Je commence
avec la statue, parce que c’est là que j’ai entamé le projet. Pourquoi l’écriture
nous fait-elle poursuivre l’écrivain ? Pourquoi ne pouvons-nous le laisser
en paix ? Pourquoi les livres ne sont-ils pas suffisants ? C’est ce
que voulait Flaubert-peu d’écrivains ont cru plus que lui en l’objectivité du
texte écrit et en l’insignifiance de la personnalité de l’écrivain ; et
cependant nous continuons à désobéir. L’image, le visage, la signature ;
la statue à 93 pour 100 de cuivre et la photographie de Nadar ; le petit
morceau de vêtement et la boucle de ses cheveux. Qu’est-ce qui nous excite dans
les reliques ? Ne pensons-nous pas que les mots suffisent ?
pensons-nous que les vestiges contiennent quelque vérité ancillaire ?
Quand Robert Louis Stevenson est mort, sa nounou écossaise qui avait le sens
des affaires, se mit à vendre calmement des cheveux qu’elle prétendait avoir
coupés sur la tête de l’écrivain quarante ans plus tôt. Ceux qui y crurent, qui
en recherchèrent, qui en demandèrent, en achetèrent assez pour rembourrer un
canapé.
Julian Barnes
Le perroquet de
Flaubert
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