samedi 28 juillet 2012

La zone d'ombre




Un auteur prend toujours soin de laisser une zone d'ombre dans la vie de son personnage. C'est d'ailleurs ce qui fait très souvent la différence entre un auteur véritable et un simple professionnel ; l'un fait exister, l'autre ne fait que reproduire les sempiternels clichés. Tous les personnages forts, épais et consistants sont des êtres complexes, meurtris, secrets, et donc imprévisibles.
Si le tâcheron balance sans hésiter les grandes lignes du curriculum-vitae de son personnage, généralement grâce à un dialogue bêtifiant, l'écrivain sait qu'il lui faut les distiller adroitement via les éléments constitutifs de l'intrigue, les gestes, les attitudes, pour que prenne lentement forme sa créature. Alors, le lecteur comprend qu'il y a quelque chose dans la vie de Marlowe, de Sam Spade, de Dwight Holly ou de Montalbano. Grâce à ces noeuds qui ne peuvent être révélés, les créatures deviennent des êtres humains.
Ainsi, alors que nous croyons seulement suivre une intrigue riche en rebondissements , nous nous apercevons qu'en fait, c'est uniquement la vie et les sentiments de ce sacré personnage qui nous préoccupent.
Techniquement parlant, on sait qu'un personnage de fiction, pour remplir sa fonction doit être, en gros, positif à 50% et négatif à 30 % . Le pourcentage restant étant occupé par cette fameuse zone d'ombre qui augmente ou diminue selon le bon vouloir de l'auteur.


" Il trouva un coin d'ombre à la sortie du village. Il resta debout, immobile, et fit abstraction de tout bruit extérieur. Il entendit l'air produire le bruit de sa propre respiration et il sut qu'il croyait à la réalité du moment. Il sentit le sol tournoyer sous ses pieds.
Son pouls battait fort et reliait ses membres aux arbres qui l'entouraient. Sa vision périphérique s'élargit et lui permit de voir depuis l'arrière de son crâne. Ses yeux larmoyèrent. Il vit nager le Dr King et le révérend Hazzard. Le Dr King avait la même couleur de peau que Mary Beth. Le pasteur avait les yeux de Marsh Bowen. Des oiseaux étaient nichés en lui. Leurs pépiements résonnaient comme les déclics de son esprit qu'il percevait dans le monde réel. Le soleil devint la lune, qui tomba dans sa poche. Il voyait sans cesse la femme aux cheveux bruns striés de gris."

James Ellroy (Underworld USA)

Un grand auteur sait jouer de cette complexité. Il est le chef-opérateur d'un de ces merveilleux films en noir et blanc où l'ombre et la lumière se disputent sans cesse le visage du héros.

Julius Marx


vendredi 27 juillet 2012

Revue de presse


Mince !

Johnny se sépare de Vanessa et Tom de Katie ! Pourtant, quels beaux couples. L'amour, c'est à n'y rien comprendre.



Zut !

On ne parle plus de Marie-Caroline. Mais où est-elle donc passée ?




Diable !
En Syrie, le carnage se poursuit. Pourtant, il doit bien y avoir un moyen de convaincre Poutine, non?


Chic !

Revoilà les Olympiades de l'ère moderne avec le gentil sportif tout propre, le Coca-Cola tout sucre et les anneaux de toutes les couleurs... Alléluia! Le monde est beau. Nous sommes tous frères.



Bravo !

Notre monde continue de s'effondrer lentement . Sachons mesurer notre chance . Très bientôt, nous pourrons de nouveau tirer de joli cliché comme celui-ci.




vendredi 20 juillet 2012

Journal du ramadan




Jour premier
Notez bien l'heure: 7h 10 du matin.
Pas besoin de réveil, le soleil fait le boulot. Combien de degrés dans la chambre 2O.. 25?
Silence profond. Calme plat, tout juste le ronronnement du ventilateur ami.
Oui, sacré silence. Pas de cris, pas de vrombissements, pas de marchands ambulants. Même les poules ferment leur clapet.
Un triple café et l'être humain déshydraté redevient performant.
Vite, profiter des deux seules heures ventilées de la matinée / course effrénée / ménage bâclé.
 Une obsession : le ravitaillement.

Dans le taxi collectif, personne ne bronche. Pour l'ambiance, c'est Radio-Psaumes entre deux pubs faussement joyeuses. Le chauffeur a le feu au derrière. Il évite, slalome comme un fou dans la circulation molle.
-Attention ! le cycliste, là ! Droit devant, au beau milieu de la route. Hé, mon pote, la saison de formule 1 c'est fini... T'es pas au courant?
Les quatre co-loc voilées s'envolent au carrefour dit de l'horloge. Pourquoi l'horloge? Pour la grande pendule, AVANT.
Les taxis tournent et s'agitent comme des bourdons asiatiques. CLIENTS / TOURISTES/ ARGENT Où sont-ils donc passés?

Les quartiers chics. La boulangerie, enfin. Une nouvelle vendeuse, encore! Bonnes petites joues, sourire d'enfant gâtée.
-Alors! Bonjour, ça va tout le monde?
-Oui, ça va tout le monde. Et le pain?
-Pas encore arrivé..
-Mais, il va venir?
-Oui, oui... 5 minutes!
 VITE . Rechercher l'ombre. Là, un petit muret pour s'asseoir, près du magasin.

Le Royal Market de la honte.En devanture, de la nourriture pour chiens et chats. Des dizaines de sacs empilés. Un seul sac représente le salaire mensuel minimum d'un ouvrier maçon.

5, 10, 15, 20, 25 minutes...
Une camionnette. Notre Pain quotidien !

Dans le taxi du retour. Une conduite à la grand-papa. Sur le tableau de bord, un bon paquet de roses de toutes les couleurs. PARFUM.
Notez bien l'heure : 10 heures du matin.
Butin de la matinée : deux paquets de cigarettes / 8 baguettes / deux bouteilles d'eau/ une pastèque.

35 °. On ferme.

Julius Marx

jeudi 19 juillet 2012

Après la révolution





En se promenant dans notre village, il n'est pas rare de se voir saluer par de vieux messieurs aux costumes fripés. Le ton est presque solennel, la langue française toujours merveilleusement maîtrisée. Sans être philosophiques, les conversations sont toujours cocasses et enrichissantes.
Nous discutons, par exemple, de la visite du Président en France. Ais-je,oui ou non, remarqué qu'il ne portait pas de cravate? Est-ce une fatwa contre la cravate et le noeud papillon, considérés comme des symboles de l'occident décadent, dans certains pays comme l'Iran?
Bon, très bien, mais alors, que penser du Coca-Cola? de cette musique assourdissante au tempo infernal qui a remplacé l'orchestre d'antan dans les mariages ?
Quant aux jeunes gens, mis à part quelques imprudents, ils ne jugent pas utile de nous saluer. Ils se contentent de passer leur chemin. D'autres, sourires de circonstance accrochés aux lèvres, viennent à nous directement et, après un échange de conneries polies, se lancent dans le dialogue habituellement réservé aux touristes. Ces sonnets, composés il y a beaucoup trop longtemps, par des écrivains fainéants entièrement soumis au diktat des tours-opérateurs, énervent plus qu'ils ne touchent.
Faut-il choisir entre ses deux méfaits de la colonisation?
Enfin, tout ce joli monde semble d'accord pour affirmer que la période du ramadan, maintenant toute proche, devrait être un vrai test pour la nouvelle démocratie (et pour les estomacs affaiblis également).
Voilà, tout un Zibaldone de pensées sous un ciel bleu azur.
Pour finir, le vers d'un poète : " Nul n'entre deux fois dans le même fleuve."

Julius Marx

mardi 17 juillet 2012

Pourquoi pas ?


Pourquoi ne pas glisser le numéro 12 de  L'indic dans vos bagages?
Pourquoi ne pas emporter avec vous cette belle revue au format parfaitement adapté pour la lecture sous le parasol, dans la chambre d'hôtel ou en terrasse ombragée?
Pourquoi ne pas préférer ses articles aux tests idiots et aux méthodes infaillibles pour maigrir?
Oui, pourquoi ?
Vous n'aimez pas les romans noirs?
Alors, abonnez tout de suite vos ennemis.
Fonduaunoir44.blogspot.com
Julius Marx

lundi 16 juillet 2012

Journal d'un idiot (7)




Vive les vacances !
Plus d'horaires, plus de cours, plus de réunions mais, le sable, la mer, et les girls... Youpi ! Enfin, je suis en vacances en Espagne.
J'adore les voyages ; le dépaysement, la découverte d'un peuple, d'une autre culture.
Mais, le peuple en question devrait au moins avoir l'élégance de se rendre compte que nous, les touristes, nous sommes déjà très gentils de venir dépenser notre argent chez les déshérités.
Pour l'hôtel et le service passe encore, mais, dans ce pays, personne ne fait l'effort de parler le français!
Et puis, il y a aussi la nourriture: des poissons et encore des poissons ! Ma parole , ils nous prennent pour des chats ?


Cher petit journal, je t'écris de la chambre d'hôtel. Il est treize heures et j'attends l'émission "Toute une histoire " présentée par la belle Sophie, en me tartinant de crème solaire. J'adore cette émission.
Mon psy pense que la vie exposée par ces pauvres gens devant la caméra est à l'origine de mes questionnements obsessionnels.


Il est 2O heures. La nuit est mon royaume ! A moi les belles andalouses!
2 Heures . Ouf ! J'ai enfin réussi à me débarrasser de Raymonde, une caissière de Billancourt.
C'est bien ma veine, y'en avait qu'une comme celle-la, et elle est pour moi.


Ce matin , après la gym-tonic dans la piscine, le responsable de l'animation m'a demandé si je voulais bien jouer dans la comédie musicale Don Quichotte , l'homme de la Mancha, demain soir. J'ai dis d'accord, quel rôle ?
Sancho Pancha ! et pourquoi pas la jument ? Qu'il trouve un autre gogo.

Sieste sur la plage. Sur mon magazine spécial vacances, je remplis le test : " que révèle votre date de naissance?"
Mais, pour rester anonyme, j'écris une fausse date : pas bête le monsieur !

Samedi
Avec d'autres français, nous regardons le défilé du 14 juillet. Ensuite, nous écrivons une pétition pour avoir de la viande de boeuf au buffet.
Raymonde me murmure à l'oreille que je suis son petit taureau...
Nous prenons un drôle de cocktail avec du vin rouge et des fruits qui trempent dedans. Après trois verres, Raymonde est bourrée. Elle crie qu'elle veut mes deux oreilles et surtout ma queue !



Encore la plage et un autre test à remplir. Cette fois-ci, il s'agit de calculer son chiffre de vie.
Le chiffre de désir et de coeur, de destiné etc..
Après avoir coché toutes les cases, je regarde le résultat à la dernière page : je trouve O !

vendredi 13 juillet 2012

Voyage


A la différence du paysage européen, étroit et clos comme son ciel, le paysage américain semble engloutir toutes frontières : il irradie de partout le sens de l'infini.
Une pareille immensité, qui se reflète dans la forme ouverte, dispersée, et même désolée, de la structure urbaine, représente pour l'individu un élément d'excitation et de défi que quiconque peut saisir. A peine met-on le pied sur ce continent qu'on comprend qu'il est le règne du vide, du possible et de l'indéterminé, où s'inventer une nouvelle vie, se forger un nouveau style, est la chose la plus immédiate et la plus naturelle qui puisse venir à l'esprit.

La poésie des maisons américaines tient à leur air provisoire, qui vient directement de l'esprit de frontière. Choisies dans les pages d'un catalogue illustré, bâties de blocs de bois préfabriqués, gracieusement peintes de diverses couleurs, elles semblent plutôt posées que fondées sur le sol, comme si elles étaient sorties d'une boîte de jeu de construction.
Nonobstant  la chaleur et l'intimité qu'elles peuvent respirer, semblables à des pavillons de chasse au milieu d'une nature menaçante et brutale, on dirait qu'elles sont faites pour être abandonnées d'un instant à l'autre.


A l'entrée de la Death Valley, dans le tremblement de la canicule, un arbre solitaire. Tout autour, une myriade  d'oiseaux qui voltigent en piaillant. Comme une fête tumultueuse de la vie avant le rien.

L'horreur est, hélas, à la portée de tous. Mais elle revêt ici un caractère spécial: c'est une horreur cinématographique.


La précarité est la vraie muse de l'Amérique.


Mario Andrea Rigoni
Un miroir dans lequel s'attarder
(Notes sur l'Amérique)


lundi 9 juillet 2012

Alors, comment ça va, là-bas, en Tunisie ?





Ouf ! Enfin. J'ai réussi à sortir de la grande poubelle ; un oeil poché, une patte meurtrie, rien de très grave. Comme disait ma pauvre mère (Dieu seul sait où se cache mon père) :" Dans la vie, il faut toujours se battre." C'est vrai que dans notre monde, personne n'est vraiment pacifique. On se bat pour la nourriture, le territoire ou les filles.
Le Paradis n'est par pour nous ! Enfin, il ne faut pas se plaindre. Nous aurions pu naître chien ou bourricot et prendre des coups dans le cul ou sur l'échine à chaque heure de nos pénibles journées.
Ce matin, j'ai partagé un reste de pâtes à la sauce tomate avec un vieux du quartier. Il m'a fixé avec le seul oeil qui lui reste et m'a dit : " Vois-tu, petit, dans notre corporation, il faut s'émanciper le plus vite possible. Moi qui te parle, j'ai quitté mes parents à peine sevré pour partir à la découverte des grands horizons." Je suppose qu'il a raison. Je l'ai abandonné alors qu'il entamait d'une voix grave le récit de sa misérable existence de l'indépendance jusqu'à la révolution. Avec les vieux, c'est toujours le même problème, ils ne peuvent pas se passer de faire de la philosophie ou de l'histoire. Nous, les jeunes, nous vivons dans le présent.
Cet après-midi, la chance m'a enfin sourit. J'ai déniché la bonne maison ; beau et grand jardin, poulailler bien garni, nombreuses possibilités de camouflage. Le caïd est un gros rouquin pouilleux qui s'essouffle vite. Le proprio est comme son matou ; grognon mais pas méchant.
Le petit plus c'est le couple de Français qui vit à l'étage. Probablement deux retraités qui se planquent, comme moi, dans un pays où le courrier est rare. A chaque fois qu'ils passent dans mon allée, la femme s'approche du grand pot de fleurs qui me sert de planque en faisant des" tsss.. tss..tsss..." avec sa bouche. Je lui fait ma mine de persécuté, c'est ma meilleure composition. L'homme me balance des sardines par dessus le balcon de sa cuisine, et le matin, j'ai même droit à la biscotte trempée dans du lait. C'est la vraie vie de pacha! Repas à heures régulières, combats rapprochés peu nombreux, longues siestes au soleil. Mon rêve, c'est de m'exiler dans un des ces merveilleux pays, au-delà de la Méditerranée. Là-bas, les chats vivent tous comme ça. J'ai même entendu dire qu'il existe de la nourriture rien que pour eux et qu'ils dorment sur des coussins moelleux.
Ramzi, le chat de la libraire (qui lit beaucoup la presse étrangère) a levé les yeux au ciel quand je lui ai parlé de mon rêve. Il a tripoté longuement sa longue barbiche blanche et m'a dit :"Mon pauvre ami. Sais-tu que pour les gens de ces pays merveilleux, comme tu les appelles, le chat noir porte malheur ?"
Son avis, je m'en moque. Je le laisse volontiers avec ses bouquins. Ce soir, j'ai rendez-vous avec Selim, un chat d'hôtel. Il peut me faire travailler dans son palace. Il affirme que les touristes sont plus que généreux avec les bêtes. Mais, je me méfie de lui. Il a les yeux fous d'un vétérinaire. Mais, comme disait ma pauvre maman :"qui ne risque rien n'a rien".
Bon, les amis, je vous laisse. Le gros rouquin vient dans ma direction. Pour le moment, j'ai des choses importantes à régler. Pour le rêve, on verra plus tard.

samedi 7 juillet 2012

Histoires comme-ci, comme çà (17)

Comment j'ai traversé le Rio Grande 






Septembre 1976. Brownsville (Texas)
La ville offre bien peu d'intérêt. Une longue avenue centrale, des magasins aux vitrines défraîchies, des habitants comme leurs devantures.
L'unique attraction du coin, mais elle est de taille, c'est vrai, c'est le fleuve tout proche..
Pour nous, ce n'est pas un fleuve, c'est le fleuve : le Rio Grande.
Son seul nom fait naître des frissons tout le long de la colonne vertébrale. Il suffit de prononcer deux mots  pour qu'aussitôt, apparaissent les plus belles images de la mythologie du grand ouest.
John Wayne, Gary Cooper, James Stewart et tant d'autres sont passés par là ! Les cavaliers et leurs fidèles montures, poursuivis par des hordes de méchants ou des indiens peinturlurés sur le sentier de la guerre, ont traversé ses eaux pour se réfugier sur l'autre bord, le Mexique. Et puis, il y a les images, les scènes plus précises ; le lieutenant-colonel Kirby-York, à la tête de son détachement, qui ne peut poursuivre la bande d'indiens renégats de l'autre côté du fleuve, le grand Ward Bond, qui déclare, en levant les yeux au ciel, "bénis-nous seigneur, pour ce que nous allons recevoir..." avant l'attaque des Indiens.
Alors, à l'instant où nous pénétrons dans la zone frontière, inutile de dire que nous sommes plutôt fébriles. Nous ne sommes pas à cheval. Nous n'avons donc pas besoin de calmer nos montures fourbues et nerveuses d'avoir chevauché trois jours et trois nuits. La veille, nous n'avons pas campé  près d'un bosquet ou dans une clairière. Nous n'avons pas mangé un plat de haricots ni bu de café dans un gobelet en étain. Notre hôtel, sans être le grand luxe, était climatisé.
Un premier grand choc nous attend. En cette saison, et à cet endroit précis, le fleuve n'est pas très large. Et puis, ce ne sont pas les Indiens qui nous poursuivent mais des longues files de mexicains et de touristes qui nous poussent vers l'autre rive.
Nous passons à pied entre deux rangées de hautes grilles.
La légende de l'ouest s'évanouit aussitôt dans les brumes de chaleur lorsque nous arrivons devant le portillon automatique à tourniquet (on se croirait dans le métro, mais ici, personne n'ose passer par-dessus). Des flics à la gueule patibulaire (qui pourraient facilement jouer les méchants) nous gueule de préparer un quarter (25 cents) pour glisser dans la fente de l'appareil diabolique.
Voila, c'est fini. L'opération n'aura duré que quelques minutes. Nous sommes maintenant en territoire mexicain.
Devant nous, pas de grands espaces, mais des boutiques qui vendent de l'alcool et des cigarettes.
Le lieutenant colonel Kirby York  et les autres sont loin, beaucoup trop loin pour qu'on puisse encore espérer les croiser. Pourtant, je suis persuadé d'entendre quelque chose... on dirait un clairon... celui de la cavalerie des Etats-Unis ?
Julius Marx

vendredi 6 juillet 2012

Joyce (fin)


Le boucher était l'employé habituel du magasin, je le connaissais, mais il était changé : un grand homme cadavérique aux joues creuses, avec un bout de mâchoire en moins et un oeil unique, brillant de dérision. Son uniforme était souillé de sang, et lui aussi portait un feutre rond qui déclarait, en lettres rouges, SUPER SOLDES POUR LES FÊTES !
"Il n'y a plus de dinde, a-t-il dit méchamment, avec un air satisfait,...sauf celles qui restent là-bas, dans le congélateur."
Il indiquait, derrière un comptoir fracassé, un mur dans lequel il y avait un trou béant ; une sorte de tunnel. "Si vous voulez grimper là-dedans et vous servir, monsieur, faites, je vous en prie."
Papa a regardé le trou et remué les lèvres, mais aucun son n'est sorti. Je me suis accroupie, en me pinçant le nez, pour essayer de voir à l'intérieur, où c'était sombre,et suintant, avec des trucs ( des pièces de viande, des carcasses?) sur le sol luisant, et quelque chose, ou quelqu'un, qui bougeait.
Par terre, il y avait des flaques de déchets sanglants, des têtes, des peaux  et des intestins d'animaux, mais aussi des quartiers entiers de boeufs et de porcs, des pièces de bacon, des carcasses de dindes pointillées de sang, sans tête, dont le cou tranché laissait voir des nerfs et des os  d'un blanc étonnant.
Je les ai reniflées pour tâcher de savoir si elles commençaient à pourrir, s'il y en avait une d'assez fraîche encore pour être mangée... accroupie par terre, des déchets jusqu'aux chevilles. Toute ma vie, ce que je m'en rappelais jusque-là, j'avais été dégoûtée par la vue des carcasses de dinde ou de poulet dans l'évier, quand j'aidais maman dans la cuisine : les cous maigres sans tête, la peau flasque, pâle et grumeleuse, les pattes griffues et squameuses. Et leur odeur, cette odeur bien reconnaissable.
Fourrer à la cuillère une farce enrichie d'épices dans la volaille étripée, coudre le cou, badigeonner le tout de graisse fondue, le rôtir. La viande morte et froide qui se transforme en viande mangeable. Le dégoût  qui se transforme en appétit.
Comment est-ce possible? demandez-vous. La réponse est c'est possible.
La réponse est c'est.
Les odeurs étaient si fortes dans la grotte que je ne pouvais pas vraiment juger si une dinde était plus fraîche qu'une autre, alors j'ai choisi la plus grosse, une volaille d'au moins dix kilos, et, en haletant, en sanglotant presque, je l'ai traînée jusqu'à l'ouverture, l'ai poussé par le trou, puis ai rampé dehors à mon tour.
Les lumières du magasin, que j'avais trouvé faibles, m'ont paru éclatantes, et papa était là qui m'attendait, courbé sur le chariot, bouche bée, un sourire nerveux au coin des lèvres. Il était si étonné par quelque chose, la taille de la dinde peut-être, ou juste le fait que j'aie fait ce que j'avais fait, de me voir cligner des yeux avec un grand sourire, me redresser de toute ma taille en essuyant mes mains dégoûtantes sur mon jean, qu'il n'a pas réussi à parler tout de suite, et qu'il a mis un moment avent de m'aider à mettre la dinde dans le chariot.
Puis, d'une voix faible, il a dit:" Ah, diable."
Les lumières s'éteignaient dans le magasin, il ne restait plus qu'une caissière pour enregistrer nos achats. Dehors, il faisait très sombre; pas de lune, et une neige légère, la première chute de neige de l'année. Papa a porté les sacs les plus lourds, et moi les plus légers. Arrivés au pick-up, nous les avons hissés à l'arrière et les avons recouverts d'une bâche. Papa avait la respiration rauque, le visage toujours anormalement pâle, alors quand il m'a dit qu'il ne se sentait pas très bien et qu'il valait peut-être mieux qu'il ne conduise pas, ça ne m'a pas étonnée. C'était la première fois de ma vie que j'entendais un adulte dire une chose pareille mais bizarrement ça ne m'a pas étonnée et quand papa m'a donné la clé, j'ai aimé son contact dans ma main.
Nous sommes montés dans le pick-up .Papa côté passager, en pressant son poing contre sa poitrine; moi côté conducteur, derrière le grand volant. J'étais à peine assez grande pour voir par-dessus le volant et le capot. Je n'avais encore jamais conduit aucun véhicule mais je les avais observés, lui et elle, pendant des années. Alors je savais comment faire.
Joyce Carol Oates 
Thanksgiving-(extraits)

En suivant avec une très grande émotion le monologue intérieur de cette adolescente qui, l'espace d'un soir, voyage du monde rêvé des enfants au monde bien trop réel  et implacable des adultes, j'ai  d'abord songé, à l'évidence, qu'un grand écrivain peut absolument tout se permettre pourvu qu'il soit capable de créer l'indispensable émotion. Puis, mon imagination m'a mené vers cette période maudite de la grande dépression. J'ai rencontré ces hommes, ces femmes et ces enfants. J'ai vu leurs baraques branlantes, leurs vêtements en loques. J'ai remarqué dans leurs regards cette détresse, bien sur , mais aussi cette fierté cachée.
Si, pour moi, le personnage principal de cette histoire ne peut être qu'une petite fille de la grande dépression, elle a également le visage d'une adolescente déjà femme photographiée par Dorothéa Lange.
Julius Marx















jeudi 5 juillet 2012

Joyce (suite II)



"Dépêche-toi! Qu'attends-tu! On a pas toute la nuit!" Papa m'appelait, les mains en porte-voix, de l'autre bout de l'allée. J'ai rassemblé les boites de conserve de mon mieux, en les serrant contre ma poitrine, mais certaines sont tombées, j'ai dû me baisser pour les ramasser dans l'eau infecte.
"Bon Dieu, je t'ai dit de te dépêcher!" Il y avait dans la voix de papa une peur que je n'avais jamais entendue.
Grelottante, j'ai couru le rejoindre, jeté les boîtes dans le Caddie, et nous avons continué.
L'allée suivante était sombre et en partie barrée par des ficelles vaguement tendue en travers...
il y avait un trou béant dans le sol, à peu près de la taille d'un cheval adulte. Une partie du plafond manquait aussi : on voyait l'intérieur du toit, les poutrelles dénudées. Des gouttes d'eau couleur de rouille en tombaient, lourdes comme des plombs. Il y avait là des étagères assez bien fournies en détergents, liquide vaisselle, produits W.-C., bombes insecticides, pièges à fourmis. Une femme en anorak vert vacillait au bord du trou, tâchait d'attraper une boite de quelque chose dans le secteur condamné, mais elle n'avait pas le bras assez long et dut renoncer. J'espérais que papa ne m'obligerait pas à aller dans cette allée-là mais si, il tendait le doigt, il était résolu, "...Je pense qu'elle voudra des produits pour la vaisselle, pour la lessive: vas-y...", alors j'ai su que je n'avais pas le choix. Je me suis coulée comme j'ai pu le long du trou, un pied après l'autre, en essayant de me faire encore plus maigre que je n'étais. Je n'osais pas respirer, les gouttes couleur rouille me tombaient dans les cheveux, sur le visage et sur les mains. Ne regarde pas en bas. Surtout pas.
Je me suis penché le plus loin que j'ai pu, en allongeant le bras, les doigts, vers les boîtes de détergent.Il y avaient les normales, les économiques, les géantes et les super-géantes: j'ai pris une économique parce que c'était la plus proche et qu'elle n'était pas trop lourde. Mais c'était lourd quand même!
J'ai aussi réussi à attraper du liquide vaisselle, et je suis revenue vers papa qui était appuyé contre le chariot, la veste déboutonnée, une main pressée contre la poitrine. Je m'y suis mal prise pour déposer le détergent dans le Caddie, alors la boîte s'est fendue et une fine poudre argentée à l'odeur acide s'est répandue sur la laitue. Papa m'a injuriée et m'a frappée si fort sur le côté de la tête que mon oreille a teinté et que j'ai eu peur d'avoir le tympan crevé. Les larmes me sont montées aux yeux mais du diable si j'allais pleurer.
Je me suis essuyé le visage sur ma manche et j'ai murmuré: "Elle n'en a rien à faire de toutes ces merdes. Tu sais très bien ce qu'elle veut."
Papa m'a giflé de nouveau, sur la bouche, cette fois. J'ai titubé, un goût de sang sur la langue."C'est toi, la petite merdeuse" a-t-il dit, furieux.
Il a donné une violente poussée au chariot bancal, qui a bondi en avant sur trois roues; la quatrième était définitivement bloquée. Je me suis encore essuyé le visage, et je l'ai suivi en me disant que je n'avais pas le choix, maman comptait peut-être bien sur moi, après tout. A supposer qu'elle compte sur quelqu'un.
Ensuite venait le rayon des produits laitiers, où flottait une forte odeur de lait tourné et de beurre rance. Papa a regardé les flaques de lait sur le sol; sa bouche a remué, mais il n'a rien pu dire. J'ai retenu ma respiration et foncé prendre ce qui n'était pas gâté, ou en tout cas pas trop. Maman aurait besoin de lait, et aussi de crème, et de beurre, et de saindoux. Et d'oeufs ; nous n'élevions plus de poulets, une grippe aviaire les avait tous emportés l'hiver précédent, donc il nous fallait des oeufs, oui mais impossible de trouver une boîte de douze complète. Je me suis accroupie en respirant par à-coups, l'haleine fumante, pour examiner les oeufs, prendre les bons dans une boîte, ou en tout cas ceux qui en avaient l'air, et les mettre dans une autre. J'en voulais au moins douze, ce qui a pris du temps, et papa m'attendait à quelques mètres, si  nerveux que je l'entendais parler tout seul mais sans comprendre les mots.
J'espérais qu'il n'était pas en train de prier. Ca m'aurait écoeurée. A mon âge, on a pas envie d'entendre un adulte, et encore moins son père, ni sa mère, peut-être surtout pas sa mère, prier tout haut Dieu de les aider, parce qu'on sait, quand on entend ce genre de prière, qu'aucune aide ne viendra.




A suivre
Joyce Carol Oates 
Thanksgiving (extraits)

mercredi 4 juillet 2012

Joyce (suite)


Les portes automatiques ne marchaient pas, et il a fallu ouvrir à la main la porte marquée ENTREZ, ce qui n'a pas été facile. A l'intérieur, un air humide et froid nous a sauté au visage...
une odeur rappelant celle d'un réfrigérateur qui n'a pas été nettoyé depuis longtemps. J'ai réprimé une envie de vomir. Papa a reniflé avec précaution. "Ah, diable!" a-t-il murmuré de nouveau, comme si c'était une plaisanterie. Le fond du magasin était obscur mais il y avait des zones éclairées près de l'entrée où quelques personnes, presque toutes des femmes, poussaient leurs Caddies. Sur les huit caisses, seules deux étaient ouvertes. Le visage des caissières me disait quelque chose, mais elles semblaient plus vieilles que dans mon souvenir, les lèvres pâles et l'air renfrogné.
"On y va! a dit papa avec un grand sourire forcé, en dégageant un Caddie d'un enchevêtrement de chariots. Nous allons faire ça en un temps record.
L'une des roues du Caddie se bloquait tous les deux ou trois tours, mais papa l'a propulsé avec impatience en direction  de la partie du magasin la plus brillamment éclairée, qui se trouva être le rayon des produits frais, par lequel maman commençait toujours ses achats.
Mais comme il avait changé ! La plupart des bacs et des présentoirs étaient vides, et certains étaient cassés; les allées étaient en partie obstruées mais des amas de déchets avariés et des caisses en contreplaqué. Il y avait des flaques sur le sol. Des mouches bourdonnaient mollement. Un homme rougeaud en uniforme blanc tâché avec, sur la tête, un joli feutre rond qui déclarait, en lettres rouges, SUPER SOLDES POUR LES FÊTES ! sortait des pommes de laitue d'une caisse et les jetait dans un bac avec tant de je-m'en-foutisme que certaines tombaient sur le sol crasseux à ses pieds.
Papa a poussé notre Caddie bancal vers lui et lui a demandé ce qui s'était passé dans le magasin: un incendie?.... mais l'homme a juste souris sans le regarder, un petit sourire irrité."Non monsieur, a-t-il dit, en secouant la tête. Les affaires continuent!"
Rembarré, papa a poussé le Caddie plus loin, le visage tout rouge. Il n'y a rien qu'un homme déteste plus que d'être traité impoliment en présence d'un de ses enfants.
Papa m'a demandé pour combien de personnes maman ferait la cuisine à Thanksgiving et, tous les deux, nous avons essayé de compter. Huit? Onze? Quinze? Je me souvenais, ou croyais me souvenir, que la soeur aînée de maman devait venir avec sa famille cette année-là (un mari, cinq enfants), mais papa a dit que non, ils n'étaient pas invités. Papa a dit qu'oncle Ryan se pointerait sûrement, comme tous les ans, mais je lui ai répondu que non, est-ce qu'il ne se rappelait pas, oncle Ryan était mort.
Papa a cligné des yeux, passé la main sur son menton râpeux et ri, le visage encore plus rouge."Bon Dieu.C'est pourtant vrai."
Comme le fond du rayon des produits frais était barré parce qu'une partie du sol s'était effondrée, nous avons dû faire demi-tour. Papa a injurié le chariot, qui se bloquait plus que jamais. Que fallait-il d'autre à maman? Vinaigre, farine,huile, sucre, sel ? Du pain pour la farce de la dinde? J'ai fermé les yeux en m'efforçant de voir notre cuisine, l'intérieur du réfrigérateur qui avait besoin d'être nettoyé, les étagères du placard où des fourmis courraient dans le noir. Est-ce qu'elles n'étaient pas vides, ou presque... il y avaient des jours que maman n'avait pas fait de courses. Mais les lumières tremblotantes de  l'A&P me déconcentraient. Ce bruit d'eau qui gouttait, tout près. Et papa qui me parlait d'une voix forte."...Cette allée? Rien? Il nous faut.." Sa respiration sortait par petites bouffées fumantes. Les yeux plissés, il scrutait la pénombre où des piles de cartons éventrés, pleins de boites et de paquets, bloquaient en partie le passage.
J'ai dit : "je ne veux pas", et papa m'a dit : "Maman compte sur toi, ma fille", et je me suis entendue  sangloter, un vilain bruit plein de colère:" c'est sur toi que maman compte." Mais il m'a poussée en avant  et je suis repartie en glissant, dérapant sur le sol où il y avait des flaques de cinq à sept centimètres de profondeur.
A suivre
Joyce Carol Oates 
Thanksgiving (extraits)

mardi 3 juillet 2012

Je peux vous appeler Joyce?


Papa a dit doucement :" Nous allons faire les courses pour ta mère, acheter la dinde et le reste. Tu sais qu'elle ne se sent pas très bien."
J'ai aussitôt demandé : "Qu'est-ce qu'elle a?"
Je pensai le savoir. Peut-être. Cela faisait déjà trois jours. Mais c'était la question que tout père aurait attendu d'une fille de treize ans.
Ma voix aussi était celle d'une fille de treize ans.
Un genre de voix fluette, traînante, sceptique.
Papa n'a pas eu l'air d'entendre. Il a remonté son pantalon, fait cliqueter les clés du pick-up comme le fait un homme qui aime le contact des clés, leur cliquetis sonore. "On va juste y aller. Ce sera une surprise. Et puis, ce sera fait" Il a compté sur ses doigts en souriant."Tanksgiving , c'est après-demain, jeudi. On va lui faire la surprise pour qu'elle puisse s'y prendre de bonne heure."Mais son regard avait quelque chose de vague, ses yeux gris galet se posaient sur moi sans presque me voir; comme si, debout devant lui, une fille maigre aux longues jambes, tout en coudes et en genoux, un chapelet de boutons granuleux comme du sable sur le front, je ne représentais pas davantage pour lui que la ligne des pins de Virginie, tout proches, ou le vieux revêtement d'asphalte beige, imitation brique, de notre maison.
Papa a hoché la tête d'un air sombre et satisfait.
"Oui. Elle verra."
Avec un soupir, il est monté dans le pick-up, côté conducteur, et je suis montée côté passager.
Le soir commençait juste a tomber lorsqu'il a mit le contact....
Nous étions sur la route, à présent, et papa avait le pied à fond sur l'accélérateur. Les pare-chocs de la vieille camionnette bringuebalaient. Et il y avait cette étrange vibration aiguë dans le tableau de bord comme un chant de grillon dont personne n'avait jamais réussi à trouver la cause.
Pendant un temps interminable les chiens nous ont suivis, Buck en tête, Foxy en deuxième, longues oreilles claquant au vent, langues pendantes comme s'il faisait chaud alors qu'on était en novembre et qu'il gelait presque.
Cela me faisait un effet bizarre d'entendre les chiens aboyer comme ça... fort et avec anxiété, comme s'ils pensaient que nous n'allions jamais revenir. J'avais envie de rire et de pleurer en même temps. Comme lorsqu'on vous chatouille au point que ça commence à être douloureux et que celui qui vous chatouille ne sait pas faire la différence.
Evidemment, à mon âge, on ne me chatouillait plus. Ca ne m'était plus arrivé depuis des années.
Papa disait,comme si j'avais soutenu le contraire :"Ta mère est une brave femme. Elle s'en sortira."
Je n'aimais pas ce genre de discours. A l'âge que j'avais, on a pas envie d'entendre des adultes vous parler d'autres adultes. Alors j'ai répondu par un genre de marmonnement impatient. Papa n'a pas entendu, de toute manière....il n'écoutait pas.
.... L'air était épais, comme chargé de fumée, et sentait le brûlé. Il ne restait du coucher de soleil embrasé qu'un mince croissant, très loin à l'ouest. La tombée rapide de la nuit me faisait encore grelotter davantage. Puis, l'A & P est enfin apparu mais... que s'était-il passé? L'odeur de fumée et de brûlé était plus forte, la façade du magasin toute noircie, et ses baies vitrées remplacées par endroit par des panneaux de contreplaqué. Les affiches qui annonçaient les offres spéciales BACON BANANES DINDE CANNEBERGE OEUFS CHATEAUBRIAND partaient en lambeaux et le bâtiment lui-même paraissait plus petit, moins haut, comme si le toit s'affaissait.Mais il y avait du mouvement à l'intérieur. Les lumières étaient allumées, vacillantes et pas très vives, mais elles étaient allumées et il y avait des gens à l'intérieur, en train de faire leurs courses.
Papa a sifflé entre ses dents : "Ah, diable." Mais il est entré dans le parking. "Nous allons le faire et nous en débarrasser."
A suivre
Joyce Carol Oates 
Thanksgiving  (Extraits)



lundi 2 juillet 2012

                                         Qui suis-je?

Suis-je peut-être poète?
Non pas, certes.
La plume de mon âme
n'écrit qu'un mot bien étrange
"folie".
Suis-je un peintre?
Pas davantage.
La palette de mon âme
n'a qu'une couleur :
"Mélancolie".
Un musicien, alors?
Pas même.
Sur le clavier de mon âme,
il n'y a qu'une seule note :
"nostalgie".
Qui suis-je... donc?
Devant mon coeur,
je mets une lentille grossissante
pour le faire voir aux gens.
Qui suis-je ?
Le saltimbanque de mon âme.

Aldo Palazzeschi