dimanche 9 octobre 2022

La plus belle vie du monde

 



Ah ! ces intérêts commerciaux, qui souillent la plus belle vie du monde! Pourquoi faut-il que la mer serve au commerce- et aussi à la guerre? Pourquoi y tuer et y faire  des affaires dans des buts égoïstes, d'une importance minime, tout compte fait? Ce serait tellement mieux de naviguer en relâchant de temps en temps dans un port pour se dégourdir les jambes sur la terre ferme, acheter quelques livres et changer de nourriture pendant quelques jours. Mais  puisque nous vivons dans un univers plus ou moins sanguinaire et outrageusement mercantile, mon devoir indiscutable était de tirer le meilleur parti possible des occasions qui se présentaient.

Joseph Conrad

Un sourire de la fortune

jeudi 6 octobre 2022

Plan de situation

 






Il ouvrit  la porte et me fit entrer. L'endroit n'était qu'un restaurant tout ce qu'il y avait d'ordinaire, en formica et acier inoxydable, avec un long comptoir sur notre gauche, des boxes à droite et d'autres tables au fond. Quatre adolescents, dans un box proche de l'entrée, mangeaient des frites avec leurs doigts dans une assiette commune. Plus loin, une femme aux cheveux gris, avec des bagues à tous les doigts, lisait un livre dont la couverture en plastique indiquait qu'il provenait d'une bibliothèque de prêt.

L'homme qui se tenait derrière le comptoir était grand, gras et complètement chauve. La sueur formait des gouttes sur son front et avait transpercé sa chemise. Il ne faisait pas tellement chaud parce que l'appareil de conditionnement d'air fonctionnait à toute allure. Il y avait deux consommateurs, au comptoir, un homme aux épaules tombantes, vêtu d'une chemise à manches courtes blanche  et qui évoquait un comptable raté, et une fille robuste, avec de grosses jambes et une mauvaise peau. Au bout du comptoir, la serveuse faisait une pause cigarette.

Lawrence Block

When The  Sacred Ginmill Closes

(Le Blues des Alcoolos)

Série Noire n°2106