mercredi 31 mars 2021

Vide-grenier

 


Dénicher un vieux Série Noire (authentique ou pas, je ne suis pas fétichiste)  nous plonge souvent dans un état second. Ensuite, vient le texte. Pour celui-ci, j'avais très envie de découvrir ce que donnait un Millar (devenu Ross Mc Donald) de la première époque. A la lecture, je pensai souvent à Manchette qui qualifiait l'homme de "suiveur".Amateur de Chandler, notre ami Ross l'est bien évidemment même si pour cette intrigue (un homme désespéré revient pour venger le meurtre de son père et nettoyer du même coup la ville pourrie)  il a plutôt lorgné du côté d'Hammett . Mais, comment ne pas lorgner du côté d'Hammett?Ce qui frappe surtout c'est cette obstination a l'accumulation de métaphores dont certaines un peu border-line comme dirait l'autre, alors que le maître de la Jollia , justement, ne se contentait généralement que d'une seule; une métaphore drôle, cynique, parfois tendre, mais toujours percutante. Malheureusement Ross ne c'est pas concentré uniquement sur les métaphores et accumulant les personnages et les situations complexes, bâclant même les scènes brutales . Et c'est ainsi que nous revenons à Hammett qui a écrit que la plupart de ceux qui ont décidé d'écrire ont la fâcheuse habitude de vouloir trop en faire. On pourrait même ajouter que l'écriture c'est un peu comme la peinture. Le peintre débutant s'embarasse de détails puis plonge dans l'abstraction. De là à penser qu'il existe beaucoup de rédacteurs et très peu d'écrivains il n'y a qu'un pas (allez hop ! Je saute le pas). Le vrai travail (et s'en est un, croyez-moi) consiste à simplifier son texte  encore et toujours. Les scénaristes d'Hollywood  avaient  même pondu une expression qui voulait dire quelque chose comme "tailler dans le gras".

Bon, vous voilà prévenus, amis lecteurs, notre bon Ross risque fort de vous refilez une surdose de cholestérol . Vous me direz que par les temps qui courent, c'est un moindre mal. Mon Dieu, ne devenez pas cyniques!

Julius Marx

mardi 16 mars 2021

Petite leçon d'écriture

 


Lorsque Genghi le Resplendissant, le plus grand séducteur qui ait jamais étonné l'Asie, eut atteint sa cinquantième année, il s'aperçut qu'il fallait commencer à mourir. Sa seconde femme, Mourasaki, la princesse Violette, qu'il avait tant aimée à travers tant d'infidélités contradictoires, l'avait précédé dans un de ces Paradis où vont les morts qui ont acquis quelque mérite au cours de cette vie changeante et difficile, et Genghi se tourmentait de ne pouvoir se rappeler exactement son sourire, ou encore la grimace qu'elle faisait avant de pleurer. Sa troisième épouse, la Princesse-du-Palais-de-l'Ouest, l'avait trompé avec un  jeune parent, comme il avait trompé son père aux jours de sa jeunesse avec une impératrice adolescente. La même pièce recommençait sur le théâtre du monde, mais il savait cette fois que ne lui serait plus réservé que le rôle de vieillard, et à ce personnage il préférait celui de fantôme.

Marguerite Yourcenar

Le dernier amour du prince Genghi

in Nouvelles Orientales