Avoir un oiseau

UN: Pauvre Georges. Avoir un oiseau, quelle illusion! J'en avais un autrefois: il s'est envolé. Celui de Georges est mort. Les oiseaux, ce n'est pas  le verbe avoir qu'il faut leur appliquer, c'est le verbe être. Je voudrais être un oiseau.

DEUX: On peut souhaiter être un oiseau. les oiseaux nous prouvent que c'est facile. Ce qui est difficile, c'est de devenir un oiseau.

UN: Tout de même. On imagine. Si vous aviez des ailes sur le dos, vous, qu'est-ce que vous feriez?

DEUX: Je me les ferais couper. J'aime passer pour quelqu'un de normal.

UN: Moi, si j'étais un épervier, je crois que je serais plus heureux.

DEUX: Je vous connais. Tout le monde vous prendrait pour un aigle, et vous vivriez dans la peur qu'on ne découvre enfin votre vraie nature d'épervier. Et même, secrètement, vous auriez la conviction absurde mais toujours présente de n'être au fond qu'une buse.

UN: Non. Je suis sur que je me souviendrais de mon œuf.

DEUX: Les éperviers n'ont pas de mémoire.

UN: Qu'en savez vous?

DEUX: Ca ne leur servirait à rien : le ciel est trop grand.

Roland Dubillard

Les Oiseaux

in Diablogues et autres inventions à deux voix.

Invitation

Parler d'une toile comme celle-ci, c'est plus que compliqué. La peinture ;  J'ai l'impression d'être le type invité à manger  et qui arrive pour le dessert.

Pierre Tal Coat, Autoportrait,

Le côté extérieur

Hier, vous nous avez dit que vous ne connaissiez pas la femme turque de nos jours, et nous nous en doutions bien, car qui donc la connaîtrait, quand elle-même s'ignore?
D'ailleurs, quels sont les étrangers qui auraient pu pénétrer le mystère de son âme? Elle leur livrerait plus aisément celui de son visage. Quant aux femmes étrangères, quelques-unes, il est vrai, sont entrées chez nous: mais elles n'ont vu que nos salons, aujourd'hui à la mode d'Europe; le côté extérieur de notre vie.
Pierre Loti
Les Désenchantées

Plus de cent ans après, il est effarant de constater que, mise à part les costumes, rien ou presque n'a vraiment changé. Nous ne faisons qu'entrevoir, nous étrangers, le côté extérieur de ce peuple.

Fier !

Je suis fier ! Très fier de me retrouver dans le Guide des balcons accueillants de la résidence. Ce guide, édité par les nombreuses colonies d'oiseaux arrivant en vol plané du désert proche, me signale comme une halte chaleureuse où les miettes de pain ne manquent jamais. Je suis classé 3 nids, ce qui équivaut , j'aime à le penser, à un trois étoiles de chez Michelin. Une note en fin de page explique même aux lecteurs que l'on peut trouver sur ce balcon béni quelques miettes de croissant le jour saint du vendredi.
Cette notoriété soudaine me vaut même d'accueillir parfois quelques consommateurs d'un bon calibre, manifestement attirés par le "bouche à oreille" (je ne sais pas si cette expression circule dans la grande famille des passéridés.)
Je vais m'employer maintenant à ne surtout pas être envahi de cette fameuse pression qui caractérise les grands chefs nouvellement étoilés.
Julius Marx