lundi 24 juillet 2017

Le Polar Est Amour (30)







-Bêê-naaard ? reprit-elle. Parfois, je fume après l’amour.
-Ca ne m’étonne pas, lui répondis-je. Oh, tu voulais dire…une cigarette ?
-Oui.Ca te gêne ?
-Non, bien sûr que non.
-Elles sont dans le tiroir de la table de nuit. Ca ne t’ennuierait pas de me les passer ?
Je lui tendis un paquet de Camel sans filtre à moitié plein. Elle en mit une entre ses lèvres et me laissa craquer une allumette pour la lui allumer. Elle tira dessus comme si sa vie en dépendait, puis ourla les lèvres et rejeta la fumée telle Bacall montrant à Bogart comment siffler.
-Bien sûr une cigarette ! me lança-t-elle soudain. Qu’est-ce que je pourrais fumer d’autre, Un hareng ?
-Non, sans doute pas, acquiesçai-je.
-C’est pour adoucir la tristesse, précisa-t-elle. Te dirai-je quelque chose ? Je voulais faire l’amour avec toi le premier soir, Bêêr-naaard. Mais je savais que ça me rendrait triste.
-Je ne suis donc pas si bon que ça ?
-Comment peux-tu dire une chose pareille ? Tu es un amant merveilleux. C’est pour ça que tu me brises le cœur.
-Je ne comprends pas.
-Regarde-moi Bêêr-naaard.
-Tu pleures.
Je tendis la main pour essuyer une larme au coin de son œil. Une nouvelle l’y remplaça promptement.
-Il est inutile de les essuyer, me dit-elle. Il en vient toujours d’autres.

Lawrence Block
The burglar who Thought he was Bogart
(Le Bogart de la cambriole)
Photo : Bogart/ Bacall (to have and to have not)