Qu’est-ce qu’on attend pour mettre des singes sur les
machines ? Moi je proposerais ça à Agnelli : les singes à l’usine et
les ouvriers dans les arbres. Quelquefois, j’ai l’impression que nous sommes
plus bêtes que des singes.
Aujourd’hui, le chef s’est approché de ma machine. Il m’a
montré mon casier de rangement et il a dit « que signifie cette
inscription ? » Moi, faisant semblant de ne rien comprendre, quelle
inscription ? Celle-là, là, qu’il me dit en me prenant par ma veste de
bleu. Sur mon casier il y a écrit « vive la révolution », nous devons
changer la société, chasser les monstres, chasser les voleurs. Et voilà
l’engueulade qui commence : Di Ciaula, ça c’est ton matériel, tu dois en
finir avec ces inscriptions, sinon un jour tu m’obligeras à aller trouver le
chef du personnel, tu dois en finir une bonne fois pour toutes, ne fais pas
l’innocent parce que je sais que c’est toi, toi seul qui a fait ça, et là nous
avons passé les bornes, tu as compris, les boooooornes, tu as compriiiiis, les
bornes. Alors je lui dis « ho ! du calme, est-ce que par hasard
j’aurais tué quelqu’un ?, est-ce que j’aurais frappé quelqu’un, est-ce que
j’aurais cassé quelque chose ? C’est pas la peine de faire semblant de te
foutre en rogne, il ne faut pas faire la grosse voix avec moi, quand nous
laissons sueur et sang, du vrai sang, du sang rouge sur les machines, par
terre, sur les casiers, tout va bien, tout est normal, mais quand d’une plume
innocente nous traçons nos pensées, alors vous vous tortillez, s’il te plaît,
vas-t-en, personne ne t’oblige à lire cette inscription, pour moi c’est
beaucoup cette inscription, elle me tient compagnie, elle me remonte, elle me
donne une raison de vivre, elle fait partie de tout moi-même, vous voudriez que
nous soyons tous des idiots, des robots à côté des machines, mais nous nous
avons une tête, à moi cette inscription elle me montre que je suis encore un
être pensant, un type qui a des idées à lui et qui ne rumine pas les idées des
autres, s’il te plaît va-t-en, va faire chier quelqu’un d’autre. »
Tommaso di Ciaula
Tuta Blu (Bleu de travail)
(Actes Sud)
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