samedi 28 avril 2018

Akouda






Akouda, cité fabuleuse, glissant au passage , nous fait un signe bref, plein de promesse, peut-être pour la vie entière.
Paul Klee
Journal-Avril 1914

Etrange de lire  les impressions de Paul Klee sur un village, un pays, dans lesquels je suis resté plus de huit ans. Très frustrant aussi de penser que 90 ans avant moi, comme bon nombre de poètes voyageurs, il n'a mis qu'une quinzaine  de jours tout au plus, pour comprendre le pays et ses habitants.

vendredi 27 avril 2018

Les Enfants






Les enfants n’attendent pas de leur écrivain préféré qu’il rachète les péchés de l’humanité. Tout jeunes qu’ils soient, ils savent que ce n’est pas en son pouvoir. Seuls les adultes nourrissent des illusions aussi enfantines.
Isaac Bashevis Singer
(Post-face Le Golem)


C’est qu’il se produit encore des commencements primitifs dans l’art tels qu’on en trouverait plutôt dans des collections ethnographiques ou simplement chez soi, dans la chambre d’enfant. Ne riez pas, lecteur ! Les enfants ne sont pas moins doués et il y a une sagesse à la source de leurs dons ! Moins ils ont de savoir-faire et plus instructifs sont les exemples qu’ils nous offrent, et il convient de les préserver très tôt de toute corruption.
Paul Klee
(Journal-1911)

vendredi 20 avril 2018

Le Polar Est Amour (32)


La maison nous est apparue au détour d’un bosquet de hauts arbres qui la cachait entièrement. C’était le genre d’hôtel particulier cubique et néo-grec qui faisait fureur dans les années trente. Elle était éclairée a giorno et, plantée dans l’encadrement d’une porte-fenêtre ouverte sur un perron à double révolution, une grande femme brune en robe d’intérieur rouge nous regardait monter vers elle. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Sans doute à l’idée que je me faisais de la fille d’un bistroquet du Vieux Nice, une de ces Niçoises poussées dans le clair-obscur des ruelles et des arcades et dont la beauté éclatante-et il en fallait pour séduire Jim-a déjà commencé sa cavale ventre à terre contre le temps. Pour être franc, j’aurais aimé que ses traits recèlent cette ombre de vulgarité encore à peine perceptible, ce stigmate en devenir, qui devait nécessairement couver au fond de l’âme d’une créature assez cupide pour avoir mis le grappin sur mon pote.
Je me trompais, bien sûr. Arlette Caviargini épouse Logan était tout simplement la femme la plus belle qui m’ait jamais été donné de contempler d’aussi près. Si belle qu’il m’a fallu un bon moment pour arriver à la regarder et à me servir de ma tête en même temps.
Patrick Raynal
Retour au noir

mercredi 4 avril 2018

Koh Lanta






Le quincaillier de notre résidence surveillée ( avant, dans mon enfance, on l’appelait le « marchand de couleurs » . Après deux guerres mondiales, il nous restait encore un poil de poésie, c’est un fait.) Ce Marchand-là est une ombre, un fantôme. Pour le voir, il faut se pointer devant sa boutique aux alentours de minuit. Vous le trouverez probablement assis, à siroter un thé avec ses copains épiciers, laveurs de voitures ou vendeurs de pâtisseries. Minuit, dans notre résidence surveillée ou dans les faubourgs du Caire, c’est l’heure de pointe, le coup de chaud. Alors, puisqu’il faut bien tenir la boutique ouverte dans la journée, pour les égarés, les immigrés comme nous, le quincaillier à embauché un gamin. Le garçon quitte son matelas généreusement octroyé par son bienfaiteur au fond de la boutique, entre les rouleaux de fil de fer et les pots de peinture, dans la matinée ( l’heure est variable) pour nous servir. L’employé est sombre de peau (il vient probablement des régions du grand Sud). Il est atteint d’un strabisme divergent et d’un bégaiement chronique. Aussi, pour celui qui ne maîtrise pas la langue du Sud, le dialogue est un véritable combat. Ce matin-là, j’avais besoin d’une rallonge électrique, d’une clé anglaise et de plusieurs chevilles. Notre « lutte » se prolongea pendant une bonne demie-heure, avant que ne pénètre dans la boutique mon Deus-ex-machina qui c’était glissé dans la peau d’un employé de bureau baragouinant quelques mot d’anglais. En sortant épuisé de la quincaillerie, je pensais que les épreuves de Koh Lanta, face à notre vie quotidienne, paraissaient bien pâles et sans réel danger.

En rentrant dans mon nouvel appartement, plus petit, sans climatiseur et bien plus cher que le précédant, une autre épreuve m’attendait. Un contingent d’abeilles bourdonnantes s’était glissé dans mon modeste home par la porte-fenêtre délabrée. J’engageai la lutte sans réelle stratégie et boutai l’adversaire avec une bonne dose d’inconscience hors de nos murs. Enfin, à bout de force, je me laissais tomber sur mon matelas. Il ne me restait plus qu’à attendre minuit, histoire de dénicher un réparateur pour cette fichue porte-fenêtre.
Dès mon retour en France, c’est décidé, je m’inscris à Koh-Lanta.

Julius-Marx