samedi 30 juin 2012

Joyce Carol Oates


Tout ceci débute lentement, presque gentiment; avec des amours de jeunesse, des territoires interdits et des maisons hantés.
Et puis, au fil des seize histoires, les enfants grandissent. Les adultes se prennent alors à rêver à une belle histoire d'amour, une vie familiale sans aucune tâche de naissance. Mais, bien entendu, on n'échappe pas à l'implacable destin. Comme l'écrivait déjà Edgar Pöe : "des hommes meurent avec le désespoir dans le coeur et des convulsions dans le gosier à cause de l'horreur des mystères qui ne veulent pas être révélés ".
Edgar Pöe  encore que l'auteur cite dans une post-face magnifique où elle s'interroge sur l'origine et la définition de ce qu'elle nomme le grotesque.
Mais, qu'importe, aujourd'hui admettons que ce grotesque trouve largement sa place au sein du genre noir psychologique à côté d'une autre femme comme Margaret Millar.
Dans toutes ces histoires c'est bien ce qui est caché qui nous préoccupe et qui finit par nous hanter.
Une autre grande dame écrivait aussi ceci :" j'aimerais que les mots que vous avez prononcés puissent apaiser la tristesse de mon coeur. Et il en irait ainsi dans un Univers un peu plus simple que le nôtre... Mais il y a ...Il y a comme un noeud dans ce monde, quelque chose que nous ne comprendrons jamais." (Anna Maria Ortese).
Si le contenu s'inspire de la vie et de sa banalité magique, l'écriture nous bouscule sans ménagement. Ainsi , nous pouvons lire des qualificatifs comme" agent responsable" pour présenter une femme seule avec son enfant, ou ceci encore pour parler d'un couple: "il avait une pointe de regret que leur vie se fût scindée en vies."
Comme chez tous les grands écrivains, il n'est pas rare de poser le livre  sur le côté, de soupirer légèrement et de se mettre à réfléchir longuement à la phrase parfaite que l'on vient de lire.
Lisez encore ceci et soupirez autant que vous voulez, sur ce blog , vous êtes totalement libres .
"Les journées étaient des objets extérieurs. Elle s'en débrouillait avec adresse parce ce qu'elles n'étaient pas entièrement réelles...
Cette journée, qui était le dernier vendredi du mois, passa par vagues irrégulières, comme une flottille de nuages. Comme des nuages d'avril menaçants, gonflés et plissés par la pensée. Comme une procession de cerveaux à demi ivres. La femme s'efforça de se concentrer sur son travail car après tout c'était sa vie publique, sa vie extérieure, une vie ayant autant de valeur que n'importe quelle autre dans la société de consommation capitaliste où elle s'était retrouvée mener son existence, alors que le siècle lui-même, déclinant et épuisé, s'acheminait vers sa fin, sans doute pas l'apocalypse flamboyante à laquelle sa génération avait prétendu croire, mais, oui, assurément, une fin, un terme, et un "nouveau" siècle à venir sur le calendrier, qui enterrerait le nôtre avec l'impatience de tout ce qui est nouveau, jeune, vigoureux et affamé."
En entrant dans la maison Oates, préparez vous à oublier illico tout ce qui cherche vainement à s'appeler littérature.
Julius

Joyce Carol Oates
"Haunted tales of the grotesque" (Hantises)
(Le Livre de Poche)

mardi 26 juin 2012

Journal d'un idiot (6)



Samedi
C'est mon week-end drague. Après tout ce boulot pour la campagne des législatives, j'ai bien le droit de me distraire un peu.
Tu veux connaître mes secrets? Bon. D'accord. Tu es terrible, petit journal, je ne peux rien te refuser.
Dans un premier temps, je me brosse les dents avec le nouveau dentifrice Max-White pour un sourire éclatant de blancheur (ça compte). Un poète a dit , je crois, quelque chose comme "le sourire c'est la porte d'entrée de l'âme". Ensuite, une bonne douche. La mousse du savon Sanex protection intense pour peaux sensibles (c'est scientifiquement prouvé) c'est la meilleure façon de conserver ma peau de bébé. Enfin, pour terminer le traitement, une dose de shampoing Franck Provost  pour un résultat de professionnel comme dans un salon!
Avant de sortir, ne pas oublier le yaourt Activia au Bifidus-Régularis  (saveur vanille de Madagascar), pour  réguler le transit (on ne sait jamais).
Question fringues, j'adopte le look looser-chic de Johnny Deep.
Je suis prêt. Allons-y, Casanova !
Mon terrain de chasse, c'est le magasin culturel de la Fnac (rayon variétés françaises).
Le prédateur rôde... Attention mesdemoiselles...Le loup est dans la Steppe !!
Ma cible préférée, les petites poulettes qui achètent les disques de la grande Dalida.
Ces filles- là  sont obligatoirement sensibles romantiques comme des cordes de violons (çà aussi, c'est scientifiquement prouvé).
Quelques minutes seulement à patienter, et en voilà une  qui se présente ! Elle achète le coffret spécial. Tous les grands succès de la star remastérisés par le talentueux Orlando.Très bon choix. Par contre, côté vêtements, il lui restait pas mal de travail à faire. Sa robe ressemblait à un gros sac de patates et ses cheveux (des mèches noires et blanches) me faisaient un peu peur, je décidais pourtant de l'aborder avec ma phrase favorite.
-Alors, mademoiselle, on se promène toute seule, dans la grande ville, pas besoin d'un guide?
Elle s'est retourné et j'ai découvert son visage. Malheur ! Un homme ! Et avec un piercing dans la lèvre, en plus.
Je bredouillai "excusez-moi, je vous ai pris pour quelqu'un d'autre". Le type m'a fixé comme s'il découvrait une crotte de chien sur la semelle de sa botte.
-Va te  pendre, connard ! Qu'il me crie.
Inutile de te dire que j'ai filé en quatrième vitesse.

Dimanche
Farniente à la maison. Pour me remettre de mes émotions, je regarde "Vivement Dimanche".
Une émission complète, spéciale Belgique et Tour de France.  Bravo !Enfin, des sujets intéressants et enrichissants, et tout çà sur une chaîne de gauchistes; Michel a vraiment du courage. Moi, j'adore les belges, ils me font toujours rire. C'est vrai qu'ils sont un peu bêta mais, on leur pardonne! L'année dernière, j'ai passé une semaine chez eux. J'ai visité la place avec le petit bonhomme qui fait pipi et puis, Liège et Amsterdam.Ils devraient faire au moins faire un petit effort pour parler français bien. Côté vélo, j'admire vraiment ces hommes qui font autant de kilomètres sur une selle si étroite qui leur rentre dans la raie des fesses.Cette année, je vais suivre les coureurs à la télé, sur mon vélo d'appartement.
Penser à acheter un cuissard.

Lundi
En me rasant avec la mousse spéciale "pour nous, les hommes", j'écoute la radio.
Election en Egypte, Emeutes en Grèce, poussée de l'extrême-droite en Europe, Nadine qui pleure,  Roseline qui préfère François et Vanessa qui quitte Johnny.
A midi, à la cantine, plus de cappuccino con latte.
Où va le monde? 



lundi 25 juin 2012

Patron, deux petits noirs !



Profitons des 40 degrés ambiants pour nous allonger

Savourons ces deux petits polars.

Tout d'abord le dénommé Pouy, jean-Bernard

avec sa verve, son tranchant.

H4Blues est écrit par un musicien

Sur son clavier, il n'y a qu'une seule note :

"Nostalgie".

L'homme porte une drôle de paire de lunettes

Ce sont des lentilles grossissantes

Pour mieux nous faire voir les gens

Sans aucun doute.

Dans notre genre,

Soit on fonce, soit on musarde

Dans le cas précis, on se balade

De troquets en troquets

On se prend pour Marlowe

Juste pour trois jours.

On picole à peu près tout ce qui peut se boire

On pense à la fille du dirlo

A tous les potes disparus

En laissant leur adresse

Et puis, on meurt

Un vol plané dans la métaphore

En criant,

"Mort au cons, Mort au capital

Vive le monde d'avant !"




Et puis, il y a le Jonquet

Une bête, une belle...

Une forêt profonde, un palais merveilleux.

Mais, H- A- L- T- E !!!

La belle cotise à la Sécu

Et la Bête ferait bien de s'inscrire à la SPA,

Nous voila prévenus.

Tout est môOOOOOche

Sale, très sale..

Le fait divers du dimanche soir

Un vrai bulletin d'entre-deux tours

Sanguin, porcin, malsain.

Les deux Zéros, on les garde-à-vue

Loin, très loin de nous

Because l'odeur.

Alors, avant de descendre sa poubelle

De croiser la bilboque

Ou le baveux du Rez-de chaussée

On pense à Siniac

Et on crie, encore une fois

Merde, de merde, monde pourri.


Julius Marx

Jean-Bernard Pouy ( H4Blues- Folio Policier 367)

Thierry Jonquet (La Bête et la Belle-Folio Policier 106)

jeudi 21 juin 2012

Manifeste



Le genre humain a été doté par la nature de tout ce qui est nécessaire pour percevoir, observer, comparer et distinguer les choses. Pour ces opérations, s'offrent à lui non seulement le présent immédiat et la possibilité d'utiliser ses propres expériences, mais sont aussi à sa disposition les expériences des époques antérieures et les observations d'hommes sagaces et subtils, qui, du moins très souvent, ont vu juste.
Grâce à ces expériences et observations, il est entendu depuis longtemps qu'il existe des lois naturelles selon lesquelles l'homme- quelles que soient la société dans laquelle il vit et la constitution qui régit cette société- doit vivre et agir pour être heureux au sein de son espèce.
Grâce à elles, tout ce qui est utile ou nuisible pour l'ensemble de l'espèce à toutes les époques et dans toutes les circonstances est irréfutablement établi; les règles dont l'application nous met à l'abri des erreurs et des sophismes sont connues; nous pouvons savoir avec une rassurante certitude ce qui est beau ou laid, juste ou injuste, bon ou mauvais, pourquoi il en est ainsi; on ne peut concevoir aucune espèce de sottise, de vice et de malice dont l'ineptie ou le caractère néfaste n'aient pas été démontrés depuis longtemps aussi rigoureusement qu'un théorème d'Euclide: Et pourtant! Nonobstant cela, les hommes tournent depuis des milliers d'années dans le même cercle de sottises, d'erreurs et d'abus, ni leur propres expériences ni celles des autres ne les ont rendus plus sensés; et dans le meilleur des cas un individu peut devenir plus spirituel, plus sagace, plus savant, mais jamais plus sage.
C'est que les hommes pérorent d'ordinaire sans tenir compte des lois de la raison. Au contraire: communément et congénitalement ils raisonnent de la façon suivante: conclure du particulier au général, déduire des faits perçus de façon fugace ou partielle des conclusions erronées, et confondre à tout instant les mots avec les concepts et les concepts avec les choses.
Dans les occurrences les plus importantes de la vie, la plupart d'entre eux -999 sur 1000, selon l'estimation la plus équitable- font reposer leur jugement sur les premières impressions de leur sens, leurs préjugés, passions, lubies, caprices, humeurs, combinaisons fortuites de mots et de représentation dans leur cerveau, apparentes ressemblances et suggestions secrètes de l'amour-propre, qui font qu'ils prennent à chaque instant leur bidet pour un cheval, et le cheval d'autrui pour un bidet. Parmi lesdits 999, il y en a au moins 900 qui pour ce faire n'utilisent même pas leurs propres organes, préférant au contraire, par une fainéantise incompréhensible, voir faussement avec les yeux d'autrui, mal entendre avec les oreilles d'autrui, se laisser tourner en ridicule par la déraison d'autrui, au lieu d'accomplir cela au moins de leur propre chef. Sans même parler de la part considérable de ces 900 qui a pris l'habitude de discourir de mille choses importantes en se donnant de grands airs, sans savoir le moins du monde ce qu'ils disent ni se préoccuper un seul instant si ce qu'ils disent tient debout ou non.
Précisément quand il y va du bonheur ou du malheur de la vie entière, du bien-être ou de la misère de peuples entiers; et le plus souvent de l'intérêt supérieur de l'ensemble du genre humain-ce sont des passions et préjugés étrangers, c'est la pression ou la poussée d'un petit nombre de mains, la langue bien affilée d'un seul bavard, l'ardeur féroce d'un seul exalté, le zèle simulé d'un seul faux prophète, l'appel d'un seul téméraire ayant pris les devants- qui met en branle des milliers et centaines de milliers , un mouvement dont ils ne voient ni s'il est justifié ni quelles en seront les conséquences: de quel droit une espèce composée de créatures aussi déraisonnables peut-elle...?
(d'abord reprendre haleine).
Donc: Les faiseurs de grimaces, les charlatans, les saltimbanques, les joueurs de passe-passe, les entremetteurs, les écorcheurs et les spadassins se disséminèrent de par le monde;- les moutons tendirent leurs sottes têtes et se laissèrent tondre;- alors les sots dansèrent des cabrioles et firent des culbutes. Et les sages, lorsqu'ils le pouvaient, s'en allèrent et se firent ermites: l'histoire du monde in nuce, ad usum Delphini. 
Arno Schmidt (Miroirs noirs-C.Bourgois)

mercredi 20 juin 2012

Visite au musée





                       " L'apparition de la Vierge Marie" (Louis-Auguste Le Rance-21e siècle )
                                           Musée du Comtat Venaissin - Carpentras


Lorsqu'il peint cette oeuvre dans la seconde décennie des années 2000, Louis-Auguste Le Rance est encore un inconnu. Peintre autodidacte, que ses partenaires de comptoir du café de la Poste, où il se rend  chaque matin, surnomment amicalement le facteur sans cheval, le vieux Louis  est avant tout un précurseur.
Si cette allégorie ne rencontre pas immédiatement un grand succès auprès du public (seulement 20% des visiteurs du musée avouent faire un détour pour admirer la toile) l'oeuvre mérite cependant quelques explications.
Découvrons tout d'abord le sujet proprement dit du tableau : la Vierge Marie. Elle apparaît ici sous les traits d'une jeune fille blonde à forte poitrine. Remarquons également la blouse subtilement entrouverte pour nous laisser entrevoir la cuisse laiteuse et charnue de la belle.
Au-dessus d'elle, ce paysan du Comtat vêtu de peaux de bêtes, que le peintre a affublé lui aussi d'une crinière blonde, fait le geste de saisir l'apparition, mais, évidemment, on le devine, il ne pourra jamais empoigner la femme avec ses drôles de mains fourchues à quatre doigts.
Signalons également le décor au second plan. Ces fougères et autres rochers comme posés  là, sur un sol sec, presque lunaire, symbolisent le monde AVANT cette apparition. Depuis, on le sait si on a eu la chance de visiter l'endroit, la nature a su donner l'abondance à cette région.
Pour la petite histoire, sachez que le modèle de cette toile est probablement la petite-fille du vieux Roi Jean-Marie Ier que le peintre admirait pour son charisme, sa crinière blonde et sa faculté à postillonner à plus de trente pas.
Admirable témoignage des temps passés encore si présents aujourd'hui.
Rangez vos cahiers. Sortez en silence
Julius Marx


mardi 19 juin 2012

Histoires comme-ci, comme çà (16) Suite et Fin



Pour qualifier le studio où va se dérouler l'émission le premier mot qui vient tout de suite à l'esprit est cagibi. Le mobilier ne se compose que de cinq fauteuils et d'une table basse. Personne n'a jugé utile de décorer un peu les murs.Une demi-douzaine de projecteurs sont plantés entre les sièges ou fixés sur une rampe au plafond.
Lorsque nous entrons, les deux caméras sont braquées dans la direction d'une petite niche voisine où un présentateur distille quelques nouvelles du monde aux insomniaques avec une mine de circonstance.
La secrétaire de production nous annonce qu'ils nous reste encore vingt minutes avant le direct.
Pierre B a le nez dans ses fiches. Le grand type regarde autour de lui avec l'air d'un gamin attardé qui découvre la caverne d'Ali Baba.
Après un long silence, qui nous semble une éternité, les retardataires débarquent dans le studio.
Si on a la chance de faire partie de l'élite intellectuelle de la capitale, il est important de ne jamais se présenter à l'heure indiquée. Il faut également saluer le petit personnel aussi chaleureusement que votre tante du Loir et Cher, montrant avec ce geste symbolique que vous avez su rester humble malgré votre statu.
Les nouveaux arrivants sont: un journaliste de L'évènement du Jeudi (un canard gauchisant de l'époque) et le frère d'un présentateur vedette du J.T.
Le pigiste s'efforce de parler en laissant suffisamment traîner les mots pour nous donner le temps nécessaire d'apprécier sa prose. Le frangin reste les yeux levés au ciel, recherchant sa muse entre les projos 4 et 3.
Mais, dès la lumière rouge annonçant la prise d'antenne, les deux spécimens se métamorphosent.
Le journaliste arrange sa cravate et prend la position vaguement avachie, la main posée sur le dossier du fauteuil, qui sied à son rang. Son acolyte se décoiffe et ouvre largement les pans de sa chemise blanche.
La représentation débute avec le représentant de la noblesse. Pendant une bonne demie-heure, ces messieurs cherchent ensemble une bonne définition de l'aristocratie. La conversation entre personnes convenables et responsables ne s'égare jamais sur le terrain de la vulgarité. Je garde ma version de salopards-profiteurs pour moi. Pourtant, lorsque l'animateur du cercle me pose la question, il faut bien lui répondre quelque chose. J'opte pour une version soft de privilégiés-argentés.
L'échalas secoue la tête. Il considère ma réponse comme un cliché. Les deux laquais volent à son secours. Qu'importe!
C'est à nous !
La première question me fait basculer de mon siège :
-Sommes-nous les Paul Reboux de l'ère moderne?
Mince, j'aurais du réviser mes classiques. Qui est ce type?
Heureusement, les duetists sont lancés. Ils expliquent, argumentent et commentent.
Thèse, synthèse et antithèse.... faut-il vous l'emballer?
Nous voyant proches de sombrer dans un profond sommeil, le journaleux tente une approche fraternelle. Il annonce qu'il rêve d'être pastiché à son tour.
Pierre B en profite pour me demander quel titre je donnerais, là, tout de suite, à son vénéré journal si, un jour, je décidais de m'attaquer à l'hebdomadaire préféré des gauchistes culturés.
Je répond illico:
-L'Endormant du Jeudi.
Le courageux journaliste regrette aussitôt son geste diplomatique.
Pierre B sourit.
Fallait pas me chercher.

Julius Marx

Journal d'un idiot (5)



Vendredi
Avec Thierry Roland, c'est encore un grand intellectuel français qui s'en va. J'ai pleuré; presque autant que pour la mort de Michel Droit ou de Jean Lecanuet.
Heureusement, il a pu voir la belle victoire de la France sur les abominables Soviets.

Samedi
Regardé l'émission de Sébastien avec cette magnifique pléiade de grands chanteurs oubliés.
Pourtant, la vue des dentiers, des moumoutes et des appareils dentaires m'a fichu le bourdon.
Impossible de dormir et pas question de regarder Ruquier et sa bande de gauchistes.
Alors, j'ai voulu lire un livre de Giscard d'Estaing (cadeau de ma mère pour Noël).
Je me suis endormi au moment où la Reine d'Angleterre lui offre un chien.

Dimanche
C'est gagné !
C'est décidé, pour mes vacances, je choisis Carpentras. Merveilleuse petite ville de Provence qui sent l'ail, le thym et la farigoulette. J'ai déjà hâte de jouer aux boules avec ses gentils habitants à l'accent si particulier, devant le monument aux morts, à côté de la grande allée des platanes.
Sur cette allée, le dimanche matin, qu'il est doux de voir défiler les camionnettes de rudes agriculteurs venant charger leur lot de travailleurs immigrés pour assurer le travail de la vigne ou des champs.
Qu'on ne me parle pas de travail au noir, ils sont tous arabes!

Lundi
Notre nouveau ministre s'appelle Peillon ; c'est encourageant pour la suite.
Mon psy pense que mon humour peut me guérir de mes troubles schizo-affectifs.

Mardi
Conseil de classe. Le prof de français s'est moqué de ma chemise noire. Il m'a appelé Benito.
Qu'est-ce que c'est encore que ce Benito, un personnage de roman?
C'est toujours la même histoire avec les intellectuels, ils ne regardent jamais vers l'avenir, vers le concret. Le futur ne se bâtit pas avec des rêves mais avec des actes courageux venant d'hommes intègres.
Celle-là, je l'ai piqué à notre avocat-député.

lundi 18 juin 2012

Histoires comme-ci, comme çà (16)

Comment je suis entré dans la grande famille des gens du spectacle




Paris. 1988.
Je fais toujours partie de l'équipe du journal Le Monstre, mensuel parodique et satirique.
L'essentiel de notre boulot consiste à dégonfler un peu les principales baudruches de la presse nationale. Si la majorité de la corporation des journalistes trouve la prose de cette bande d'intrus se moquant ouvertement de leur canard plutôt sympathique (  même avec un léger rictus) ; c'est paradoxalement ceux qui sont sensés posséder le plus grand sens de l'humour et de la dérision (les membres de l'équipe du seul canard qui se prénomme comme tel) qui n'apprécient pas vraiment l'exercice.
Pour la plupart (ceux qui signent les articles avec leur propre nom) nous sommes des marginaux et entendons bien le rester.
Alors, ce soir là, quand le téléphone sonne dans les six mètres carrés de notre salle de rédaction et que notre correspondant nous invite au très sérieux talk-shaw de Monsieur Pierre Bouteiller pour le lendemain soir, nous croyons bien entendu à une blague.
Un appel dans les locaux de la toute nouvelle chaîne du PAF nous apprend pourtant que nous sommes bien, effectivement, c'est noté, les hôtes de M6.
-Sommes-nous disponibles. Disons, vers 22 heures ?
- Oui, mais. Au fait, de quoi, et de qui, parlerons-nous. Chopin, Georges Sand, Flaubert, les situationnistes?
-De vos parodies, seulement de vos parodies.
-22 heures, vous dites?
-Oui, dans nos locaux de la radio RTL.
Dès le lendemain matin, l'aspect tactique de notre intervention est ouvertement évoqué. Le petit-déj, un moment jusque là si calme et apaisant, devient plus animé qu'un débat électoral.
Une partie de l'équipe (l'aile gauche) prône le rentre-dedans. L'autre moitié (l'aile droite) demande du calme, de la modération. Certains membres isolés ( se situant ouvertement au-dessus des partis)  font référence aux derniers chiffres de vente en jetant leurs croissants, dépités.
En fin de soirée, alors que le demi-pression a remplacé le cappuccino,  nous parvenons enfin à un accord, rédigé en une dizaine de points. Je suis désigné, avec notre rédac-chef, pour aller au combat. Bien entendu, nous n'avons jamais lu la moindre ligne de ce document a qui que se soit.
Nous prenons le métro pour nous rendre dans les beaux quartiers de la capitale. Au dos de notre carte orange, nous avons glissé notre belle carte de journaliste barrée des trois couleurs du drapeau national.
A l'entrée du studio, une jolie secrétaire nous attend, son petit cahier à spirale en mains.
-Vous êtes de l'équipe du journal Jalons ?
-Non, nous c'est Le Monstre.
La petite a l'air plutôt déçue. Puis, elle évacue le mauvais stress en mordillant le bout de son crayon à papier.
-Pas de problème, on va faire avec..
-Avec qui ?
Mais, le maître de cérémonie arrive. On se sert la main. Il lance un regard appuyé vers la secrétaire.
-Qu'est-ce qui se passe ?
- Il semble que... bon, enfin, ils ne sont pas de Jalons.
Il se tourne vers nous, souriant.
-Alors, vous n'avez pas sorti de pastiche du Monde?
Je file un coup de coude à la rédac-chef. Elle sursaute, puis, fait un pas en avant, notre journal en main.
-Si. Le nôtre, c'est celui-ci.
Regard appuyé.
-Oui, c'est celui que j'ai lu.
Nos soupirs de soulagement s'entendent probablement dans le studio voisin.
La voix si particulière de Pierre B, nous réconforte.
-Alors, il n'y a pas de problème?
-Non, non, aucun...
La secrétaire s'interpose..
-Allez, passez au maquillage.
(A suivre)
Julius Marx

vendredi 15 juin 2012

Alors, comment ça va, là-bas, en Tunisie?




Avec la spectaculaire chute des ventes de mousse à raser, l'instauration d'un couvre-feu dans la grande ville toute proche alimente beaucoup de conversations.
Dès 8 heures, les cercles de réflexion se forment. Chez la libraire, un groupe de trois femmes parle. Les voix sont douces, les mots à peine lâchés s'envolent en silence vers les piles de classeurs à spirales, les cahiers d'écoliers ou les  bibelots estampillés made in China.
Dès notre entrée, la conversation s'arrête, comme au temps de ce bon vieux B.A.
La buraliste est assise sur un gros carton et s'évente avec le journal du jour.
-Tu veux ton journal télé? Impossible, c'est la grève.
-Eux aussi ?
-Eh oui, la grève monsieur, toujours la grève!
La plus intrépide des trois femmes s'avance vers nous et lance :
-A l'école aussi !
-Comment, le lycée ?
-Oui, ils veulent le treizième mois!
L'autre lève les yeux au ciel et joint ses deux mains à hauteur de visage.
-Une année de treize mois ! Tu te rends compte..
La buraliste se lance dans une diatribe dans sa langue maternelle. Ses copines hochent la tête. Nous faisons de même. Si nous ne comprenons que quelques mots de son discours, ses yeux qui roulent dans leurs orbites, les grincements de dents et les profonds soupirs des autres nous suffisent largement pour deviner l'idée générale. Le pays va à vau-l'eau. Et puis, ceux qui brûlent les postes de police et les écoles, même celles réservées aux artistes, ne sont que des bandits.
Nous sortons de cette maison du peuple en distribuant des encouragements.
Sur le chemin du retour, nous parlons peinture, politique et manipulation.
Nous tentons de répondre à tant de questions en si peu de temps qu'une lassitude s'installe.
Devant la maison, notre propriétaire est occupé à tronçonner un vieux palmier.
Après un petit cours accéléré sur la palme, il nous parle de cet hôtel de la région Ain-Dram, saccagé pour avoir vendu de l'alcool.
Allons-bon, lui aussi.
Julius Marx



mardi 12 juin 2012

Histoires comme-ci, comme çà (15)

Comment je suis devenu plus vieux en une nuit



Quelque part en Tunisie.  12 Juin 2012.
Hier soir, avant de dormir, bercé par la douce musique des chiens attachés sur les terrasses des maisons, des lazzis et des chants poussés par les invités du mariage d'un voisin, j'ai lu ceci:
"Il y a bien longtemps, à l'époque où j'écrivais pour la presse populaire, j'ai mis quelque chose comme ça dans une histoire : "Il sortit de la voiture et il traversa le trottoir inondé de soleil, jusqu'au store au-dessus de l'entrée. L'ombre lui tomba sur la figure comme un jet d'eau froide".
Bon, ils ont coupé ça quand ils ont publié l'histoire. Les lecteurs n'aimaient pas ce genre de truc.
Ca ralentissait l'action. Alors j'ai voulu prouver le contraire. Ma théorie, c'était que les lecteurs croyaient seulement ne se soucier que de l'action; en fait, mais ils ne le savaient pas, ce qu'ils aimaient et moi aussi, c'était la création d'une émotion par le dialogue et la description. Ce qui en restait et qui les hantait, ce n'était pas par exemple qu'un homme se fasse tuer, mais qu'au moment de sa mort, il ait été en train de ramasser un trombone sur la surface polie d'un bureau, sans y parvenir parce que ça glissait, si bien que son visage avait une expression de tension et que sa bouche était entrouverte dans un rictus, et la mort était la dernière chose au monde à laquelle il songeât. Il ne l'avait même pas entendue qui frappait à la porte. Ce foutu petit trombone continuait à lui glisser entre les doigts et simplement il ne voulait pas le pousser jusqu'au bord du bureau pour l'attraper avant qu'il ne tombe."
Le trombone, j'en ai rêvé une bonne partie de la nuit. J'ai fini par l'attraper et puis, je l'ai avalé.
A six ou sept ans, je me souviens avoir avalé un trombone. J'ai tout de suite couru pleurer dans le tablier de ma mère en criant :
-J'ai avalé un truc!
Ma mère à laissé tomber sa blanquette, a ouvert de grands yeux, et m'a demandé.
-Quel truc ?
Je n'en savais rien. Un truc, c'est tout. Et alors, qu'est-ce que ça changeait? Je venais d'avaler un objet non identifié. la seule chose dont j'étais sûr c'est que la place de  ce truc-chose n'était pas dans ma gorge. Qu'importe le nom que les adultes pouvaient lui donner. J'ai essayé de le décrire mais mes précisions manquaient cruellement de pertinence.
Heureusement, l'homme de la maison est arrivé. Il a vite réglé le problème en  m'attrapant par les pieds et en me secouant sans ménagement. L'objet diabolique est tombé sur le carrelage de la cuisine et ma mère a pu retourner à sa blanquette.
Depuis ce jour, je suis persuadé qu'un bon écrivain ne crée l'émotion que par le dialogue et une vraie description.
Ce matin, en ouvrant les yeux, j'ai tout de suite senti que quelque chose avait changé.
Dehors, c'était la routine. Le soleil commençait à s'occuper sérieusement de la façade est de la maison. Le vent de la mer n'était pas encore levé, les oiseaux débutaient leur récital.  Pourtant, j'étais sûr que quelque chose de terrible s'était produit. Peut-être pas un de ces évènements qui change irrémédiablement la face du monde. J'étais en bonne santé, ni heureux, ni malheureux.
Je me suis levé et, lorsque j'ai regardé par la fenêtre, une soudaine émotion s'est emparée de moi.
J'ai été encore frappé par la beauté, le calme, de cet endroit.
Mais alors, qu'est-ce qui avait changé?
-Tu as seulement un an de plus, me dit ma douce moitié avant de m'embrasser. Pas de quoi en faire un drame.
J'ai pensé à une épitaphe lu quelque part : " il a dormi toute sa vie sous des toits étrangers, maintenant, il dort sous terre, comme un vieux roi."
Et puis, j'ai eu la soudaine envie d'avaler un trombone.
Julius Marx


-Le texte est une lettre de Raymond Chandler (Lettres-10/18-tome2)
-L'épitaphe de Raymond Carver ( La vitesse foudroyante du passé) 

vendredi 8 juin 2012

Journal d'un idiot (4)



Mardi
Excuse-moi de t'avoir fait faux-bond mon petit journal adoré. Mais, ces jours-ci le travail ne manque pas. Mes camarades et moi sommes sur le sentier de la guerre. Il faut coller les affiches, distribuer des tracts, parler du programme de notre candidat, bref; convaincre ces imbéciles de la populace.
Je rêve d'une nation bleu-marine du nord au sud et de l'est à l'ouest. C'est tellement excitant que j'en perd mes cheveux. Je n'ai plus une minute à moi.
Mon psy partage nos idées. Il pense que mon engagement peut guérir mon obnubilation légère à la torpeur.
Vivement dimanche !

Mercredi
Réunion autour de notre candidat au siège du mouvement. Il s'agit de trouver un slogan de campagne. Le temps presse.
M ( un adjudant chef à la retraite) propose de se servir du nom de notre protégé "Coron".
P ( avocat à la cour) pense que c'est une bonne idée. Mais, que peut-on faire rimer avec Coron?
S ( chômeur) s'adresse à moi :
-Toi, l'intellectuel, t'as pas une idée?
Je propose : "Tout est bon dans le Coron".
Le chef m'envoie lui acheter un paquet de cigarettes.

Jeudi
Par provocation, je suis allé au collège avec ma nouvelle chemise bleu-marine.
A la récréation, j'étais de permanence avec le prof de SVT. Il m'appelle Don Quichotte.
Quel calvaire d'être obligé de parler avec un type comme lui. Dire qu'il  se prend pour un intellectuel !
Avec un grand sourire, il a touché ma belle chemise et m'a fait remarquer qu'elle était fabriquée en Tunisie par des arabes.
A la cantine, le prof de français m'a trouvé très élégant. Il m'a demandé si j'étais invité à un bal en Autriche cette année?
Celui-la, je ne comprend jamais rien à ce qu'il me raconte; pourquoi l'Autriche et surtout, pourquoi un bal?
En fin de journée, le prof de sport  ( 100 kgs de muscles et 10 g de cervelle) me donne une tape sur la tête et me lance en rigolant :
-Alors, comment tu vas mon petit  20% ?
C'est humiliant mais, c'est probablement le prix à payer pour une révolution.

Vendredi
Une histoire drôle rien que pour toi, petit journal. Elle vient de Raymond (un collègue de la campagne).C'est une devinette.
"Pourquoi les arabes portent toujours des grosses lunettes?"
Parce qu'ils ont tous des doubles-foyers. C'est bon de rire un peu, non?
Je ne tiens plus en place. A cause du stress, j'ai de grosses plaques vertes qui apparaissent  sur mon corps. Heureusement, plus que 48 heures avant la délivrance. Sinon, je risque vite de ressembler à une tortue Ninja.



mercredi 6 juin 2012

La naissance d'un cinéma low-cost ?
à lire ici.

Histoires comme-ci, comme çà (14)

Comment je suis devenu un sniper




Toulon.1972.
Une horde sauvage de barbus-chevelus, hirsutes, se présente devant les portes de la caserne.
Le gardien sort de sa guérite et nous fixe avec un petit sourire narquois.
Plus tard, les gradés observent notre groupe de rebelles avec un autre sourire, plus carnassier, qui veut dire : on va vous dresser, bandes de gonzesses dégénérées.
Mais, ceux qui nous attendent avec encore plus d'impatience, ce sont les coiffeurs de la compagnie.
Rien que pour nous," les hippies", ils jurent sur leur Saint patron du cheveux de faire preuve d'un zèle inégalé. Ils promettent de transformer les jeunes loups en innocentes brebis en deux temps trois mouvements.
Mais, pour le moment, avant de passer au rasage intégral, dans la longue file  qui s'étire devant le salon de tortures, nous jouons à un petit jeu.
Nous nous faufilons derrière un petit rassemblement d'individus et nous allumons quelques foyers dans leurs touffes frisées. L'odeur les fait sursauter puis, ils courent jusqu'au robinet le plus proche.
Une simple observation de nos coutumes aurait  largement suffit aux autorités pour évaluer notre niveau intellectuel. Pourtant, on nous pousse vers la salle de classe pour une dictée.
Le sergent-chef se présente et débute sa lecture comme s'il prenait d'assaut la colline de Verdun.
Nous comprenons un mot sur deux. Dans un premier temps, il répète les phrases. Puis, il s'énerve assez vite.
-Vous vous foutez de ma gueule les bleus bites. Je pale pas bien le fançais ou quoi?
La moitié de la classe se marre.
-Je vais vous faie passé l'envie de igolé moi, bande de pédés!
Après trois ou quatre tours de la caserne au pas de course, le sergent-chef décide d'annuler l'épreuve dictée.
Le jour suivant, c'est l'épreuve de tir qui nous attend. Pour cela, il faut grimper le Mont Faron pour retrouver les cibles et les instructeurs.
J'ai la malchance de finir la journée dans les cinq premiers tireurs du classement.
La malchance, car il me faudra venir défendre les couleurs de la compagnie dans la compétition du dimanche matin. Pendant ce temps-là, ceux qui ont échoués, obtiendront leur première permission!
J'ai la tête ailleurs. Le résultat est à la mesure de ma concentration. Mon total lamentable nous fait perdre la tête du classement. Sur le chemin du retour, les gradés ne m'adressent pas la parole, les appelés nous plus.
Le soir, mes camarades de chambrée ( vous vous souvenez , les rebelles..) décident de me mettre en quarantaine pour me punir de ma mauvaise action.
Depuis ces temps mémorables, je réserve mon adresse au tir aux seules fêtes foraines. Le vin mousseux ou l'ours en peluche, qu'importe, la vie continue.
Julius Marx

lundi 4 juin 2012

Journal d'un idiot (3)




Samedi
Quelle soirée! Comme dit l'autre, ce soir-là, j'aurais mieux fait de me casser une jambe.
Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter l' invitation à dîner de mon proviseur ? J'avais pourtant juré de ne jamais mélanger le travail et les loisirs.
Quel repas ! Que des plats indiens épicés. Le pain remplacé par des petits trucs tout plats avec une  drôle d'odeur . Le riz avec des tas de petits morceaux de légumes ou je ne sais quoi dedans ! Enfin, un repas (si on peut appeler cela un repas) pas de chez nous.  Il n'y a pas assez de bons produits en France?
Mais le pire, c'était la conversation. Par galanterie, je me suis placé de moi-même à côté d'une femme attifée comme l'as de coeur. Les tempouras-machins à peine avalés, elle se met à me parler de Jean-Luc Mélanchon ! Une demie-heure plus tard, j'en avais tellement assez de hocher la tête comme un imbécile que je lui balance tout de go : " Ils bouffent des tempouras-choses au Goulag?"
Ils se sont tous arrêté de manger pour regarder dans ma direction.
Le proviseur m'a demandé si je plaisantais. Je me suis étranglé avec une boule de pain.
A la fin du repas, alors que je regardais sa bibliothèque il m'a demandé si je voulais un livre.
Moi, j'admirais plutôt le meuble mais, j'ai quand même répondu :" D'accord. Avec plaisir".
Il m'a proposé "L'idiot" d'un russe dont j'ai oublié le nom. Quelle absurdité, pourquoi pas le journal d'un fou ? J'ai choisi La reine des pommes. Au moins, comme çà, j'apprendrai quelques recettes.
Il faut absolument que j'évite les communistes. Mon psy affirme qu'ils sont à l'origine de ma psychose induite.

Dimanche
Enfin une conversation avec une personne qui a la tête sur les épaules . En achetant mes croissants, j'ai longuement discuté de Sa Majesté la reine d'Angleterre avec ma boulangère. Nous sommes tombés d'accord pour dire que tous les grands de ce monde sont bien utiles pour nous faire oublier nos problèmes et puis la crise.
J'ai fait le test "ressentez-vous les ondes négatives?" dans mon magazine.
J'ai coché tellement de case que je ne savais plus où j'en étais.
Pour retrouver un peu de pep's j'ai visionné une vidéo de Joe Dassin sur Youtube. Voila un homme, un vrai, il nous manque et ses textes si réalistes aussi. Je suis un grand nostalgique des années Giscard. C'était une époque de grands poètes malheureusement trop tôt disparus.
Rendez-nous nos artistes, rendez-nous Danielle Gilbert Mireille et les autres.
Dans la nuit, j'ai rêvé que je faisais du vélo avec Michel Drucker au Bois de Boulogne.
Des hommes armés aux uniformes kaki sont sortis des buissons et nous ont obligé à chanter l'International.
Michel leur a parlé de Claude François, il se sont endormis. C'est à ce moment là que je me suis réveillé.


Lundi
J'ai mal au coeur. C'est sûrement la bouffe indienne de samedi soir. J'ai téléphoné au prof de sport pour qu'il prévienne la CPE de mon absence.
Il m'a répondu "pas de problème mon pote". Et, avant de raccrocher, il m'a lancé en rigolant : "Garde ton zob bien au chaud dans ton froc." J'ai éclaté de rire.
Il faudra que je demande à mon psy si c'est une réaction normale.

samedi 2 juin 2012

Histoires comme-ci, comme ça (13)


Comment je ne suis pas devenu réalisateur



Bruxelles. 2002
Mon chef-opérateur et moi traversons la morne plaine de Waterloo.
Nous nous rendons à Bruxelles pour préparer le tournage de notre première publicité à gros budget.
Nous n'avons que faire du paysage, nous ne faisons que parler scènes, cadres et lumière. Nous ne voyons donc aucun mauvais présage dans notre itinéraire.
C'est déjà la troisième ou quatrième réunion qui nous attend et je sais qu'il va nous falloir encore pas mal de courage pour supporter les recommandations du producteur et de son vendeur de cosmétiques de client.
La réunion s'achève enfin et pendant que mon alter-ego va bichonner sa caméra, je m'occupe de la 8 ou 9 ème séance de casting.
Choisir les deux mannequins (une brune, une blonde) qui vont se partager l'honneur de représenter la marque est un travail  passionnant que l'on doit faire avec une grande précision, en tâchant de ne pas oublier le moindre détail.
La brune doit incarner la gamme "froide" et sa copine évidemment la "chaude".
Pourquoi deux gammes si proches des robinets de salle de bains? Je n'en ai aucune idée.La seule chose que je sais c'est qu'un bon réalisateur ne doit jamais avoir l'air de tomber des nues. Il doit garder le regard vague de celui qui pense, qui réfléchit, et ne peut s'adresser au commun des mortels que par borborygmes. Il faut aussi qu'il soigne son aspect extérieur. Le client engage un archétype, un vulgarus-réalisatum-créatus avec une barbe de trois jours, un jean déchiré et des santiags mexicaines achetées à des péones.
Mais, voici que se présente le premier gros problème. La marque se nomme Oriflame  et leur  nouvelle gamme porte les initiales O et Q.
Si plusieurs pays européens doivent diffuser la même version du film, j'explique au client que pour la France, il est impératif de changer le message. L'état-major de la marque pense à un premier caprice de créateur ( c'est assez courant dans le métier, et puis, c'est l'usage). Après quelques heures de négociations, une douzaine de cappuccino sans sucre, l'état-major concède que  nous ne pouvons pas coller Oriflame avec OQ tout de suite derrière.
Ensuite,côté tournage... c'est la routine..
-Le palace bruxellois où nous tournons exige que nous démontions le matériel une fois le travail terminé. La journée s'achève donc à l'aube. Une autre reprend quelques heures plus tard.
-Le mannequin homme choppe un gros rhume pendant les prises de vues sous l'eau.
-Nous mettons le feu au 200 mètres carrés du studio.
-Le préposé aux accessoires doit fabriquer des stalactites pour le chapeau d'une grand-mère.
-L'hôtel n'a plus ce grand tableau avec les clefs des chambres accrochées dessus. On m'en fabrique un...Avec du velours rouge et des clefs  dorées (je me prend pour Joel Coen).
-L'assistante-opérateur et sa copine la scripte jurent qu'elles arrêtent le métier après ce P..... de tournage de M... (nous entamons la première bouteille de Picon.
Pendant ce temps-là, les deux mannequins ( la chaude et la froide) se battent comme des marchandes d'oignons du marché de Brive-la-Gaillarde.
-Nous buvons encore des Picon-bière.
-La maquilleuse refait quelques raccords.
-La fine équipe se sépare avec le sourire en s'échangeant les numéros de téléphone.
Ce que je retiens de cette période? Uniquement l'expérience humaine . Et c'est sans aucun doute pour cette raison que je ne suis jamais devenu un grand réalisateur (et puis aussi parce que j'ai jamais supporté les santiags... mais, ça, c'est une autre histoire).
Julius Marx