samedi 29 septembre 2018

Pensées sauvées du sable

La misère




La misère, c'est la mouche qui vient vous taquiner la joue, le nez, et qui entre même parfois dans votre narine. On la chasse sur un autre, sans jamais arriver à s'en débarrasser définitivement.

mardi 4 septembre 2018

Le polar Est sucré (comme les souvenirs d'enfance)



Ma nostalgie pour mon pays et pour la vie insouciante d’autrefois s’était cristallisée en un souvenir d’enfance. Lorsque mes grands-parents paternels, qui habitaient peu avant Bergame, venaient nous voir, ils m’offraient, à moi et à mes sœurs, une boite d’Otello Dufour, les meilleurs bonbons du monde. Je chipais une poignée de ces gourmandises, me réfugiais dans ma chambre ou dans le jardin avec un livre de Salgari, les défaisais l’un après l’autre et les posais délicatement sur ma langue pour les faire fondre lentement. Pendant mes années de cavale et de prison, les instants les plus intimes et les plus émouvants liés aux souvenirs finissaient toujours par se transformer en un désir pour ces bonbons au chocolat et à la liqueur. Lorsque quelqu’un est en taule, il pense toujours à la première chose qu’il fera en sortant. Mon désir s’appelait Dufour. J’entrai dans la première pâtisserie et en achetai une boîte entière. Mais sitôt que je l’eus ouverte, je m’aperçus que quelque chose n’allait pas. La forme des bonbons était ronde et non ovale, l’enrobage n’était plus du chocolat lisse et noir comme le mystère, mais était plus clair et marqueté de petits morceaux de noisettes. J’en mis un dans la bouche et découvris avec horreur que ça n’avait plus rien à voir avec les Otello de mon enfance. Je me sentis trahi et j’eus envie de pleurer. Pendant des années, j’avais rêvé de quelque chose qui n’existait plus. Je retournai dans le magasin et la propriétaire me confirma que c’était devenu une espèce de chocolat fourré.
-Vous savez, les goûts d’aujourd’hui, m’avait-elle dit en haussant les épaules.

Massimo Carlotto

*Arrivederci amore