dimanche 28 novembre 2021

Préface

 



Comme le sourd se contente de son sonotone, l'aveugle de son toucher ou son odorat, l'admirateur de Montalbano se contentera de "Mort en pleine mer (et autres enquêtes)". Il apprendra que ces histoires brèves ont été dictées par le Maestro à sa dévouée secrétaire. Il pensera peut-être qu'un petit film (l'admirateur n'est pas gourmand) de ces séances aurait  suffi à le plonger  aussitôt dans un état proche de la béatitude. Il restera songeur en pensant que le plus beau de ce bouquin là  reste la préface de Serge Quadruppani. Sans tristesse ni nostalgie, le traduttore  a imaginé un dialogue avec le commissaire. Cette conversation toute poétique  permet de repasser en revue les thèmes forts de l'univers Montalbanien  (eh oui, on dit bien Flauberien). En lisant ce texte, l'admirateur ne cessera d'opiner du chef en murmurant "oui, Serge, tu as cent fois raison.. Montalbano, c'est  tout à fait ça!" Même s'il regrettera pourtant de ne pas y voir quelques lignes sur la nourriture, l'admirateur sera comblé.

Voilà, vous êtes prévenus. Mais, vous savez aussi que l' admirateur n'est jamais content.

Julius Marx

vendredi 26 novembre 2021

Bohème, flâneur et photographe

 



Qu'est-ce qu'un bourgeois? Celui-là n'est pas un bourgeois, celui qui est doué de sens créateur, celui qui peut prendre une décision dont il ne mesure pas encore les conséquences. Celui qui est capable d'extases, non pas celles que donnent l'argent, l'alcool, les filles ou la politique, mais celles qui proviennent de la solitude, du souci, de la faim, de la beauté, de la pure perception du sublime. Mais vous êtes des bourgeois. Votre mesure, c'est la couleur de vos ongles et le pli du pantalon, des certificats et une montre précise, la politesse, mais jamais l'humanité. La routine, mais pas la création ou l'invention.

Umbo (Otto Umbehr)

(Journal intime -1995)

"Bohème, flâneur et photographe", sont les premiers mots de l'introduction de Herbert Molderings pour présenter Umbo dans le petit livre de la collection Photo-Poche 1996. 

Photo : Autoportrait à la plage- 1930

lundi 1 novembre 2021

Le jour des morts

 




"C'est étrange comme on se sent bestialement vivant en remontant les allées d'un cimetière"

Léonardo Sciascia 


En Sicile, pénétrer dans une ville de moyenne importance comme Enna et surtout, en sortir sans encombre, relève de l'exploit. Les panneaux indicateurs (si vous avez la chance de les dénicher) sont quelquefois pointés vers le ciel, d'autres fois vers le sol, et même quelquefois dans les deux directions à la fois. Cette curieuse géométrie  peut laisser perplexe mais, grâce à ce coup de pouce involontaire des services municipaux, la chance nous a sourit ce jour-là. En remontant une belle route rectiligne bordée d'arbres, que nous espérons être la nationale menant à Grammichele, nous nous retrouvons subitement sur le parking du cimetière de la ville. Nous sommes le jour de la fête des morts et les marchands de fleurs ambulants ont poussés plus vite que les géraniums. Vaincus, nous décidons  de visiter ce fameux cimetière. C'est une véritable petite ville que nous devons visiter. Dans les allées larges et rectilignes, hommes, femmes et enfants, sont occupés au nettoyage des caveaux familiaux (il faut préciser que la veille, l'Etna a décidé de fêter lui aussi les défunts à sa façon en recouvrant toute l'île d'une fine suie noirâtre.) Ces caveaux sont tous d'une beauté solennelle et même si certains affichent clairement leur rang social en poussant fièrement leur flèche bien au-dessus des autres, les familles chargées du nettoyage ont bien toutes le même balai en main. Tout est si calme, apaisé, que c'est à peine si l'on perçoit la plainte du vent entre les tombes et les stèles. Ici, on frotte la photo émaillée du grand-père, là, on en profite pour prendre un petit "en cas", assis sur des chaises pliantes. Les enfants sont résignés. Les parents racontent une fois encore la vie magnifique de leurs oncles, les voyages de leur aïeuls, le destin brisé d'une cousine. Ce dialogue si particulier d'un peuple avec ses morts orchestré  par le volcan nous plonge dans la mélancolie.

Enna / Sicile/ 1 novembre 2013.

(Extrait du livre "Ecrits de voyage" toujours disponible sur demande)