vendredi 31 août 2012

Le polar est Amour (10)


-Encore.
-Non, dit Livia, et elle continua à le fixer de ses yeux rendus plus lumineux par la tension amoureuse.
-S'il te plaît.
-Non, j'ai dit non.
"J'aime bien être toujours un peu forcée", lui avait-elle chuchoté une fois à l'oreille et à ce souvenir, excité, il essaya de glisser un genou entre les cuisses serrées tandis qu'il lui agrippait violemment les poignets et lui écartait les bras jusqu'à lui donner une allure de crucifiée.
Ils se dévisagèrent un instant, haletants, puis elle céda d'un coup.
-Oui, dit-elle.Oui. Maintenant.
Et juste à cet instant, le téléphone sonna. Sans même ouvrir les yeux, Montalbano tendit un bras  pour saisir non pas tant le combiné que les lambeaux flottants du rêve qui, inexorablement, s'évanouissait.
-Allô ! lança-t-il, furieux contre l'importun.
-Commissaire, nous avons un client.

Andrea Camilleri
(La forme de l'eau)
Fleuve Noir
(Traduction de Serge Quadruppani)
Photo : Silvana Mangano / Theorema (Théorème) Pier Paolo Pasolini-1968

mercredi 29 août 2012

Le polar est Amour (9)


-Je dois partir.
Il n'ouvrit  qu'un oeil  et la pressa encore un peu plus fort dans ses bras.
Elle poussa un petit cri très aigu, une plainte animale.
-Qu'est-ce que tu racontes? dit-il.
Les deux grands yeux bleus  de l'homme la fixaient maintenant avec une pointe de méchanceté.
-Oui..partir... reprit-elle, retourner dans le monde, le vrai, celui des vivants. Celui d'une femme mariée à un homme formidable, avec des enfants épanouis, une maison à deux étages...
-Ah, ce monde là!
Elle se pelotonna encore un peu plus contre lui. Elle dit, d'une voix étouffée :
-Il faut que je remonte sur les planches. Le spectacle  doit continuer.
-Arrête!
Il plissa le nez et eut un air plutôt amusé.
-Qu'est-ce que tu racontes? hein, ma beauté.
Elle laissa émerger sa petite tête des bras puissants de Mike.
-La vie, simplement..voila ce que je raconte.
Il lui donna une pichenette sur son  joli nez retroussé.
-Quelle sacrée comédienne! C'est bien ma veine, une artiste...Voila que tu me joues la grande scène maintenant.
La fille demeura bouche bée. Un nuage passa devant ses yeux qui apparurent beaucoup trop grands dans sa figure délicate.
Mike se redressa et desserra légèrement son étreinte.
- Allons bon...qu'est-ce ce qui passe, hein... t'as oublié ton texte?
Elle soupira et appuya sa joue contre l'épaule de l'homme qui se mit à sourire.
Lentement, Mike baissa la tête, s'enivra de l'odeur de son parfum, puis l'embrassa dans le cou.
Ses baisers étaient légers,  à peine posés, comme s'il avait seulement l'intention de la goûter.
Dans les yeux papillotants de la fille, se lisait un plaisir sauvage.
-Allons-y pour le dernier acte, murmura l'homme, en la soulevant de terre.
Ils basculèrent sur le canapé d'angle.
-Qu'est-ce que tu racontes? dit la fille, avant de fermer les yeux.

A.B. Reagan
The Caper
(Chauve qui peut!)
Chambre Noire
Photo : Natahlie Wood- Steve Mc Queen/ Love with the proper stranger-R.Mulligan 1963)







mardi 28 août 2012

Le polar est Amour (8)


Elle me précéda dans le salon où elle me poussa dans un fauteuil avec une force que je ne lui aurais pas soupçonnée.
-Maintenant, poursuivit-elle d'un ton enjoué, je réclame toute ton attention! J'aimerais te montrer quelque chose.
Elle se mit à déambuler devant moi, ondula de la taille, des épaules, frétilla des fesses et braqua son regard provocant sur moi.
-Tu aimes? Cela te donne-t-il des idées, mon chéri? Cela te rappelle-t-il ta nuit solitaire ici (du moins l'espérons-nous) tandis que moi j'étais...Mais faut-il entrer dans les détails? Imagines-tu  mon état après le coup que tu as manigancé ? J'espère que tu n'as pas trop souffert en pensant à ma condition misérable dans mon lit là-bas, à lui murmurer des choses à travers la porte, et à espérer qu'il viendrait me...
-Bon Dieu, tais-toi.
-Ne jure pas, je t'en prie. Cela m'agace.
-Pour l'amour du ciel, ça suffit.
-Ah! j'aime que tu me dévores des yeux!

Elle se tut, puis:
-Un désir n'est pas un désir si ce n'est pas un vrai désir.
Je saisis mal tout d'abord le sens des ses paroles, mais elle poursuivit avec brusquerie:
-Cela aurait dû...et puis rien, rien. Il n'est pas venu comme je le désirais. Il m'a simplement embrassé et souhaité bonne nuit. Il s'est montré merveilleux mais n'est pas resté, m' envoyé des fleurs, trois orchidées superbes, m'a emmené dîner, m'a fait toutes sortes de compliments, mais n'a pas fait ce que j'espérais! J'ai voulu te torturer. C'est tout. Je suppose que j'y suis parvenue. Ton regard, lui, s'est allumé! Mais...
-Tais-toi.
-D'accord, mais maintenant tu sais.
-Où est-il en ce moment?
-"Si haut au-dessus du monde, tel un service à thé dans le ciel." C'est dans quoi?
-Alice au pays des merveilles.
-Oui, il a pris l'avion, mais pourquoi Londres me fait-elle penser à un paradis?
-Sais-tu ce que j'ai envie de  faire? Te claquer les fesses jusqu'à ce qu'elles soient en feu.
-J'allais justement t'en prier.
Elle se remit sur le ventre, remonta sa jupe et baissa sa culotte sur un fort joli spectacle. Et là, sur le canapé, à moitié déshabillés, nous mordant entre deux soupirs, nous caressant entre deux chuchotements, nous griffant entre deux râles, nous fîmes l'amour. Puis nous restâmes enlacés, comme deux initiales emmêlées. Elle finit par dire :
-J'étais presque au ciel. Et toi?
-Au ciel.

James M.Cain 
The Institute
(Le mécène)
Les belles lettres/Le cabinet Noir
Photo : Gloria Grahame ( Odds against to morrow- Robert Wise-1959)

lundi 27 août 2012

Le polar est Amour (7)


Je rentre. Je vais au seuil de ma chambre, ma petite fée dort toujours, en suçotant l'ongle peint de son auriculaire gauche, et j'aperçois qu'elle a, tatoué sur l'extérieur de la cheville droite, un petit hérisson bleu pétrole. J'ai envie de m'y frotter, mon coeur s'affole,je m'allonge donc sur la descente de lit, pour "faire le lourd", comme on ma l'a enseigné à la clinique psychiatrique où j'ai fait ma première cure. J'étends mes bras le long de mon corps, je calme ma respiration, en écoutant cette pompe merveilleuse qu'est mon coeur, je sens mes doigts lourds, puis mes bras, mes jambes, et ma nuque, j'ai les yeux fermés, et je pense à un ciel bleu dans lequel baguenaudent des petits moutons blancs dessinés par un dieu enfantin, le monde est simple et frais, mon front est frais et je sens mon corps lourd, lourd, et une putain de blatte s'infiltre dans ma narine et j'éternue de toutes mes forces, la fille se réveille en hurlant au-dessus de moi, je lui attrape la jambe et lui lèche la cheville, pour bien apprivoiser son hérisson tatoué, elle me repousse d'un coup de pied, je roule à terre, la fille cherche un objet contondant, je me met à genoux, je supplie, sainte Pétasse, Hélène, sainte Etoile, Reine des Kids, pas ça. Elle ouvre des yeux ronds comme des soucoupes et toute animosité s'évanouit sur son visage naturellement angélique, et elle éclate de rire. C'est bon signe. Nous sommes là à nous fendre la poire comme deux potes de longue date.
-Putain de nuit, dit-elle enfin. Où suis-je?
-Chez moi.
-Qui t'es toi? Quasimodo?
-Paulo, dis-je. Ami.
-Ah.
-Et vous?
Elle me scrute et répond:
-Sais pas.
Elle lève les yeux au ciel.
-Hélène? dis-je doucement.
Elle me scrute à nouveau, soucieuse.
-Non, déclare-t-elle, pas Hélène. Wanda, je m'appelle Wanda.
Wanda Wampa.
-Vous n'avez pas une soeur qui s'appelle Hélène?
-J'ai pas de soeur, dit-elle. Et j'en veux pas, j'aime pas les filles. T'aimes les filles toi?
-Euh...

-Comment tu t'appelles, t'as dit?
-Paul, ou Paulo.
-Bon, j'ai besoin de réfléchir, Paulo. Si tu me faisais un petit café, pendant que je médite toute seule? La vie me semble compliquée tout à coup.
-On vous a quand même jamais dit que vous ressembliez à Hélène, du feuilleton, vous savez?
-Tu me fais chier avec Hélène. Je te dis que je m'appelle Wanda . Je me souviens de rien sinon de ça, Wanda, c'est mon nom, tu veux pas me piquer mon nom? Amnésique, je suis, suite à un traumatisme. J'ai besoin de repos, de répit. Tu peux me lâcher la touffe?
-Je lâche. Vous avez un hérisson, sur la cheville, tatoué, si cela peut constituer un indice?
-Ouais? Ben n'y touche pas, si cela peut constituer un conseil.
-Je vais m'occuper du café.
-C'est ça. Occupe toi du café. Dis-moi Paulo, tu vis tout seul ici?
-Euh.. c'est à dire.. Oui, tout ce qu'il y a de tout seul.
-C'est bien, ça. C'est mieux. Tu m'as tout l'air d'un garçon sérieux et intelligent. Je peux avoir confiance en toi?
-Je suis votre ami, votre dévoué.
-Ouais, stop. Il faut m'aider, Paulo, c'est à dire, j'ai besoin de repos, tu vois, j'ai besoin de me retourner, savoir qui je suis, tout ça. Et ça peut prendre un peu de temps quand même.
-Je comprend bien. Il faut laisser du temps au temps.
-Alors ça t'embête pas, que je reste là, pour les voisins, tout ça?...
-Les voisins? Les voisins, n'est-ce pas, je les emmerde, ils n'en sauront rien les voisins, que vous êtes là, et pas ailleurs, il faut que nous nous occupions de vous, pas les voisins, n'est-ce pas?

Hervé Prudon 
(Nadine Mouque)
Série Noire n°2401
Photo : Marie Trintignant-Patrick Dewaere ( Série Noire-Alain Corneau 1979)

samedi 25 août 2012

Le polar est Amour (6)


La porte finit par s'ouvrir. Et Tony apparut, ses épais cheveux d'un roux sombre tombant sur ses épaules, ses yeux gris-vert fortement entourés de mascara, son visage aux pommettes hautes reflétant un masque d'indifférence. Elle avait enfilé à la hâte une robe de chambre en velours noir dont elle se drapait négligemment.
-Salut, fit-elle avec froideur.
Johnny serra les lèvres puis se força à sourire. Pour un accueil, c'en était un! C'était lui qui lui avait permis de récupérer ce qu'elle avait mis au clou moyennant la coquette somme de trois billets de cent et elle se comportait comme si elle n'était pas sûre de le laisser entrer.
-Salut, Tony.
Il franchit le seuil et elle referma la porte. La chambre puait autant qu'un bordel français; des vêtements étaient éparpillés dans tous les coins; il y avait une boîte de chocolats à la crème ouverte sur la table, et plusieurs revues de cinéma.
-C'est un vrai bazar, dit Tony. J'espère que ça ne vous gêne pas, monsieur Doyle.
Elle lui adressa un sourire ironique...ou du moins c'est ainsi qu'il le ressentit. Une gonzesse extrêmement agaçante.
Johnny s'assit. Elle alluma une cigarette et se jeta sur le canapé, sa robe de chambre s'écartant dans le mouvement. Ses longues jambes fines et bien faites furent, l'espace d'un instant, nues presque jusqu'à la hanche. Johnny regarda sans se cacher. Elle était vraiment du tonnerre, cette rousse un peu cinoque! Pas du genre,bien sûr, qu'on s'attendrait à voir mettre un type comme Jim en mauvaise posture, mais quand même...
Johnny avait ressenti un ardent désir à son égard et ce dès la première fois qu'il l'avait vue traverser le hall de l'hôtel de Miami en roulant des hanches. Mais Jim l'avait pris de vitesse... Alors bas les pattes. Il n'était pas comme certains autres copains de Jim. Il n'était absolument pas question qu'il se brouille avec lui à cause d'une gonzesse. Des gonzesses, il y en avait partout... Mais il n'y avait qu'un seul Jim.
-Comment va mon grand bébé? demanda Tony. Trop fier pour venir ici lui-même, hein?

La véritable chose, en dehors de ses cheveux roux et de sa magnifique silhouette mince, qui rendait Tony si séduisante, c'était l'expression de sensualité que prenait son visage lorsqu'elle était détendue. Johnny, enviant Jim, l'avait remarqué à maintes reprises. Mais pour l'heure Tony ne pensait qu'à cette affaire. Son visage était dépourvu de toute suggestion de sensualité; elle avait une expression sérieuse, concentrée, qui n'avait rien de sexy. Tout en parlant, Johnny s'appliquait mentalement de grandes tapes dans le dos pour se féliciter de sa sagacité. Cette fille, il n'y avait vraiment que le fric qui l'intéressait. En la prenant exactement comme il fallait elle leur serait d'une aide appréciable. Tout ce qu'il leur fallait c'était amener Jim à franchir le premier obstacle. Une fois que le mouvement serait lancé, ils pourraient tous s'asseoir et regarder venir.
-Alors? demanda finalement Johnny qui considérait cette question comme pure formalité.
Tony hocha la tête sans prononcer un mot . Il échangèrent un regard. Johnny sentit un léger frisson glacé courir le long de sa colonne vertébrale et il se leva en toute hâte.
-Si on allait déjeuner?
-Mangeons ici, dit Tony en s'étirant paresseusement. Je n'ai pas envie de m'habiller.
Johnny appela le standard, commanda, puis traversa la pièce et s'assit sur une chaise loin de Tony qui l'observa un moment avant d'éclater de rire.
WR Burnett
Nobody lives forever
(Fin de parcours)
Rivages/noir.
Photo : Ida Lupino (Private Hell 36/ Don Siegel 1954)

vendredi 24 août 2012

Le polar est Amour (5)


Carella aurait préféré qu'elle ne soit pas en noir.
C'était ridicule, il le savait bien. Une femme qui vient de perdre son mari s'habille en noir. Mais il se souvenait de longues conversations avec Hank, pendant les heures calmes, au service de nuit, quand Hank décrivait les chemises de nuit noires d'Alice. Carella avait beau essayer, il ne parvenait pas à dissocier dans son esprit ces deux images noires: le noir voluptueux de la lingerie intime, le noir sévère du deuil.
Alice Bush avait pris place, en face de lui, dans le salon de son appartement, à Calm's Point. les fenêtres étaient grandes ouvertes, et l'inspecteur voyait se profiler, contre le bleu impitoyable du ciel sans nuages, les hautes structures gothiques d'un collège voisin. Il avait travaillé pendant des années au côté de Bush, mais c'était la première fois qu'il pénétrait dans son appartement. Il se sentait gêné  devant les images qu'évoquait pour lui la robe noire d'Alice.

Madame Bush s'était confortablement installée dans une moelleuse bergère, ses longues jambes repliées sous elle, ses pieds nus. Mme Bush était parfaitement à sa place dans cette pièce. La pièce avait été crée pour elle; pour sa féminité triomphante. L'animal mâle n'y était qu'un intrus.
Vêtue de soie noire, elle avait une gorge incroyablement opulente, une taille incroyablement fine.
Avec ses larges hanches dodues, cette femme semblait avoir été faite pour la maternité... et pourtant non! Ce n'était pas son genre. Carella ne pouvait imaginer une vie nouvelle sortant de ces flancs. Il ne pouvait voir cette femme qu'à travers les descriptions de Hank, dans le rôle de la séductrice. La robe de soie noire exaltait cette image. Le salon plein de bibelots confirmait l'impression. C'était le décor qui convenait à Alice Bush.

Il porta le verre à ses lèvres. Le mélange était explosif.
-Eh bien, s'exclama-t-il, vous ne plaignez pas l'alcool!
-Hank aimait son whisky fort, dit-elle. Il n'aimait que les choses fortes.
Et une fois de plus, en prononçant ces mots, Alice venait de provoquer, en toute innocence, un feu d'artifice. Cet être complexe, dominé par les exigences d'un corps trop ardent ne pouvait, sans doute, mesurer l'effet qu'il produisait. Carella avait l'impression qu'elle allait brusquement exploser, que mille fragments de seins, de hanches et de cuisses, iraient se répandre dans la nature, comme dans un tableau de Salvador Dali.
-Il faut que je m'en aille, dit-il. On ne me paye malheureusement  pas pour boire des verres.
-Attendez encore une minute, demanda-t-elle. J'ai quelques petites idées moi aussi.
Il leva vivement la tête, soupçonnant presque dans ses paroles un sous-entendu équivoque. Mais il se trompait. Elle s'était détournée, et regardait maintenant par la fenêtre, le visage et le corps de profil.
-Je serais heureux de les connaître, dit-il.
-L'assassin est un obsédé, un type qui a une haine morbide pour la police, Steve.
-Ca se pourrait.

-La chaleur n'a pas dû faciliter l'enquête, j'imagine, dit Alice.
-La chaleur n'a rien facilité.
-Moi, je vais aller me mettre en bikini dès que vous serez parti.
-Si j'ai bien compris, vous me mettez à la porte, fit Carella en souriant.
-Mais non, je ne voulais pas dire... je vous jure, Steve, j'irais me mettre tout de suite en bikini si je pensais pouvoir vous retenir encore un peu. Mais, j'avais compris...(Elle fit un geste de la main) Oh, zut!
-Mais je suis obligé de partir, Alice. J'ai encore des tas de photos à compulser là-bas. (Il se leva.)
Merci pour le whisky.
Il se dirigea vers la porte, sans la regarder, évitant surtout de regarder les jambes, tandis qu'elle se levait aussi.
Elle prit congé de lui sur le seuil. Sa poignée de main était ferme et chaude.La main elle-même était dodue.
-Bonne chance, Steve. Si je peux vous aider en quoi que ce soit...
-Je ferais appel à vous... Merci encore.
Il se retrouva dans la rue accablante de chaleur, en proie à une curieuse exaltation. Et il se serait contenté de n'importe quelle partenaire.

Ed Mc BAIN
Cop Hater
(Du balai!)
Carré Noir N° 360
Photo : Marilyn Monroe / Marc Lawrence ( Asphalt Jungle / John Huston-1950)

mercredi 22 août 2012

Le polar est amour (3)


Il la vit qui l'attendait derrière la porte entrebâillée. L'appartement était plongé dans le noir absolu.
-Oh, Révérend O'Malley! Je me suis fait tant de soucis ! J'ai pensé que la police vous avait agrafé!
Il eut un sourire chaleureux et, à peine le seuil franchi, il lui tapota la main d'un geste rassurant.
Elle referma la porte et, pendant un moment, ils se firent face, dans l'obscurité du petit vestibule, leurs corps se touchant légèrement.
-On pourrait allumer, dit-il. Je ne crois pas qu'il y ait de danger immédiat.
Il y eut quelques déclics d'interrupteurs et les pièces émergèrent de l'ombre.
Avec ses stores et ses rideaux tirés, l'appartement correspondait exactement à ce qu'O'Malley avait imaginé. Le mobilier verni, plaqué chêne, venait d'une maison de vente à crédit, mais à prétention artistique. Contre le mur de la salle de séjour, il y avait un long sofa-lit transformable.
La conversion, d'ailleurs, était achevée et le lit fait.
Mabel suivit le regard d'O'Malley et expliqua, sur un ton d'excuse:
-J'ai pensé que, peut-être, vous auriez envie de vous reposer d'abord.
-Merci de votre pensée, mais d'abord il faut qu'on parle.
-Oh ououi! fit-elle, ravie.
.....En fait, pour O'Malley, l'élément de surprise, c'était Mme Hill. Il la trouvait fort belle: un visage brun et lisse, couronné d'une noire chevelure, qui s'enroulait en bouclettes naturelles, des yeux couleur de mûre, un nez minuscule et retroussé, la lèvre supérieure légèrement ombrée.
Sa bouche était grande, généreuse, aux lèvres teintées de rose, dont le sourire prompt découvrait des dents régulières et blanches. Enfin, dans le déshabillé de chatoyante soie bleue qui dessinait toutes ses courbes, son corps semblait adorable.....
....Elle lui demanda s'il voulait manger un morceau. Il répondit qu'il ferait bien un sort à une assiettée d'oeufs brouillés, à quelques tranches de pain grillé et à une tasse de café.
Elle se mit à préparer la collation. La cuisine était en harmonie avec le reste de l'appartement - réchaud électrique, réfrigérateur, percolateur, mixer à oeufs, batteur de purée et autres accessoires, disposés en ordre serré, gaiement colorés et admirablement hygiéniques.
Mais O'Malley était fasciné par les ondulations de ce corps, sous le déshabillé de soie bleue. Il voyait Mabel s'agiter, se baisser pour prendre la crème et les oeufs dans le réfrigérateur, pivoter vivement, comme si elle voulait tout mettre en train à la fois, et balancer ses hanches, en circulant entre le réchaud et la table....
...Il s'allongea sur le dos, le cerveau assailli par des milliers de pensées. Il finit par s'en débarrasser et s'endormit.
Il rêva qu'il traversait, en courant et l'épouvante au coeur, un bois obscur, qu'il apercevait soudain la lune à travers les branches et que les arbres avaient des formes féminines, avec des seins pendants comme des noix de coco. Brusquement, il tombait dans un puits, un puits tiède, qui l'enlaçait dans une étreinte douce et humide. Il connut une délicieuse extase....

-Oh, Révérend O'Malley! criait Mabel.
La lumière de la chambre semblait traverser son corps, sous la mince chemise de nuit à volants, ouverte sur un sein épanoui et brun. Elle tremblait violemment et les larmes ruisselaient le long de ses joues.
Encore  secoué par son propre rêve, O'Malley quitta son lit d'un bond et enlaça la taille tremblante de la femme. Il sentait la palpitation de la chair chaude et ferme, agitée par des sanglots convulsifs.
-Oh, Révérend O'Malley, j'ai eu un rêve affreux!
-Allons, allons! fit-il, en l'attirant contre lui. Les rêves, ça ne veut rien dire.
Il estimait qu'une femme devait capituler à la centième caresse.
Doucement, et sans cesser de compter les mouvements de sa main, il la renversa sur le dos, tout en poursuivant :
-Etendez-vous maintenant et n'ayez pas de remords à cause d'un rêve stupide. S'il m'arrive un coup dur, ce sera la volonté de Dieu. Tous, nous devons nous incliner devant la volonté de Dieu. Et maintenant, répétez après moi: "Si le malheur s'abat sur le Révérend O'Malley, ce sera la volonté de Dieu."
-Si le malheur s'abat sur le Révérend O'Malley, ce sera la volonté de Dieu, dit-elle docilement, d'une voix étouffée.
-Nous devons tous nous incliner devant la volonté de Dieu.
-Nous devons tous nous incliner devant la volonté de Dieu.
-La volonté divine doit être respectée, reprit-il.
-La volonté divine doit-être respectée.
-Ceci est la volonté divine, articula-t-il avec une insistance hypnotique .
-Ceci est la volonté divine , répéta-t-elle extasiée.
Quand il se fut jeté sur elle, elle songea que c'était encore la volonté divine et cria :
-Ooh, vous êtes vraiment merveilleux!

Chester Himes 
Cotton comes to Harlem
(Retour en Afrique- Série Noire)
Photo : Judy Pace (actrice du film "Cotton Comes to Harlem" -Ossie Davis -1970)

mardi 21 août 2012

Le polar est Amour (2)


Il faisait chaud dans la chambre. Le climatiseur de la fenêtre était en panne et brassait de l'air vicié.
Ils avaient détrempé les draps et jusqu'au matelas. Karen appelait ça "baiser dans un sauna".
Dwight embrassa ses cheveux humides, d'autant plus roux qu'ils paraissaient brillants.
Le mari était sur la côte est. Il avait un nom, mais Dwight ne le prononçait jamais. Dina était à la crèche. Ils avaient trois heures.
Karen roula sur le dos. Elle était enceinte de trois mois. Cela commençait un peu à se voir.
Sa sveltesse prenait quelques rondeurs. Elle s'étira. Elle agrippa les barreaux du lit et se cambra.
Dwight posa une main sur son ventre et la fit redescendre en douceur. Elle roula vers lui. Il passa une jambe par-dessus elle et l'attira tout près.
-Tu es sûre qu'il n'est pas de moi?
-Oui. Il y a eu un protocole, et tu étais loin du réceptacle.
Dwight sourit.
-C'est une fille.
-Pas nécessairement.
-Les filles causent moins de tracas. Tout enfant de sexe masculin auquel tu donneras naissance sera source de problèmes  pour moi. Je passerai le reste de ma carrière à caviarder ses dossiers et à le faire sortir de prison.
Karen alluma une cigarette.
-Dina fera sauter le Mont Rushmore. Elle commence à me donner cette impression.
Dwight leva la tête vers elle. Leurs yeux étaient tout près. Ce bleu étrange parsemé de sombre- une sacrée grecque.
Karen se mordit les lèvres. Dwight l'embrassa pour qu'elle cesse. Ils entrèrent en communication télépathique. Karen énonça son credo.
-Je ne ferai pas d'autre commentaire sur la nature usuraire de notre relation, de crainte de m'accuser  moi-même de collaboration avec un fasciste et de m'enfuir en hurlant.
A point nommé, avec un timing parfait, juste après un baiser. Au-delà du pince-sans-rire, en deçà du comique.
Dwight se tordit de rire. Karen lui plaqua sa main sur la bouche. Il lui mordilla la paume pour qu'elle cesse. Elle désigna les vêtements de Dwight. Son carnet de chèques avait glissé hors de se poche de veste.
-Ces chèques anonymes. Tu ne m'a jamais dit pourquoi.
-Je t'ai dit que je les postais.
-Tu me dis un minimum, et rien de plus.
-Tu fais la même chose.
-C'est comme ça qu'on reste ensemble sans courir de risques.
Leurs visages étaient proches. Karen se pencha vers Dwight et leurs yeux furent plus près encore.
-Tu as commis quelque chose d'abominable. Je ne te demanderai pas quoi, mais il faut que tu saches que je ne l'ignore pas.
Dwight ferma les yeux.
Il demanda:
-Tu m'aimes?
Karen répondit :
-Je vais y réfléchir.

James Ellroy 
Blood's A rover ( Underworld USA)
Photo : Mia Farrow-John Cassavetes (Rosemary's baby- Roman Polanski 1968)

lundi 20 août 2012

Le polar est Amour


Laissons tomber la guerre et ses images pour nous préoccuper de l'amour dans le roman noir.
J'inaugure ici une petite série que j'espère colorée.
Amusante, émouvante ou parfois fatale, l'histoire d'amour  est un passage obligé, un exercice de genre, au même titre que la scène de violence ou celle de l'indispensable duel final.
Et puis, côté image, nous aurons la chance de voir défiler toutes les plus belles créatures du cinéma (avant l'ère du télé-film.)
Pour débuter, voyons la rencontre du fameux Tanner de Lawrence Block avec une passionaria de Montréal. Amusez-vous, petits veinards.
" Les autres filles auraient pu être vendeuses de supermarché mais, Arlette, elle, ressemblait à une déesse de bouge marseillais. Elle portait un pantalon en velours côtelé noir qui adhérait à ses hanches minces et s'évasait au-dessous du genou, et un corsage de velours vert agréablement tendue en deux endroits par devant. Elle avait un visage de gamin, des cheveux châtain très foncé coupés à la garçonne, comme si on lui avait posé un bol ébréché sur le front, et elle avait planté sur le tout un béret en peau de tigre. Les bérets verts font penser au Viet-Nam. Les bérets en peau de tigre, eux, font penser aux tigres. Mais, avec ou sans béret, Arlette aurait fait le même effet."
Et puis, un peu plus tard...
"-Votre café, Evan.
 Je pris la tasse et soutins la sienne pendant qu'elle s'installait sur le lit à côté de moi, sur la peau de tigre. Nos corps se touchèrent.
-Ah! les tigres! dis-je en hochant la tête d'un air entendu.
-De nobles animaux, vous ne trouvez pas?
-Si.
Sa main caressa la fourrure du tigre à m'en rendre jaloux.
-Tant d'audace, dit-elle. A quoi ça vous fait penser, un tigre?
-A une pompe à essence. Et vous, Arlette?
-A une lotion capillaire, dit-elle.
-La Jeanne d'Arc du Québec.
-Oh! pas moi Evan.
-Mais c'est Emile qui vous a appelé comme ça.
-Emile plaisante. Ou alors, il veut dire que je suis la plus fervente des patriotes comme sainte Jeanne. (Elle se tourna vers moi.) C'est vrai vous savez. Dans ma poitrine, c'est un grand zèle patriotique qui fait battre mon coeur.
-Je vous crois.
-Ici, tenez, dit-elle en montrant du doigt.
-Ah?
-Tâtez-le, Evan. Vous le sentirez battre.
Je mis ma main au milieu de sa poitrine.
-Oui, je le sens, dis-je. Oui, oui, c'est vrai.
-Pas au milieu, mon chou. Le coeur c'est à gauche, voyons!
-Ah! oui. Oui, euh...Je le sens mieux maintenant.
-Pas Jeanne d'Arc, dit-elle un peu plus tard.
-Hélène de Troie, Cléopâtre, Eve.
Elle se mit à ronronner.
-Mais pas Jeanne d'Arc, pas la pucelle d'Orléans. Parce que mon pucelage, il y a longtemps que ...
-Oui, je m'en suis rendu compte.
-Mais quelquefois j'entends des voix.
-Ah! Et que disent-elles?
Elle me reprit en main, pour ainsi dire:
-Elles disent :"Encore, encore!" Alors, que faire quand de telles voix commandent, sinon obéir ?"
Lawrence Block
(Tanner's Tiger- Faites sauter la Reine)
Série Noire N° 1248
Photo : Klute (Jane Fonda-Donald Sutherland / Alan J. Pakula 1971)

vendredi 17 août 2012

Sombre pantomime


Un homme entra brusquement sous la tonnelle, derrière Martin, et se mit à fouetter son uniforme avec son calot pour en secouer l'eau. La pluie avait collé ses cheveux blonds, couleur de sable, en petites mèches sur son large front, un front qui formait l'entablement d'une face énergique, comme taillée dans le roc.
-Tiens, dit Martin, tournant la tête pour regarder le nouveau venu. Vous êtes de la 24e section?
-Oui....Avez-vous lu Alice au pays des merveilles? demanda l'homme saucé, s'asseyant brusquement devant la table.
-Bien sûr.
-Ca ne vous y fait pas songer?
-Quoi?
-Cette guerre. Ma foi, je pense toujours que je vais rencontrer le lapin qui mettait du beurre dans sa montre à tout bout de champ.
-Le beurre le plus fin.
-C'est bien ça le pire.
On entendait le grondement à peu près continu des camions sur la route, derrière le café, et leurs roues patinant dans les mares de boue au tournant de la route, à l'entrée du village.
-C'est sûrement bien différent de ce que vous auriez imaginé, hein?
Ils étaient là tous deux à se regarder,pendant que de grosses gouttes, par le toit percé, flicflacquaient  sur la table ou leur éclaboussaient  de froid la figure.
-Enfin, qu'est-ce que vous pensez de tout ça? demanda tout à coup le nouvel arrivé, en baissant la voix furtivement.
-Je ne sais pas. Bien sûr que je n'avais jamais pensé que ce serait tel qu'on voulait nous le faire croire...Les choses ne sont jamais ainsi.
-Mais vous n'auriez pu deviner que ce serait comme ça... tel que dans Alice au pays des merveilles... que ça ressemblerait à une sombre pantomime de Drury Lane, et offrirait toute la bêtise et le manque d'intérêt du cirque Barnum-Bailey?
-Non; j'avais cru que ce serait à faire dresser les cheveux sur la tête, dit Martin.
-Pensez donc, voyons, pensez aux océans de mensonges à travers les siècles qu'il a fallu pour que ceci soit rendu possible! Pensez à cette nouvelle vendange de mensonges que l'on a si activement exprimée des journaux et des sermons. Il n'y a pas de quoi vous faire reculer?
Martin secoua la tête sans répondre.
-Mais oui, les mensonges sont comme un suc poisseux qui se répand sur le monde , une espèce de tue-mouche vivant , grandissant, pour attraper et engluer toute âme humaine... Et le faible bourdonnement de ces braves, honnêtes libéraux dans leur impuissance, est-ce que ça ne ressemble pas au grêle petit bruit que font les mouches quand elles sont prises?
-Je suis d'accord avec vous que ce grêle petit bruit est vraiment bien bête, dit Martin.


Les fantassins défilaient sous la pluie qui éclaboussait avec un éclat froid les casques gris, le canon des fusils, les courroies des équipements. Des faces rouges, en sueur, écroulées sous le bord rigide du casque , se penchaient  vers le sol dans la lutte de l'homme contre le poids écrasant du paquetage- et ces alignement de faces étaient la seule note de chaleur dans la désolation  de la boue couleur de mastic et des corps penchés couleur de boue et du ciel ruisselant couleur de boue.
Dans cette froide uniformité de ton, ces visages paraissaient délicats et faibles comme des visages d'enfants, rosés, tendres sous les éclaboussures de la boue et le poil des barbes hirsutes.

John Dos Passos 
L'initiation d'un homme (1917)
Photos
1/ Dana Stone (Viet-nam 1966- crédit inconnu)
2/ Horst Faas (Viet-nam)

jeudi 16 août 2012

La force de subsister


Peut-être à la façon de tous les soldats conquérants de ce monde croyais-je connaître la psychologie  des vaincus? Je me sentais trop différent d'eux pour leur reconnaître d'autres pensées que celles suggérées par la plus élémentaire nature. Peut-être accordais-je à ces êtres trop de simplicité? Il fallait insister : ses yeux me regardaient depuis deux mille ans et il y avait en eux le muet reproche d'avoir à abandonner cet héritage. Je lisais aussi dans son indolente défense l'espoir de succomber.
Pourquoi ne comprenais-je pas ces gens? C'étaient des animaux pleins de tristesse, vieillis sur une terre sans issue, c'étaient de grands nomades, de grands connaisseurs de raccourcis, sages peut-être, mais primitifs et incultes.
Aucun d'eux ne se faisait la barbe en écoutant le journal parlé du matin; ils n'avaient pas de quotidiens à l'encre fraîche pour donner de la saveur à leur petit-déjeuner. Cent mots suffisaient à leurs besoins vitaux. D'un côté le Beau et le Bon, de l'autre le Laid et le Méchant. Ils avaient tout oublié de leur splendeur passée. Et seule une foi superstitieuse donnait à leurs âmes à jamais stagnantes la force de subsister dans un monde plein de surprises.
Êtres préhistoriques tombés dans un dépôt de chars blindés, ils sentaient peut-être leurs temps révolus et n'éprouvaient plus qu'une mélancolie confuse.
Ennio Flaiano (Un temps pour tuer)
Photo Horst Faas / Vietnam

lundi 13 août 2012

Miroirs noirs


La vie de l'homme : ça consiste à détaler en zigzag pendant quarante ans. Et quand ça monte haut (avec haut-le-coeur et autres remontées!), c'en sont quarante-cinq; et quand ce fut vraiment exquis, on s'en sera tenu à 15 ans de guerres et trois inflations seulement .
Je m'éveillai : car par la fenêtre latérale l'oeil hagard de la lune pesait sur mon visage engourdi : ils venaient, infatigables: le jour et la nuit. Un jour, je serai étendu quelque part, pantelant (espérons que ça ira vite; toujours se garder une cartouche de réserve dans le colt, billet gratuit pour le voyage à l'aventure). Je m'adossai contre le mur, m'accroupis, et contemplai songeur avec des yeux de hibou les lentes variations de la lumière.
(Un tour dehors).Lune: en talus de pierre muet dans un âpre marécage de nuages. Des miroirs noirs en grand nombre gisaient alentour; des branches fourchaient ma figure et dégouttaient en vitesse. Sommeil lourd.
Arno Schmidt (Miroirs noirs-extraits)
Photo : Hugh Van Es / Vietnam.

samedi 11 août 2012

Héros (juste pour une nuit)


Cette nuit, j'ai rêvé.
J'étais un héros.
Un de ceux dont personne ne songe à remettre en cause les choix.
Un jeune homme d'exception qui inspirait le respect.
Pour parler de mon physique, on disait seulement que j'étais un jeune premier parfait.
J'étais le fils d'un autre grand héros : un aigle des mers, un Robin des bois, bref, un gentleman Jim.
Mais, j'étais las d'être le fils du capitaine Blood, de chasser le tigre au Pakistan, de guider les touristes en Tanzanie ou de sauver une jeune première de la noyade dans un fleuve infesté de crocodiles.
Alors.
Je suis parti au Vietnam. J'ai connu la guerre et puis... rencontré d'autres héros.


                                                                    Tim




                                                                   et Dana

Et puis, en Avril 1970 , avec mon pote Dana, à la frontière du Cambodge....
Je me suis réveillé.
Julius Marx
Si l'histoire de Sean Flynn et de ses copains, la vraie, vous intéresse :
laviedeseanflynn.blogspot.com 
Il y a tellement d'histoires, encore, autour de l'exceptionnelle et éphémère vie de Sean Flynn.

vendredi 10 août 2012

Brèves de ramadan



Vu
Des visages crispés, des yeux mi-clos, des traits tirés par le manque de sommeil. Les deux tiers du parcours sont déjà faits.

Les barrages des grévistes devant la grande usine de meubles. Les petites cabanes recouvertes de branches de  palmiers n'empêchent pas les clients de franchir le seuil du magasin. Les camions rangés en épi ne bloquent pas la totalité de la route.

Une photo de la grande manifestation des femmes pour conserver les acquis et les droits obtenus.
Je me demande d'où peuvent bien venir toutes ces femmes présentes sur le cliché. C'est bien entendu à ce mince pourcentage de privilégiées de montrer la voix mais, ce décalage évident choque.

LU
La météo sur le journal . Record de température dans la ville de Kairouan: 46°.8

Entendu 
Route de la plage.
Une jeune femme et sa mère se sont lancées dans le business de la laverie automatique. Elles sont persuadées qu'à la rentrée prochaine, les étudiants des nombreuses écoles et universités de la ville vont se presser dans leur boutique.
Pour le moment, les clients ne se bousculent pas. Pour notre linge, j'ai le choix entre six machines flambant neuves et de haute technologie. Une fois la porte refermée, la machine calcule le poids du linge et le temps du lavage. Des chiffres s'alignent sur un petit écran. Le lavage  tarde à se mettre en route ; je demande des précisions.
-Chut ! me répond la mère, elle pense.

A la boulangerie française, un homme bouscule une européenne pour acheter sa baguette avant elle.
La femme  grimace et lance:
-Je dois être transparente !
L'homme la fixe et répond :
-Si tu es en Tunisie, tu dois accepter les règles de la Tunisie.

Re-VU
A 19 heures, quelques minutes avant la rupture du jeun. Les rues sont totalement désertes.
Un silence total, lourd, inquiétant, c'est installé.
C'est beau une ville qui dort!

Julius Marx








mardi 7 août 2012

Maître nippon


Takeshi Kitano 
Peintre,
Cinéaste,
Producteur de programmes télévisés venus de Mars,
Et délires en tous genres.





Pour les ciné-maniacs, se reporter à l'excellent blog :
toutlesautressappellenthal.blogspot.com
Julius Marx

vendredi 3 août 2012

Quelqu'un d'autre






L'auteur de son infortune

Je ne suis pas l'homme qu'elle décrit.
Mais, il faut en convenir: le passé est loin, une ligne côtière qui s'éloigne,
et nous sommes tous dans le même bateau, un rideau de pluie sur les routes maritimes.
Et pourtant, j'aimerais qu'elle cesse de raconter des trucs sur moi !
Au fil du temps, tout vous lâche sauf l'espoir, puis lui aussi desserre son étreinte.
Il n'y a pas assez de quoi que ce soit tant que nous vivons.
Mais par intervalles une douceur surgit et, avec un  peu de chance, s'impose.
C'est vrai que je suis heureux maintenant.
Et ce serait bien qu'elle tienne sa langue.
Qu'elle cesse de me haïr parce que je suis heureux.
De m'en vouloir de ce qu'est sa vie. Je crains qu'elle me confonde avec quelqu'un d'autre.
Un jeune homme sans caractère, perdu dans ses rêves, qui promettait de l'aimer toujours.
Celui qui avait offert une bague,  et un bracelet.
Qui lui avait dit, Viens avec moi. Tu peux me faire confiance.
Des choses de ce genre. Je ne suis pas cet homme.
Elle m'a pris, comme j'ai dit, pour un autre.

Raymond Carver 
(La foudroyante vitesse du passé)
Ed de l'Olivier.