mardi 14 février 2017

Au regretté Loulou






Je commence avec la statue, parce que c’est là que j’ai entamé le projet. Pourquoi l’écriture nous fait-elle poursuivre l’écrivain ? Pourquoi ne pouvons-nous le laisser en paix ? Pourquoi les livres ne sont-ils pas suffisants ? C’est ce que voulait Flaubert-peu d’écrivains ont cru plus que lui en l’objectivité du texte écrit et en l’insignifiance de la personnalité de l’écrivain ; et cependant nous continuons à désobéir. L’image, le visage, la signature ; la statue à 93 pour 100 de cuivre et la photographie de Nadar ; le petit morceau de vêtement et la boucle de ses cheveux. Qu’est-ce qui nous excite dans les reliques ? Ne pensons-nous pas que les mots suffisent ? pensons-nous que les vestiges contiennent quelque vérité ancillaire ? Quand Robert Louis Stevenson est mort, sa nounou écossaise qui avait le sens des affaires, se mit à vendre calmement des cheveux qu’elle prétendait avoir coupés sur la tête de l’écrivain quarante ans plus tôt. Ceux qui y crurent, qui en recherchèrent, qui en demandèrent, en achetèrent assez pour rembourrer un canapé.
Julian Barnes

Le perroquet de Flaubert

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