mercredi 29 avril 2020

Le Polar Est Amour (36)



-C'est comme l'amour, dit-il. Le premier baiser est un enchantement, le second : une familiarité; le troisième: une habitude. Ensuite, on a plus qu'à déshabiller la fille.
-Ca vous déplaît tant que ça? lui demandai-je.
-C'est une émotion d'un autre ordre. Remarquez que je ne crache pas sur la bagatelle; c'est une chose nécessaire, mais il faut soigner la mise en scène. Pour que ça reste fascinant, c'est tout un art.
Raymond Chandler
The long Good-Bye
(Sur un Air de Navaja)
Série Noire N°221

lundi 27 avril 2020

Lecture de la Bible




Bien, ce confinement, très bien même. Aucun moyen de se procurer de livres nouveaux alors, que pouvons-nous faire? Relire la Bible,évidemment. Notre Bible à nous, notre Recherche, c'est la Moisson Rouge de Hammett. La Moisson, où nous trouvons dès les premières pages avec l'explication de Bill Quint (dit le Rouge) la description parfaite de ce qu'est devenu notre monde dit civilisé. Un monde parfait qui s'écroule devant nos yeux ébahis parce qu'un attardé a dégusté, un beau jour, un bon petit pangolin. Un livre Saint  lut et partagé par de nombreux apôtres qui, au fil des chapitres, ne cesse de poser les bonnes questions. Montons en chaire pour clamer haut et fort que "qui n'a pas lu cette bible n'est pas digne de porter la parole ne notre genre préféré."
Amen.

lundi 20 avril 2020

Confinement (35)






(Traduction de crise)

Encore une putain de journée
a boire dans la cuisine
et plus tard, quand la nuit tombe
être toujours dans la cuisine.
Rien qu'une putain de journée
A nourrir les gosses et les chats.
Plus tard, regarder Netflix
et dormir.
Rien qu'une putain de journée.
Je la passe avec toi
toujours pas le choix
Une journée si banale
j'en pleurerai.
Je m'rappelle  de nos Week-end
C'était poilant.
Rien qu'une putain de journée
Je la passe avec toi
toujours pas le choix.
Pas de danger que je devienne
quelqu'un d'autre
Tu ne me laisses jamais seul
Tu ne me laisses jamais seul
hélas.
Sûr qu'on ne va pas tarder à récolter
ce qu'on a semé.


mardi 14 avril 2020

Confinement (28)



A la seconde : ville morte

Du Montana juste quelques mots avant d'aller en ville: il faut bien qu'il y ait quelqu'un pour aller en ville aujourd'hui. Parce que si tout le monde restait chez soi, la ville serait vide. Parce qu'alors il n'y aurait pas de voitures et les rues seraient désertes; les magasins eux seraient tous hantés-absence de tout un chacun par un mercredi de non-vacances. La chose pourrait même faire la une du bulletin de six heures. 
On en ferait plaisanterie pour faire rire les gens:
"Aujourd'hui, à Livingston, Etat du Montana, population sept mille habitants, tout le monde a décidé de rester chez soi: depuis vingt-quatre heures Livingston est une ville morte. Aucune raison officielle n'a encore été donnée à un événement qui pour l'instant reste unique en son genre. Contacté en fin d'après-midi par la chaine de télévision ABC, le maire de la ville s'est refusé à tout commentaire: que le Montana soit le dernier avant-poste avant l'inconnu, voilà ce que nous pouvons maintenant déclarer sans risque d'erreur."
Et sur le visage du speaker s'ancre un large sourire de speaker : aussi large que l'ancre du Titanic en train de couler à pic.
Sauf qu'ici personne n'a envie de ça: il faut absolument que j'aille en ville et là, bien haut me fasse voir. J'espère que nombreux seront ceux qui suivront mon exemple. Parce que non, je n'ai aucune envie d'aider par mon absence à ce qu'une seconde la ville ne soit plus qu'un fantôme.

Richard Brautigan
Tokyo-montana express

vendredi 10 avril 2020

Confinement (25)



Au fond de son âme, cependant, elle attendait un évènement. Comme les matelots en détresse, elle promenait sur la solitude de sa vie des yeux désespérés, cherchant au loin quelque voile blanche dans les brumes de l'horizon. Elle ne savait pas quel serait ce hasard, le vent qui le pousserait jusqu'à elle, vers quel rivage il la mènerait, s'il était chaloupe ou vaisseau à trois ponts, chargé d'angoisses ou  pleins de félicités jusqu'aux sabords. Mais, chaque matin à son réveil, elle l'espérait pour la journée, et elle écoutait tous les bruits, se levait en sursaut, s'étonnait qu'il ne vînt pas, puis au coucher du soleil, toujours plus triste, désirait être au lendemain.

Gustave Flaubert
Madame Bovary

mercredi 8 avril 2020

Confinement (23)




Il faut, pour soutenir une conversation en société, savoir une foule de choses inutiles. Il faut se tenir au courant. Je ne sais pas courir. Reste donc chez toi.
Jules Renard 
Journal

dimanche 5 avril 2020

Confinement (20)





Pendant mes jours de liberté je reste allongé sur mon lit, plein de chagrin à cause de ma maîtresse, et j’examine mes quatre petits murs, couverts par mon œil trop vif des visages de mes ancêtres, dans la peinture, le plâtre et la maçonnerie. Je vois la monotonie du sang et des cauchemars, et j’écoute la pluie crépiter, sinistre, par la gouttière.
Notre église, le lieu de sépulture de mes parents, est à vendre et elle est étayée par des poutres. Lors de mes visites je sens les morts qui attendent dans les hautes roncières derrière les tombes. Par la suite je rêve d’eux : ils sont gris et me désignent du doigt sous la pluie implacable et me supplient d’agir pour eux. Comme j’en suis incapable, ils se détournent sans espoir et disparaissent de nouveau dans la haie, ratatinés dans des imperméables militaires pourris.
Et comment rendrons-nous compte aux autres de notre propre perte, de notre propre peine, une fois que nous aurons quitté la vie pour rejoindre un père mort auprès d’un feu mort dans l’obscurité d’un pays qui s’en est allé ?
Robin Cook
How the dead live
(Comment vivent les morts)