Sueur
Ecrire,
surtout des poèmes, égale transpirer. L’œuvre est une sueur. Il serait malsain
de courir, de jouer, de se promener, d’être un athlète sans sueur. Seuls la
promenade d’un homme et l’homme lui-même m’intéressent. C’est pourquoi peu
d’œuvre de vivants me touchent. Dans l’œuvre d’un mort, dans le parfum de sa
sueur, je cherche un témoignage d’activités. Le Louvre est une morgue ; on
y va reconnaître ses amis. Nous aimons à faire sentir notre sueur, à la vendre.
La foule et le délicat n’aiment que se griser de sueur, s’intoxiquer de sueur. Du
reste la promenade, le sport ne les intéressent pas. Rimbaud au Harrar, offre
l’exemple d’un athlète de la poésie qui ne transpire pas. Mais il ne bouge
plus. Si on bouge, une fois admis qu’on en accepte l’inconvénient, il faut suer
le moins possible, et, pour ainsi dire, suer sec.
Ps : ce
que je nomme promenade, sport, n’est pas cette manière de vivre que Wilde
appelait son chef-d’œuvre. C’est la vie de l’esprit dont je parle.
Jean Cocteau
Le secret
professionnel (1925)
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