mardi 31 janvier 2012

Alors, comment ça va, là-bas, en Tunisie ?



Un vent soudain et capricieux s'est mis en tête de martyriser ma parabole.
La pauvre coupole a bien tenté de résister, mais, vaincue par les hordes, elle s'est finalement résigné en se figeant  dans la direction de La Mecque.



Vent toujours, mais celui du grand large, des horizons nouveaux.
Une bonne partie de la population reste obsédée par le voyage vers l'autre rive comme les ruminants par l'herbe.

Les monuments à la gloire de B.A ont tous disparus, remplacés à la hâte par d'autres. L'allégorie artistique reste bien présente. N'y voyez aucune ironie, ni allusion voilée, j'aime vraiment cet espadon.

Entendu à la radio, l'interview d'une  réalisatrice qui vient de commettre (elle-aussi) un documentaire sur la révolution. La jeune femme se plaint : " Les tunisiens ne livrent pas tout de suite leurs sentiments!" .
Un comble ! Et si vous leur foutiez un peu la paix?

Notre nouveau Palais de justice est rose.  S'agit-il d'un message subliminal ?



Jusqu'ici tout va bien, le parti  SPD s'occupe de nous.

vendredi 27 janvier 2012

A Hell of a Woman

En 1979 le cinéaste Alain Corneau décide d'adapter sous le titre de "Série Noire", "A Hell of a Woman" de Jim Thompson, paru dans la Série Noire sous le titre "Des cliques et des cloaques". Le roman contient tous les ingrédients de l'univers Thompson : le manque d' identité, de réussite sociale, d'amour. C'est un roman  sur le destin contrarié d'un homme trop tendre pour s'imposer dans le monde implacable qui l'entoure. A peu près tous les romans de Thompson ont la même ligne dramatique.
La première bonne pioche d'Alain Corneau (qui signe un honnête polar) c'est d'avoir confié l'adaptation  et les dialogues du film au talentueux poète Georges Perec.
Bien loin des faiseurs qui tentent sans succès de singer les productions américaines, Perec transforme l'oeuvre tout en gardant les éléments constitutifs qui font sa noirceur originelle.
Dans un premier temps, il transpose l'action dans une banlieue incertaine peuplée par des exploités et des marginaux. Dans ce décor sinistre sans aucune couleur ni relief, les personnages ne luttent plus, la lutte des classes étant remplacée par l'action individuelle forcément désespérée. Pour exemple, voyons la scène d'introduction du film. Franck, le personnage principal, apparaît au centre d'un terrain vague ou flottent les divers résidus de la société. Autour de cette arène, on peut voir l'autre société (celle qui avance en broyant tout sur son passage) : les grues de construction et l'enseigne du centre commercial voisin.



Puis,  Perec  met en place le personnage du méchant  (le patron, et son adjuvant l'inspecteur de police ) qui exploite sans scrupules les minorités :immigrés, chômeurs, vagabonds et personnels serviles dont  Franck est l'archétype.
Ensuite, il adapte le langage en donnant au personnage et à ceux qui l'entourent un parlé stéréotypé, sans aucune âme, composé d'expressions populaires, de locutions et de paroles de chansons populaires elles-aussi. Ces chansons forment l'insupportable  bande-son du film. Il faut noter aussi que le patron (exploiteur) ne parle pas comme les exploités. Son langage est soutenu et il emploie même des expressions comme "c'est vraiment coquet chez vous".
Enfin, il ne se substitue pas à la tradition de la femme fatale dont le rôle consiste à sauver le héros mais, vous l'avez deviné,  contribue plus à  sa chute.
Le travail d'adaptation est brillant. Nous ne sommes pas en Amérique pourtant  les  points forts du roman noir sont bien présents, bien loin des poncifs rebattus  des séries sensées nous faire frissonner.
La seconde bonne pioche du réalisateur c'est bien entendu d'avoir choisi Patrick Dewaere pour incarner le personnage principal





Rien à ajouter . Monde pourri ... La lutte continue.
Julius Marx
ps: Voir aussi l'article sur les mémoires de  Big Jim Sur ce blog

mercredi 25 janvier 2012

L'éminence Noire



"Pratiquement tous les écrivains, ont pour règle d'en faire trop: c'est comme s'ils prenaient pour argent comptant que leurs lecteurs vivent dans un vide absolu, ce qui est peut-être vrai une partie du temps, mais c'est là une hypothèse de départ impolie à tout le moins, et elle conduit très souvent à l'ennui."
Cette phrase de Dashiell Hammett  extraite de sa correspondance sortie en France en 2002, résume à mon sens parfaitement ce qu'on a appelé le style Hammett. Elliptique, concise, rapide, brève, cursive.. A peu près tous les adjectifs de la même famille ont étés employés pour qualifier son écriture.
Hammett n'en fait pas trop et c'est le moins que l'on puisse dire. Je pense qu'il cherchait ce que cherche généralement les grands écrivains : la simplicité. Le paradoxe, c'est qu'il faut beaucoup écrire et surtout beaucoup supprimer pour enfin  trouver ce qui est simple et juste.
Le style d'Hammett c'est avant tout l'écriture d'une époque (1920-1950) . Epoque où règne le Mal, la corruption distillés par des capitalistes sans scrupules secondés par les mafias. Le personnage du privé fait son possible pour lutter contre tout ce joli monde. Nous comprenons qu'il ne peut être un romantique ni un rêveur et qu'il n'a pas le temps et les moyens de se laisser aller à des considérations poétiques ou philosophiques.
Pour analyser ce fameux style, il convient de lire le bataillon de ses suiveurs. Parmi les plus talentueux, voyons Joe Gores qui a tenté l'expérience en ressuscitant le maître  dans son très beau roman Hammett.
"La femme penchée sur le tonneau de bois au pied de la gouttière mesurait près d'un mètre quatre-vingt-cinq et pesait plus de cent cinquante kilos. Elle tournait le dos à Hammett, qui remontait l'allée envahie de mauvaises herbes en direction de la ferme blanche; de gros bourrelets de graisse dure chevauchaient les os de son bassin, sous sa blouse à carreaux délavée."
Lisons maintenant le dialogue de James Colbert (autre suiveur patenté) extrait de son roman  "Portrait de famille".
-"Je ne pense pas que vous ayez prévu que les choses iraient aussi loin. Je crois que vous vous attendiez à être contrée sinon par Ellis, du moins par les évènements. C'est à croire que les circonstances ont conspiré pour vous obliger à continuer, sans jamais vous offrir une chance de vous faire pincer, ce qui vous aurait permis d'affronter Ellis et de lui dire ce que vous venez de me dire, de lui aire comprendre votre colère avant qu'aucun préjudice n'ait été causé."
Opposons ce dialogue pour le moins confus avec une des répliques de Dinah Brand dans Red Harvest.
"-Je voudrais que vous vous occupiez plus de ce que je vous ai dit la nuit dernière. Non, attendez!
Attendez une seconde que j'aille jusqu'au bout ... Dan avait raison. Je ne peux pas donner Max comme ça. Ca serait dégueulasse. D'ailleurs, c'est Noonan que vous voulez surtout posséder, non?
Eh bien!  Si vous voulez être un amour et laisser Max tranquille pour cette fois, je vous affranchirai suffisamment sur Noonan pour que vous puissiez le liquider. Vous préférez ça, non?
Et  vous avez quand même assez le béguin pour ne pas profiter des tuyaux que je vous ai repassé quand j'étais en rogne contre Max, non?
Ce dialogue plus long est pourtant enregistré de suite dans notre esprit. Principalement grâce aux  nécessaires respirations qui nous font sentir la présence et  l'impatience de l'interlocuteur tout en remplissant  parfaitement leur rôle de temporisation. Ajoutons aussi la très belle distillation des informations. Si comme dans le premier texte, vous ne faites qu'empiler les informations, il y a de fortes chances que  le lecteur couché, après un léger bâillement, tourne la page.
Pour faire plaisir à ce lecteur achevons cette brillante analyse avec le texte de Joe Gores, de nouveau. Mais,  cette fois-ci retravaillé  par James Ellroy.
"La ferme blanche.
Avance.
Jungle de mauvaises herbes.
La femme/ Une femme ? Géante. Cent cinquante kilos de graisse !
Avance.
Elle me tourne le dos.
Encore de la graisse, les os du bassin , encore des bourrelets!
Une horreur de blouse... Carreaux délavés.
Avance."
C'est fou ce qu'on s'amuse sur ce blog.
Julius Marx


Dashiell Hammett (correspondance-Allia 2002)
Dashiell Hammett (La moisson Rouge- Série Noire)
Joe Gores (Hammett-Carré Noir N°449 )
James Colbert (Portrait de Famille-Série Noire N° 2307)



samedi 21 janvier 2012

Mc Cann est toujours aussi indispensable


"J'avais la pointe du couteau sur le coeur, mais que pouvais-je faire? Combien de petites trahisons m'attendaient-elles encore? Qui finirait un jour par clamer la vérité, aussi compliquée soit-elle? Ce sont les lois, pas les miroirs, qui nous volent nos âmes."
 Dans son roman  Zoli,  Colum Mc Cann nous raconte l'histoire d'une poétesse Rom à la voix de feu.
L'histoire est écrite comme le découpage d'un film  . La narration à plusieurs voix permet évidemment de retrouver plusieurs point of view mais aussi, comme dans l'art cinématographique, des ellipses temporelles. Les scènes commencent toujours par des plans d'ensemble et finissent par des close-up.
Mais, l'auteur  a un avantage certain sur le scénariste; il a la possibilité de relater les états-d'âme de son personnage principal. Et il ne s'en prive pas, tant mieux pour nous ! Heureusement, la littérature n'est pas le cinéma. Sur la page, aucun fumiste et prétendu auteur ne peut réussir à émouvoir sans sincérité et talent.
Nous suivons donc Zoli  enfant, en Tchécoslovaquie,  après la mort de ses parents, exécutés par les hommes d'une milice pro-nazi . Puis adulte, victime à son tour d'un  autre régime totalitaire, qui a décidé que les camarades Roms  deviendraient sédentaires.  A cette époque , Zoli  est convaincue d'écrire les poésies qui lui tournent dans la tête, par un vieil écrivain et son jeune assistant. Un recueil sera publié et il causera sa perte.
Pourquoi, comment? Vous le saurez en lisant le bouquin.
 Si Colum Mc cann parle bien des minorités (de toutes les minorités) exploitées et sans cesse pourchassées, il parle aussi des lois et des frontières :
"Elle sait que la prochaine démarcation entre Est  et Ouest , se présentera dans quelques jours à peine, il lui vient à l'esprit en marchant, que si l'on accorde autant  d'importance aux frontières, comme à la haine, c'est précisément parce qu'elles disparaîtraient si on ne le faisait pas."
Et Zoli à elle seule symbolise bien la liberté. Elle fait sans cesse des choix, même si les puissants semblent lui en imposer d'autres. Parabole sur l'exil, éloge de la différence( comme il est écrit sur la quatrième de couverture) oui, mais il y a aussi la place et la fonction de l'artiste. Son art lui souffle la liberté mais le souffle est trop fort.
Heureusement, la flamme que porte  Zoli en elle  vacillera mais ne s'éteindra pas.
Julius Marx
Colum Mc Cann (Zoli) 10/18
Sur le site de l'auteur aux éditions Belfond, lire aussi résumés et commentaires des lecteurs.
ITW de l'auteur à propos de Zoli sur le site Rue 89
La photo qui illustre cet article est sur le site "Fauteuses de troubles"
(Si après ça, vous passez un mauvais Week-end, c'est à n'y rien comprendre!)

mercredi 18 janvier 2012

La voilà qui revient


La, la, la,  mine de rien,
la voilà qui revient,
la rumeur.
Elle avait disparu du pavé d'Tunis,
mais elle est revenue comme aux beaux jours de Janvier.
Là, là, là... avec moi tous en coeur :
Le dimanche sera supprimé au profit du vendredi .
Cinq prières par jour seront accordées aux ouvriers.
Les employés d'une usine de produits inflammables seront autorisés
tous ensemble, a allumer leurs clopes.
Le tourisme musulman on préconisera,
les touristes au régime sec,
repartirons dans leur pays de luxure.
On manque de tout, ou presque
qu'en pense le SPD ? (1)
Les refrains avaient pris l' maquis,
mais on n'oublie jamais,
la bonne petite info sanglante,
qui vous met le coeur en fête,
même s'il faut du temps, c'est vrai ,
pour séparer le vrai du faux, pour comparer.
Mais, on trouve toujours, un beau jour ,
une oreille attentive, pour écouter,
un idiot pour affirmer.
La, la, la,  mine de rien
la voilà qui revient
la rumeur.
Julius Marx
(1) Parti du Système Pileux Développé

mardi 17 janvier 2012

Nouveaux horizons

Je vous souhaite à tous une année de joies, d'espérances, de rêves et de projets. Bref, une année à scruter l'horizon.


Julius Marx

Hellhound on My Trail


Bob Dylan est un des poètes les plus important du vingtième siècle, c'est indéniable.
Alors, en ouvrant Chroniques, je m'attendais à trouver de bonnes petites lignes de poésie symboliste ou de parfaits chapitres d'écriture systématique , dans la veine de Tarentula, bouquin  acheté à l'adolescence et vite abandonné sur une étagère de ma bibliothèque pour n'être repêché que beaucoup plus tard. Mais, comme Dylan ne fait jamais vraiment ce qu'on attend de lui, Chroniques n'est absolument pas cela. Ici, le maître se contente de raconter. C'est le récit d'un type qui se veut simple et qui ne revendique aucun titre et surtout pas celui d'idole ou de prophète. Un homme qui aime  la nature, faire ses courses au super-marché, regarder la télévision et cuisiner des pancakes.
Alors, désolant ?
Surement pas, car la poésie est bien présente et avec elle:  l'Amérique toute entière. La liste des personnages rencontrés ou simplement cités est plus longue encore que celle des figurants de Gone with the Wind. Il est bien entendu question de sa filiation avec Woody Guthrie mais aussi et surtout de rencontres qui ont façonnées son existence. Lisez ce qu'il écrit par exemple sur Johnny Cash :
"Les disques de Johnny Cash ne faisaient pas exception, pourtant il ne fallait pas s'y fier. Il n'avait pas une voix perçante, mais il mettait par terre  dix mille ans de culture. Il aurait pu habiter les cavernes. Il chante avec le feu à ses pieds, ou enfoncé dans la neige, dans une forêt hantée, à corps perdu, mais de sang froid - bien conscient du danger. "Je surveille de très près ce coeur qui est le mien". Certes. J'ai dû me réciter ce vers un million de fois. Sa voix était si imposante que le monde rétrécissait."
"La première fois que j'ai entendu I Walk the Line , il y a tant d'années, c'était comme si on me demandait :" qu'est-ce que tu fous là, gamin?" J'essayai surtout de garder les yeux ouverts.
Puis à propos du grand Robert Johnson : "Des Allemands l'avait filmé à la fin des années 30, par un après-midi ensoleillé , à Ruleville dans le Mississippi. Il ne donne pas l'impression d'une statue de pierre, ni de quelqu'un de particulièrement émotif . On dirait presque un enfant , une figure d'ange, innocente au possible. Il porte un tricot de toile, un bleu de travail et une drôle de casquette dorée, comme celle du petit lord Fauntleroy. L'antithèse d'un homme poursuivi par les chiens de l'enfer(1). Il paraît imperméable aux frayeurs de l'humanité et, incrédule, on n'arrive pas à détacher ses yeux de son visage."
Vous l'avez compris, ce premier tome des Chroniques se lit à la vitesse  d'une vieille Buick lancée sur la highway 61.
Julius Marx
-Bob Dylan (Chroniques-Folio-Tome 1)
(1) Hellhound on My Trail , blues de R. Johnson.

jeudi 5 janvier 2012

Leroy voit rouge


Dans "Le Bloc " Jérôme Leroy a serré deux personnages.Il leur a collé une grosse lampe en pleine poire et  leur a conseillé de passer à confesse. Ensuite, un inspecteur stagiaire est descendu  acheter des sandwichs et du vin au Rendez-vous du Rouergue, le café d'en bas et Jérôme Leroy a branché son magnéto à cassette.
Les deux prévenus passent à table. Ils sont aidés dans leur soliloque par leur conscience. Ils nous racontent comment et pourquoi ils sont entrés (du pied gauche, ça porte bonheur paraît-il) dans le mouvement du Bloc Patriotique. Ce récit à quatre mains est aussi structuré, poignant et sans concession que celui de Zeno.
Jérôme Leroy  est un écrivain de l'âme. 
Il n'est pas dans le vent comme on l'écrivait dans le monde d'avant. Il ne privilégie pas l'intrigue aux dépends des personnages. Des deux hommes, il dessine un portrait robot. Son coup de crayon est digne du spécialiste du  commissariat du 87ème  District dont le nom m'échappe.
Peu à peu, les deux modèles finissent par ressembler pour l'un ( l'intellectuel) à un autoportrait d'Egon Schiele et pour l'autre (l'homme du peuple) à Figure avec quartier de viande de Francis Bacon.
(Il faut noter,c'est important, que Jérôme Leroy n'a jamais levé la main sur eux pour obtenir ces révélations.)
L'intellectuel  se lâche .Il nous parle de sexe, de son film préféré et de sa bibliothèque  où les livres sont regroupés à l'extrême droite de l'étagère. L'autre préfère collectionner les bibelots comme la grenade dont il ne se sépare jamais et les conquêtes masculines.
L'inspecteur stagiaire ricane. Leroy le fiche dehors.
Pendant ce temps là, à la télévision, on voit des images d'émeutes urbaines avec, en haut de l'image le nombre de victimes qui défile, comme celui du CAC 40 sur les chaînes d'informations continues.
Mais, comme l'écrit Bob Dylan ; ce n'est pas de l'engagement politique, c'est de la rébellion.
Curieusement ces deux récits me font penser à Une poire pour la soif de James Ross  où le personnage principal pendant la grande dépression de 1929  raconte comment il a tenté de se sortir de la misère. C'est aussi implacable et violent.
Bon, Leroy a obtenu des aveux complets mais il ne semble pas totalement satisfait. Il ronchonne en fixant la bouteille vide de Vacqueyras sur le bureau, devant lui.
La nuit tombe. Sur l'écran, le compteur des victimes s'affole.
Julius Marx
-Le Bloc  Jérôme Leroy -(Gallimard Série noire)
-La conscience de Zeno  Italo Svevo ( Poche)
-Une poire pour la soif  James Ross ( Gallimard Série noire )
-Bob Dylan Chroniques (Folio)

mercredi 4 janvier 2012

Impossible de partir sans Raymond Carver


Cette nuit là, l'Harmattan nous a chassés de la Côte d'Ivoire
Sur la route, les guirlandes de Noël clignotaient dans le ciel
Personne pour pousser le moindre Oh! d'admiration.
Sur les murs extérieurs de l'aéroport,
s'affichaient de charmantes et désuètes photos de l'époque coloniale.
Des hôtesses avenantes en tailleur strict et chignon accueillaient des blancs joufflus
en costumes froissés, au pied de la passerelle du Super Constellation d'Air France.
Un flic aux gros doigts boudinés a trituré nos passeports
puis un autre, et encore un autre...
Tous regardaient nos sauf-conduit comme les trucs les plus  dingues qu'ils avaient jamais vu.
Dans un gros carton frappé d'une marque de protections périodiques, j'avais bien emballé deux flamboyants,
personne ne m'a demandé d'ouvrir mon carton.
Un  fielleux-dompté a pointé son doigt sur mon ventre,  j'ai fait glisser ma ceinture.
Le haut-parleur a annoncé qu'il nous faudrait  patienter quatre heures dans la salle d'embarquement,
les lumières se sont éteintes, les plus téméraires d'entre nous ont tenté de s'allonger sur les sièges en métal,
d'autres inspectaient les rayons de la boutique hors taxes en ouvrant de grands yeux,
 pour bien imprimer les tarifs dans leur cerveaux.
J'ai froissé et jeté par terre le bon permettant de se taper une boisson à l'oeil, en représailles.
Dans l'avion, les dormeurs ont poursuivi leur gymnastique, j'ai vainement tenté de fermer les yeux.
Plus tard, la récompense...
L'aube se levait sur le désert, à huit mille mètres,
un trait d'orange vif posé sur un bleu presque noir,
en dessous, les vaguelettes de sable.
-Il reste encore pas mal de place pour construire, pas vrai ?
Mon voisin hilare, un sosie de Peter Ustinov, sa fine moustache qui tremble,
soupirs...
J'ai souri, on peut décidément s'habituer à tout.
Dans ma poche, je palpe mon bouquin fétiche,
La vitesse  foudroyante du passé.
Julius Marx