement à ses épaules.
Il ouvre son bec pour y coller une cigarette.
-Je cherche un taxi, dit Outis
-Pourquoi  y viendraient par ici les taxis ? répond l'homme.
-Alors, vous avez le téléphone?
L'homme pince les lèvres
(A suivre )

lundi 13 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (34)



On négocie..
-Personne ne va mourir ! Je vais entrer et on va discuter.
Le blondinet s'était efforcé de parler haut et fort. Le silence qui suit prouve qu'il a atteint son but.
 NON. PAS DU TOUT. De l'autre côté de la porte, Blanquart crie encore plus fort :
-Merde avec tes plans foireux! Si tu entres dans ce bureau, je te troue avec du calibre 3O. C'est valable pour ton pote aussi!
Le blondinet lève les yeux au ciel.
-Bon d'accord, c'est toi le plus fort... T'as gagné..
Il entraîne son complice nez de boxeur au fond du couloir. L'autre le suit mais, son expression ébahie montre bien qu'il est totalement perdu.
-Qu'est-ce que tu fabriques ? demande t-il.
-T'inquiètes, répond le blondinet. Bien sûr que nous allons entrer dans ce bureau. Mais, pourquoi prendre des risques inutiles, hein ?
Nez de boxeur approuve d'une grimace.
-Va chercher Mamadou, commande le blondinet.
Nez de boxeur approuve la tactique de son pote d'un sourire.

Est-il encore là, derrière moi ?
Outis se demande si le gringalet le suit toujours. Il perçoit à peine ses pas dans son dos.
-L'escalier sur la droite!
Il s'exécute.
Les marches... Réfléchir à la situation... Peine perdue. C'est l'image de Magnum qui l'emporte  sur les autres.
Un autre couloir... Au mur ? Des pigeons encore et toujours! Pas de fenêtre . Ou alors, de ridicules lucarnes beaucoup trop hautes..
-A gauche !
Ah ! le rez-de chaussée.. Là-bas, une demie- fenêtre aux carreaux opaques, enfin.
Pas le droit à l'erreur. Dans sa réflexion, il ralentit singulièrement le pas. Derrière lui, le gringalet s'énerve :
-Alors, avance!
-D'accord ! répond Outis en plongeant droit devant.
Son corps défonce  le bâti  de la fenêtre qui cède ans un craquement sec.  Il se retrouve projeté vers l'extérieur. Au passage, un milliard de fragments de verre attaquent sa peau, lui piquent le visage.
Un éclat plus long, plus effilé que les autres, pénètre dans le haut de sa cuisse. Il ferme les yeux.



Sarah Baum frissonne 
Un petite toux sèche, à peine perceptible ,assourdie par la bande adhésive collée sur sa bouche, la secoue.
Repliée sur elle-même, elle sent qu'on l'observe. Elle ouvre lentement les paupières.
Blanquart ... Il ne fixe pas  son visage tuméfié mais, ses cuisses, sa jupe  retroussée.
Sarah frissonne une nouvelle fois.
Blanquart est en sueur. Il passe lentement sa langue sur ses lèvres.
Richard aussi transpire. Le notaire finit de pousser le châssis du gros bureau contre la porte. Il sort son mouchoir, s'éponge longuement le front et demande :
-Vous pensez que ça suffira pour les arrêter?
La réponse arrive vite. Blanquart  éjecte un énooooorme crachat sur le parquet.
Close-up sur le mollard  / Richard devient fantôme.

Le gringalet est figé 
Puis, la statue se brise. Il jette un oeil à gauche, puis à droite, quêtant une réponse.. Rien .
Le type venait de passer par la fenêtre !
Il pointe son arme sur les débris de verre et de bois et tire... Tire.... Tire...

Matelas pouilleux, couvertures déchirées.
Sur le coin du matelas, un homme est assis, les épaules ramenées vers l'avant, les genoux au menton.
Il pousse un petit-cri-gémissement lorsque Outis trampoline sur son matelas-home.
La ruelle est un fin boyau blanc hantée de féroces courants d'air.  Outis dégringole du matelas, manquant de très peu le brasero fumant, ancien fût de graisse percé de trous.
L'homme se redresse, ouvre de grands yeux effarés... Outis émerge de la fumée, le visage piqué de verre, le sang dégoulinant sur ses joues.
-Lucifer ! crie l'homme
Outis veut parler... Son épaule lui arrache un cri de douleur. Le vent s'amuse avec lui..
-Lucifer ! répète l'homme en dégringolant à son tour du matelas.
Outis fait quelques pas. Ses muscles sont tétanisés.Il trébuche dans un trou, se relève, serre les dents.
Des cris et des coups de feu s'échappent de la maison des fanatiques du pigeon..
Foutre le camp d'ici... Vite..
(A suivre)

dimanche 12 juin 2011

Leçon de théologie


Quand John Dortmunder entra en homme libre, pas même en conditionnelle, au O.J. Bar and Grill dans Amsterdam Avenue, en  ce vendredi  soir de juillet, un peu avant vingt-deux heures, les habitués discutaient de l'au-delà.
-Ce que je pige pas, disait l'un d'eux, alors que Dortmunder se dirigeait vers Rollo le barman qui s'affairait tout là-bas au bout du comptoir, c'est tout ces nuages.
Un deuxième habitué posa son verre plein de mousse pour dire:
-Les nuages? De quels nuages tu parles?
-Ceux sur lesquels ils sont assis ! ( Le premier habitué agita le bras dangereusement, sans toutefois provoquer de dégâts.) Quand tu regardes toutes ces images, Jésus est toujours assis sur un nuage, l'autre Dieu, là, il est assis sur un nuage, Marie est assise sur un nuage...
-Un peu plus bas, souligna le troisième habitué.
-Ouais, d'accord, mais là où je veux en venir, c'est : le Ciel ne peut pas leur fournir des meubles ?
En approchant de Rollo, Dortmunder constata.....///.
///.....Pendant ce temps, un autre habitué s'élevait contre le concept d'ameublement dans l'au-delà :
-Qu'est-ce que tu veux faire avec des meubles? Le paradis, c'est pas un centre commercial, je te signale.
Un cinquième habitué intervint :
-Ah, oui ? Et tous ces pays de cocagne, alors?
-Où le miel  et le lait coulent à flots, ajouta le troisième habitué comme s'il prononçait une inculpation.
Le premier habitué leva son verre et un sourcils sceptique pour demander :
Est-ce qu'ils distribuent des bottes?
Rolla s'activait....////
Le deuxième habitué disait :
-Moi, ce qui me tue, c'est cette histoire débile de paradis musulman avec les soixante-douze vierges.
-Il n'y a pas soixante-douze vierges, rectifia le premier habitué.
-Non, bien sûr, concéda le deuxième, pas toutes en même temps, mais quand même, c'est quoi ce genre de paradis? Ce serait comme être envoyé ans un lycée de filles.
-Ouille ! fit le troisième habitué.
-Vous imaginez, dit le deuxième,  le vacarme à la cantine le midi ?
Le quatrième habitué demanda :
-Faudrait apprendre à jouer au volley-ball ?
Cette référence sportive dérouta tous le monde durant une minute, pendant que Dortmunder regardait Rollo trancher une banane....///
....Dortmunder contourna les habitués qui continuaient à ronger le même os. Le troisième habitué disait :
-Et si on peut pas jouer aux cartes au paradis ? Si on peut même pas danser ?
-Et après? rétorqua le deuxième habitué, je danse pas sur terre non plus.
.....//// Alors que Dortmunder et Stan se dirigeaient vers la sortie, le premier habitué disait :
-Vous voulez savoir ce que je pense du paradis? On va là-bas pour piquer un roupillon.
Le troisième habitué se retourna à moitié sur son tabouret afin d'avoir une meilleure vision des choses.
-Ah oui ? Et après ?
-Quoi, après? C'est terminé. La dernière sieste. Que demander de mieux?
Donald Westlake  (Surveille tes arrières / Rivages)
Il y a fort longtemps, chez un bouquiniste de Marseille, j'engageai la conversation avec le vendeur ( un barbu ventru affreusement désabusé qui sentait l'urine de chat.) Ce détail expliquait en partie la distance que je tentais de conserver entre nous. Mais, en partie seulement  car, si l'homme approuvait la plupart  de mes choix littéraires noirs qu'il appelait classiques , en revanche , il désapprouvait totalement, avec même un petit sourire sarcastique qui m'énervait, le nom de Westlake. D'après lui, l'humour n'avait pas sa place dans l'illustre  famille de notre genre préféré.
A l'époque, j'ai pensé qu'il avait  entièrement le droit de penser ce genre de chose.
Aujourd'hui, je sais que ce type était un con.
Chez Westlake tout est diaboliquement précis et juste. Ce sont les personnages qui se fabriquent eux-mêmes leurs propres intrigues et dans chaque ligne, on peut voir le sourire du créateur


                                                            N'est-il pas beau son sourire ?

Pour les néophytes, je précise que Westlake, c'est une sainte trinité qui s'articule de la manière suivante :
-Les romans signé Richard Stark ( avec le cynique et méchant Parker comme personnage central)
Ces romans sont bien à l'image de leur personnage. Ils sont tous publiés dans la Série-Noire, je vous conseille de débuter la lecture par les premiers numéros (c'est une méthode qui a fait ses preuves.)
-Les romans signés Westlake avec comme personnage principal John Dortmunder ou avec un personnage différent. Je vous conseille  Dégâts des eaux (avec Dortmunder)  et Le Couperet (sans Dortmunder), les deux chez Rivages/Thriller.
-Les cinq romans signés Tucker Coe, dans la Série-noire.
Pour être tout à fait complet, signalons encore l'excellent blog 12Bb (voir le lien dans la liste des membres)
dont l'auteur, un spécialiste de Westlake, met en scène les fameux habitués du bar O.J.
ps : la photo illustrant ce texte est tirée du film "Heaven Can Wait" de Lubitsch avec Gene (c'est en quelque sorte ma version du paradis.)

jeudi 9 juin 2011

Si j'avais su que je vivrais si longtemps...


Ce qui c'est passé avant : Le père de Danny (surnommé Red Shirt) se bat dans un bar contre deux hommes, dont un est l'ancien mari de Verline. Il finit par prendre la fuite. Danny propose à Verline de venir se reposer dans la caravane qu'il occupe avec son père.

"Red Shirt n'était pas à la caravane. Il faisait froid à l'intérieur et Danny alluma le chauffage au gaz.
Verline s'assit sur le canapé, le devant de son tricot blanc était tout taché de sang.
-Va falloir que je le donne au teinturier, dit-elle.
Quand elle parlait, elle mettait la main devant sa bouche pour que Danny ne vît pas sa lèvre fendue.
-T'as des aspirines, mon chou? quatre, si tu en as.
Danny trouva un tube dans l'armoire à pharmacie et sortit six comprimés. Il en prit deux avant de sortir du cabinet de toilette.
-Merci, dit Verline quand il les lui tendit. Je boirais bien un coup pour les faire descendre. T'as du whisky?
Danny trouva une bouteille d'Old Forester à moitié pleine dans le placard et lui en servit un verre. Il apporta la bouteille et la posa par terre à côté du sofa. Il pensait que Verline devrait enlever sa main de sa bouche pour absorber l'aspirine et le whisky en même temps, mais elle réussit la manoeuvre d'une seule main.Tenant le verre en équilibre au creux de sa paume, elle prit les cachets entre le pouce et l'index, un à la fois, et les fit descendre avec le whisky.Elle finit son verre avec le dernier comprimé et se resservit.
-Ca va mieux, dit-elle.
Elle se laissa aller contre le dossier et ferma les yeux, et, un moment, Danny crut qu'elle s'était endormie.
Puis elle se mit à parler, en se couvrant toujours la bouche.
-Celui avec le chapeau, c'est Wendell. Mon Dieu, quel nom! On est séparés, alors il n'a pas vraiment de droits sur moi. Bert, celui qui t'as cogné, c'est son frère. Il était  dans les Marines et ça l'a rendu fou ou quelque chose comme ça. Mais il est tout dévoué à ce salaud de Wendell. (Elle eut un petit rire qui ressemblait davantage à un sanglot.) Wendell et Bert, Bert et Wendell, voila ma vie.
Elle enleva sa main de devant sa bouche, découvrant sa lèvre fendue. Danny détourna les yeux.
-Je ne suis plus très jolie, hein? Même avant ça, je veux dire. Il y a douze ans, c'était autre chose. (Elle versa le reste de la bouteille dans son verre.) "Si j'avais su que je vivrais si longtemps, j'aurais mieux pris soin de moi", comme on dit.(Elle marqua une pause.) T'as pas besoin d'écouter tout ça, tu sais. Tu peux filer au lit...
Toute cette histoire ne te concerne pas. Je vais juste attendre un peu ici que la douleur passe et voir si ton père se pointe. Je peux?
-Bien sûr, répondit Danny. Je vais vous chercher des couvertures et un oreiller.....////
......//// Lorsque Danny se réveilla, il pensa que son père était au lit avec lui, mais quand il se retourna, il vit que c'était Verline, vêtue d'une des chemises de flanelle de Red Shirt . Elle lui tournait le dos mais sa chaleur était agréable, et il resta allongé quelques minutes avant de bouger à nouveau. Il se demanda si son père était rentré, et ce qu'il dirait de voir Verline dans son lit.///
///-Je vais prendre une douche. J'espère qu'il y a plein d'eau chaude. Ensuite, je te ferais ton petit-déjeuner. Même Wendell trouvait que je faisais bien la cuisine. Tourne-toi de l'autre côté un instant, tu veux? Je n'ai rien sous cette chemise.
Lorsqu'elle s'assit, la chemise de flanelle s'ouvrit, découvrant le renflement laiteux de ses seins et un téton rose.
Comme par instinct, Danny tendit le bras et lui caressa la joue.
-Tu n'as pas besoin de t'en aller, dit-il. Il fait froid.
Quelque chose changea dans le regard de la femme et sa bouche s'ouvrit légèrement.
Il se rapproche et avança le bras entre ses jambes, mais elle y avait mis sa main, pour lui bloquer le passage.Il essaya de forcer un peu, mais elle secoua la tête.
-Non, dit-elle. Faut que je me fixe une limite quelque part. T'es un bon petit gars. Je ne me sentirais pas bien de faire ça.Regarde de l'autre côté, s'il te plait!
Danny se tourna et fixa le mur.Verline se leva et entra dans le cabinet de toilette.Il l'entendit ouvrir le robinet de la douche. En quelques minutes le lit parut froid , alors il se leva. Il se posta devant la glace et regarda sa poitrine, son ventre plat, son pénis et ses cuisses.Il était beau. Red Shirt, lui, prenait déjà de la brioche. Il s'habilla rapidement , enfila ses bottes pour se grandir un peu , puis il alla dans la cuisine. Il se demanda où diable avait bien pu passer son vieux.

..../// Une fois qu'il eut regardé disparaître la voiture au bout de la route, Danny dégagea le reste de l'allée. Ensuite, il appuya l'outil contre la caravane et rentra à l'intérieur.Il alluma la télé pour avoir de la compagnie et regarda les jeux. Une femme déguisée en pizza essayait de deviner  quelle porte cachait un réfrigérateur.
A midi passé, il appela Billy Kwe pour lui demander si Red Shirt avait passé la nuit chez lui, mais Billy ne l'avait pas vu. Il annonça à Danny que son chauffage était en panne et qu'il risquait de venir se chauffer chez lui. A deux heures, Doney Silverheels appela pour prévenir Danny qu'on avait vu un pick-up comme le leur, au bord d'une petite route de la réserve, près de Thornhollow. Le véhicule était dans le fossé et en partie recouvert de neige.
Quand Billy arriva, ils mirent les chaines à son camion et partir pour Thornhollow. Ils trouvèrent la camionnette exactement comme l'avait dit Doney . Red Shirt était mort, sur le siège avant. Ses mains gelées serraient le volant , et des morceaux de ses paumes se déchirèrent lorsqu'ils le sortirent du véhicule.
Son oeil gauche, tout gonflé, était fermé et il avait à la tempe une bosse de la grosseur d'une prune, à l'endroit où sa tête avait heurté le pare-brise.
Des cristaux de glace étoilaient les coins de la vitre".
Craig Lesley "Saison de Chasse" (10/18)
Cette histoire se déroule dans les limites d'une réserve indienne dans l'état de l'Oregon.
Et bon sang, que les personnages sont bougrement attachants!

mercredi 8 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (33)

Incroyable!
Le blondinet dodeline de la tête.
-J' peux  pas le croire. Une attaque chez nous !
Mamadou dodeline à son tour.
Les deux hommes sont debout et regardent le sol.
L'homme qui est à leurs pieds, est couché et mort.
Mamadou projette  un jet de salive jaunâtre sur le corps.
Le blondinet demande
-Tu connais ce type ?
Le mort est vêtu d'un survêtement bleu et porte des chaussures de sport. Ses cheveux crasseux dépassent d'une casquette aux bords effilochés. Ses yeux sortent de leurs orbites comme ceux d'un gros poisson.
Mamadou secoue négativement la tête. Le blondinet jure.


On frappe
Blanquart grimace.
-Qui est là?
-C'est moi..
Blanquart reconnait la voix du notaire. Il se dirige vers la porte et débloque la serrure.
Richard entre en trombe dans le bureau. En quelques secondes, il évalue la situation.
Monsieur, ligoté et bâillonné , sur le tapis. Et puis, cette fille ligotée elle aussi, qui semble endormie, la tête pendante hors du fauteuil.
-Qui est-ce? demande Richard
-Rien à foutre, répond Blanquart. Ce qui m'intéresse  c'est ce qu'on va faire maintenant.
Richard fixe l'inspecteur avec une attention soutenue, se gratte le menton
-C'est à dire?
-La suite des opérations! crie Blanquart
-Mais, vos hommes ont pris le contrôle de l'association non?
-Contrôle mon cul ! Des imbéciles !
-Pourtant, votre supérieur m'a bien assuré que...
-Mon supérieur s'est pissé dessus, le coupe Blanquart.

L'homme saigne du nez
Une soudaine et ridicule hémorragie provoquée par le stress, probablement.
Réfugié dans les toilettes, assis sur la cuvette, la tête rejetée vers l'arrière, il contemple la longue fissure qui court sur le plafond. Il ferme les yeux.
Lorsqu'il les rouvre, plus de fissure mais, la gueule noire d'un revolver à la place.
Un homme, noir lui aussi,  se tient debout sur le bâti des toilettes.
-Debout ! dit l'homme noir.
Il laisse tomber les feuilles de papiers hygiénique maculés de sang sur le carrelage et obéit.
Mamadou dégringole de son perchoir et se retrouve face à l'homme.
-Qui es-tu? demande le burkinabé
-Un employé de l'association, comme toi, répond le type en se forçant à sourire.
-Mon cul! dit Mamadou. Et moi je suis Idi Amin Dada, tu me reconnais?
L'autre lève les bras.
-A quoi bon nous battre ? Nous sommes frères après tout!
Mamadou sourit et dit
-Non, impossible, ma bite est plus grosse que la tienne
L'homme ne sourit pas, il claque des dents..Mamadou lui colle deux balles dans la tête.

-Je peux vous aider?
Outis pivota rapidement sur son siège.L'unique ampoule du local vidéo enveloppe un visage poupin, presque enfantin. Sa main droite est négligemment  enfoncée dans la poche de son pantalon et la gauche glissée sous le revers de sa veste de cuir.
-Non, ça va, répond Outis en fixant le gringalet droit dans les yeux. J'ai tout ce qu'il me faut, mais, si tu veux m'apporter un café sans sucre.
Il sourit, exhibe ses longues canines malsaines et fait apparaître un Smith et Wesson.357 magnum.
Dans sa main osseuse, l'arme devient encore plus grosse encore.
-De toutes façons, j'avais besoin d'un break, fait Outis en se levant.

Tapis contre le mur du couloir
Nez de boxeur et blondinet encadrent la porte du bureau de Monsieur.
Dans la porte, on peut voir trois énormes trous qui laissent filtrer la lumière vers l'extérieur.
-Les prochaines c'est pour vous !
Le blondinet fronce les sourcils
-Blanquart?
-Ouais ! T'as gagné mon pote!
-Messieurs, je suis sûr que nous allons pouvoir nous entendre, dit une autre voix
-Fermez-la! aboie Blanquart
Nez de boxeur tapote sa tempe de son gros doigt.
Le blondinet soupire et, en fixant toujours la porte du bureau, demande
-Qu'est-ce que tu veux?
-Foutez le camp!
-Tu sais bien que c'est impossible..
-Alors, on va tous mourir!
(A suivre)

mardi 7 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (33)






Appendice nasal très au-dessus de la moyenne
Un chapeau noir, des babines de ruminant..Ah...L'objectif déforme totalement le visage.
 "Heureusement pour lui", pense l'employé.
Il s'approche encore un peu plus de son écran de contrôle.
La voix de l'homme lui envoie une décharge de 300 volts, soudaine, fulgurante.
-Je suis Maître Richard !
L'électrocuté accuse le coup. Il balance vers l'écran-friend de son ordinateur.
La liste des membres ... Voila... Richard... C'est bon.
Son pouce enfonce le bouton rouge commandant l'ouverture de la porte.
Ensuite tout va trop vite pour lui. Une meute pénètre dans le hall.
On crie, on vocifère..
Lui, n'a que le temps de dire simplement "mais" avant d'avoir la mâchoire fracturée par un coup de crosse.
Il bascule vers l'avant d'un seul et unique mouvement et va s'écraser contre la vitre de sa cabine-protection.
L'homme fait un pas de côté pour éviter d'être éclaboussé par le sang qui gicle de la bouche du gardien.
Il ressort de la cabine, considère les hommes du commando  qui se dispersent dans les couloirs. Il a un rictus amusé en voyant les employés qui courent comme des fourmis affolées.
Blanquart se plante à côté de lui. Il épaule et arrose copieusement les objectifs des caméras de surveillance.
Des éclats volent partout. Et puis, une fumée noirâtre enveloppe la scène.
Richard est plaqué contre le mur. Il tente de parler mais, sa bouche bat spasmodiquement en contrepoint des secousses de ses jambes.  Ses yeux disent : c'est ça la guerre .... ?

Deuil
Noir total. Il lève les yeux au plafond. Soupire.
"Bon sang ! tu ne vas pas trouver la réponse écrites sur les dalles de polystyrène! "
La porte s'ouvre et cogne contre le mur. Un type aux joues rouges se pointe. Il court vers l'armoire métallique, balance un grand coup de pied dans la porte et sort une boule de chiffon crasseuse de l'armoire.
-Qu'est-ce qui se passe Paul? demande l'autre.
-C'est le bordel, répond Paul  en libérant un vieux Luger chambré en 7,65mm. de la boule de chiffon.
En trois pas, Paul sort de la pièce.
L'autre plonge sous le tableau de commande des écrans et disparaît entre les cordons et raccordements électriques. Sa main vient refermer les volets du placard.

Mais, qu'est-ce que?
-Oui, des coups de feu, confirme Sarah
Berne tourne la tête. Sur  son gros combiné téléphonique, toutes les touches sont rouges.
Sarah se lève . Berne se met à sangloter. Il  attrape le cadre photo devant lui, embrasse sa femme et ses rejetons.
-Pardon... pardon, dit Berne en fixant le cadre avec les yeux d' un dément.

-Allo !
Un drôle de grognement rauque, inhumain , jaillit du combiné.
Mamadou sursaute, se reprend
-C'est pas drôle!
Des coups de feu explosent dans le téléphone.Et puis, des cris..
Mamadou jette le combiné et se précipite dehors.
Dans la petite casserole, le café se met à bouillir.

Nez de boxeur court, tête baissée
Soudainement, il s'immobilise . Son instinct de chasseur lui dit : quelqu'un descend l'escalier.
Le quelqu'un n'est pas très malin. Maintenant, nez de boxeur entend distinctement ses pas sur les marches.
L'homme est sur le palier. Il tourne la tête, son visage tout entier devient masque de cire. Un masque fripé, déformé par l'horreur. Nez de boxeur ajuste, nez de boxeur tue.
L'homme pirouette, puis s'abat dans un bruit sourd. Nez de boxeur ricane.

Prisonnière de l'écran
Une figure géométrique se balance, oscille  lentement au rythme du bourdonnement de l'ordinateur.
Outis touche la souris. L'écran redevient vivant.
Ce qu'il lit lui donne du courage. Le nom des dossiers le stimule.
Il saisit  l'homme qu'il vient d'assommer sous les aisselles et le fait basculer de son fauteuil.
-Désolé mon gars, j'ai du boulot, dit-il en prenant sa place  sur le fauteuil.


L'inspecteur Blanquart tient sa carabine à pleins bras
La crosse enfoncée dans l'aine, le canon dépassant son oreille droite. L'éclairage au mercure d'un grand lustre suspendu au plafond accentue les durs méplats de son visage.
A ses pieds, Monsieur. Poignets et chevilles noués, une large bande de ruban adhésif sur la bouche, il a beaucoup moins de prestance qu'à l'habitude.
Blanquart fixe son prisonnier d'un oeil torve avec quelques lueurs fauves qui brillent dans ses pupilles.
Ce bref instant de répit dans l'assaut de l'association colombophile du Nord est le bienvenu. Il permet aux muscles de l'inspecteur Blanquart de se décontracter un peu.
Pourtant,  il perçoit un bruit à peine perceptible.. Un cliquetis... Son corps tout entier se contracte à nouveau.
La porte s'entrouvre légèrement. Blanquart crispe son doigt sur la détente de son arme.
Selon Blanquart, l'intrus avait autant de chance de rester vivant qu'un rat de laboratoire pendant une expérience. Son sourire découvre ses dents jaunies par la nicotine.
Une tête se faufile par l'ouverture.
Bon sang ! une femme. Il ne manquait plus que ça!
En découvrant la situation, Sarah Baum ouvre la bouche pour crier.
(A suivre)

Manchette, encore...


La matière première de Manchette c'est le personnage. Même si, certains feignent de s'intéresser à l'intrigue.
Car, l'intrigue n'est rien, ou presque rien. Nous  accompagnons  donc ses personnages, recrutés dans le peuple d'en bas, ( même si la Julie de "O Dingos" et le Gerfaut du "Petit bleu de la côte Ouest" appartiennent à une classe sociale légèrement supérieure à celle de Tarpon le détective, Aimée la tueuse et  MartinTerrier le tueur à gages.)
L'histoire est donc narrée avec et pour ses héros" malgré eux",  qui sont les victimes d' une  implacable allégorie  sociale dont le bouquet final est  toujours sensiblement le même.
Viennent ensuite les personnages secondaires dont nous avons déjà longuement parlé dans le texte précédent.
Ajoutons tout de même qu'une bonne  partie est recrutée dans les hautes couches de la société ( les "hommes d'état" avec N'Gustro, Nada, mais aussi dans La position du tireur couché , Tarpon et le Petit bleu .
La bourgeoisie et la noblesse apparaissent aussi dans  Ô Dingos et Fatale par exemple.
Donc, contrairement aux préceptes du genre, ce n'est pas un détective ( le dur à cuire, beau gosse et désabusé) qui s'occupe de l'affaire mais plutôt  des sans grade. A mon sens, c'est ce choix délibéré qui fait la différence , et quelle différence ! Les losers n'ont plus rien à perdre et, c'est inévitable, ils mettent le paquet !
Les représentants de la classe prolétarienne font le ménage dans les institutions, du sol au plafond,  avec dans leurs têtes, cependant, un petit quelque chose qui ressemble à un idéal.
Cette action individuelle "forcée" et nécessairement désespérée s'achève donc par un pénible constat :   On ne peut combattre l'ordre et le droit sans y laisser des plumes. Tarpon retourne chez sa maman, Gerfaut continue de tourner inlassablement sur le périphérique et Terrier de danser sur les tables, le soir, s'il a bu des alcools .
L'emploi d'un héros "négatif" est donc tout à fait significatif à mon sens car, il permet de dénoncer de manière plus habile les injustices et autres dérives totalitaires.
Plus habile car, en pleine phase de réflexion , lorsque nous refermons le bouquin, nous nous posons souvent la même question : qui sont les bons, qui sont les méchants?
Je vous laisse réfléchir là-dessus..
Julius Marx

vendredi 3 juin 2011

Et les étoiles ne regardent jamais en bas (32)



Richard, Ducasse et Blanquart sortent de la maison du notaire 
Le vent se jette sur eux en hurlant.
Blanquart fait un signe au chauffeur de la camionnette garée sur le trottoir.
Appel de phares / moteur en marche/ prêt.
Le faisceau des phares barbouille le trottoir d'une pâle lumière blanche qui enveloppe les trois hommes.
Blanquart ouvre les portières de sa 505 break  et fait rapidement le tour de sa voiture pour se retrouver au volant. Richard, enveloppé d'une longue redingote noire et coiffé d'un chapeau à larges bords, s'installe côté passager. Ducasse reste planté sur le trottoir : il lutte contre les attaques du vent, se replie sur lui-même, rentre sa tête dans ses épaules, comme à son habitude.
Richard le fixe un moment puis, se tourne vers Blanquart.
-Alors, qu'est-ce qu'il fabrique?
Ducasse ouvre la bouche. Aucun son ne sort. Son imperméable se gonfle et se dégonfle au rythme des bourrasques.
Richard passe sa tête par la vitre ouverte.
-Alors ! Nous attendons mon vieux..
-Peux pas... réussit à murmurer Ducasse avant de tourner sur lui même comme une girouette.
Richard grimace.
-Allez le chercher, commande-t-il à Blanquart.
L'inspecteur grommelle quelques mots incompréhensibles puis sort de la voiture.
En quelques enjambées, il se retrouve face à son supérieur.
-Peux pas... dit une nouvelle fois Ducasse.
Il claque des dents. Son visage est strié de traces humides, des larmes coulent sur le revers de son imperméable.
-Peux pas, sanglote-t-il une nouvelle fois
Blanquart sert les dents.
-Ah merde! crache-t-il en apercevant la flaque d'urine qui se forme aux pieds du chef de la police de Veninsart.
Il  lâche un gros crachat sur le trottoir et fait demi-tour.
-Peux pas, répète Ducasse hébété  en voyant les deux voitures quitter l'avenue de l'Hippodrome.
Puis, il renifle bruyamment, il titube vers un gros tilleul doré et appuie sa tête contre le tronc rugueux.
Le dos voûté, la bouche grande ouverte, il vomit au pied de l'arbre, souillant la plaquette apposée par le syndicat d'initiative.
Il se redresse. Des filets de baves luisants enveloppent sa tête comme des cheveux de sucre une pièce montée.
D'un geste fou, il déchire la poche de son imperméable et ramène un automatique Iver Johnson calibre 22.
Quant il introduit le canon de l'arme dans sa bouche, le goût de graisse rance et le contact froid du métal lui soulèvent le coeur.
L'unique détonation déchire le silence préservé et glacé de la grande avenue. Elle fait aussi sursauter Colette Scherperel qui, comme chaque soir à cette heure, promène son labrador Valdo sur le trottoir des numéros impairs. Sur le trottoir opposé, une ample lumière ricoche sur la fenêtre de cuisine du numéro 146.
Deux autres s'éteignent au même instant dans les étages de la grande villa à l'architecture militaire portant le numéro 148. Sur la haute grille dissuasive de la villa on peut lire l'inscription "Mon repos".

-Nous avons choisi le patron de la société colombophile
-Hein? pardon, dit Berne
-Les membres de notre rédaction ont choisi votre chef pour notre prochain article, explique Sarah.
Berne grimace. Il cherche un moyen d'occuper ses mains. Sa chemise lui colle à la peau ; dans le dos et sous les aisselles.
-C'est un homme important de notre ville non?
-Certes... Murmure Berne  en ouvrant machinalement un tiroir de son bureau.
Non, rien là-dedans qui pourrait l'aider: Un vieux ticket de Millionnaire, un ancien numéro du magazine Lui avec Gloria Lasso nue...
Berne plisse encore un peu plus ses paupières comme s'il venait d'avaler un fruit tropical beaucoup trop acide pour son palais d'européen.
-Impossible , lâche-t-il en refermant le tiroir.

Au même moment ,dans le  local des archives, 
L'homme en blouse  abaisse l'interrupteur et sort de la pièce.
Outis attrape sa lampe de poche. Le faisceau de la lampe glisse sur une longue file de classeurs.
Puisqu'il faut bien commencer quelque part, Outis saisit le premier de la rangée.
Sur la tranche, il est écrit "faits-divers".


-Cette nuit froide nous changera tous en fous déments !
-Hein, quoi?
Richard s'accorde un léger sourire devant l'air ahuri de Blanquart.
-Je citai Shakespeare
-Ah... bien.. fait Blanquart en hochant la tête
-Vous connaissez Shakespeare évidemment ? s'amuse le notaire
-Mnnnff, répond Blanquart sans quitter la route des yeux.
Puis, il jette un coup d'oeil dans son rétro. La camionnette suit. Bien..
-Vous êtes le soldat, plein de jurons étranges, poilu comme la panthère, déclame Richard
Blanquart se contente de hocher une nouvelle fois la tête. Un court instant il se demande si la panthère est vraiment poilue.
Le notaire se redresse, la voix est plus forte, elle remplit l'habitacle de la voiture.
-Jaloux de son honneur, violent et prompt à la querelle, recherchant la bulle d'air de la gloire dans la gueule même du canon !
C'est ça mon gros, si tu le dis..pense Blanquart.
Nouveau coup d'oeil dans le rétro.. Rien à signaler..
(A suivre)

mercredi 1 juin 2011

Non capisco... Non si sente

D'une rive à l'autre, on ne se comprend pas... On ne s'entend pas.
Sur chaque côte, on raconte, on argumente et on juge sans compromis...
C'est notre l'histoire.
Le Nord veut des images, du sensationnel, de l'émotion.
Le Sud demande reconnaissance et  liberté
C'est notre histoire.
Entre nous, il y a  la mer
Et le poète lui, l'avait deviné
Elle n'est plus un rêve mais un champ incolore
C'est notre avenir.