mercredi 8 juillet 2015

Journal d'un migrant (8)




Sueur

Ecrire, surtout des poèmes, égale transpirer. L’œuvre est une sueur. Il serait malsain de courir, de jouer, de se promener, d’être un athlète sans sueur. Seuls la promenade d’un homme et l’homme lui-même m’intéressent. C’est pourquoi peu d’œuvre de vivants me touchent. Dans l’œuvre d’un mort, dans le parfum de sa sueur, je cherche un témoignage d’activités. Le Louvre est une morgue ; on y va reconnaître ses amis. Nous aimons à faire sentir notre sueur, à la vendre. La foule et le délicat n’aiment que se griser de sueur, s’intoxiquer de sueur. Du reste la promenade, le sport ne les intéressent pas. Rimbaud au Harrar, offre l’exemple d’un athlète de la poésie qui ne transpire pas. Mais il ne bouge plus. Si on bouge, une fois admis qu’on en accepte l’inconvénient, il faut suer le moins possible, et, pour ainsi dire, suer sec.
Ps : ce que je nomme promenade, sport, n’est pas cette manière de vivre que Wilde appelait son chef-d’œuvre. C’est la vie de l’esprit dont je parle.
Jean Cocteau

Le secret professionnel (1925)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire