dimanche 24 janvier 2016

La vie anecdotique



Nous rentrons du centre-ville, après une petite soirée chez nos amis P. Autant dire que nous sortons du cratère du volcan. Nos oreilles bourdonnent encore. Cette nuit, ce ne sont pas les chiens ni la musique qui m’ont réveillé mais, une tronçonneuse, vers trois heures du matin !
Ici, le voyage est souvent une expédition. Nous devrions mettre deux heures pour rallier le quartier très européen de Maadi à notre résidence surveillée. Mieux vaut employer le conditionnel, parce que sous nos contrées, le temps ne se mesure évidemment pas. Les estimations sont donc stupides et inutiles. Mais, on a tout à fait le droit de s’amuser au petit jeu des pronostics. Si la police décide subitement de former un barrage à la sortie de la capitale, compter une bonne heure de plus.  Si nous avons la chance de nous faufiler entre deux accidents, s’il n’y a aucun match de football annoncé pour ce soir… Nous verrons bien. Dans tous les cas de figure, Dieu sera là pour nous donner un petit coup de main.
Notre mini-bus est plein à craquer. Pas besoin de musique, les sonneries des téléphones portables assurent l’ambiance. Derrière moi, une femme de ménage africaine tente d’expliquer à son correspondant qu’elle vient d’oublier son foulard de prière et son Ipad chez sa patronne.
 A l’entrée du corridor (une autoroute de huit voies fonçant droit sur le désert) une camionnette chargée de sac de ciment vient de perdre une partie de sa cargaison. Portière ouverte, le chauffeur fume en regardant défiler les voitures comme un badaud dans une fête foraine. Pendant ce temps-là, le gamin qui l’accompagne ramasse les sacs un à un, échoués à une cinquantaine de mètres de la camionnette. Bien entendu, le chauffeur pourrait faire une petite marche arrière pour soulager un peu son apprenti mais, souvenez-vous, le temps ne compte pas.
Demain, nous ne sortirons pas. La rue va célébrer la révolution de Janvier, bien entendu, mais aussi la fête de la police. Probablement une manifestation de cette dérision chère à Albert Cossery.

Je crois que ma voisine pourra finalement récupérer son foulard de prière et son Ipad. C'est bien. Tout rentre dans l'ordre.
Julius Marx

mercredi 13 janvier 2016

Enfants






Enfants?
Enfants de la guerre
enfants de la misère.
Enfants qui travaillent
ici,
sur le chantier du nouveau Gizeh
quand d'autres rient.
Enfant de quel âge?
Qu'importe,
leurs yeux nous répondent 
qu'ils sont déjà adultes.
Julius Marx

Photo : Roger-Violet (Paris 1956)
Illustration du livre Brouillard au Pont de Tolbiac
Léo Malet  (Fleuve Noir-1999)

vendredi 8 janvier 2016

Sacrée Ginette !


"Préparer de gros choux soufflés. Quand ils sont cuits et refroidis les ouvrir d'une fente transversale vers le sommet. Fourrer l'intérieur d'une crème pâtissière épaisse qu'on laisse un peu baver par la fente."
Ginette Mathiot
Je sais faire la pâtisserie (Edition 1966)
Dégoté par mon ami JM Pelosin , qui, manifestement, occupe son temps à lire des livres cochons pendant que sa douce moitié est au travail.

lundi 4 janvier 2016

Si j'étais à Paris



                        


Si j'étais à Paris,
j'aurais acheté un sapin de Noël
au Franprix du coin.
J'aurais ressorti la vieille boite
avec les boules et les guirlandes
et l'étoile en carton découpée par ma fille.
J'aurais probablement préparé
mon réveillon du 31 décembre
dans l'Urgence.
J'aurais regardé François à la télévision
pour prendre un cours
de comédie magistrale
avant de descendre dans le métro
pour aller place de l'Etoile
histoire de voir,
au moins une fois dans ma vie,
une réunion avec plus de flics
que de spectateurs.
A minuit,
j'aurais embrassé un barbu
de Cancale ou d'ailleurs
et une fille parfumée au Shalimar.
Le dimanche de l'épiphanie
j'aurais mangé une galette,
parce que tirer les rois
reste une expression populaire
délicieusement subversive.
Si j'étais à Paris
je me demanderai probablement
où aller?
Comme chaque matin.
Julius Marx

dimanche 3 janvier 2016

Sérénité




Enfin sur le site après trois heures de route dans le désert.
Une route longue, très longue
implacablement rectiligne
sans aucune folle intention.
Et puis, notre convoi,
démasquant les mirages
au hasard des dunes de pierres
recouvertes de sable blond.
Oui, enfin sur le site
Le site...
Abu Simbel.
 

Tout est quiétude et sérénité.
Les familles d'oiseaux migrateurs,
sagement alignées,
quadrillant le grand lac bleu.
Les quatre colosses dominant
les petits hommes pressés
d'en finir avec leur photo-souvenir.
 

Sur la jambe du grand Ramsès
ces graffitis inattendus,
et à ses pieds
ces femmes d'Afrique
qui dansent.
 


Le soir, enfin ,
lorsque toutes ces images
ne sont plus que souvenir,
le soleil qui meurt une fois encore.
 


Julius Marx
Abu-Simbel / Aswan
31 décembre 2015