Pendant que je parlais au
sergent Haskell, un homme était entré dans le bureau, et, immobile
près de la porte, contemplait les panneaux de contreplaqué posés
par Eddie. La cinquantaine, veste de sport bleu pâle sur un pantalon
marron dont le pli était d’un ou deux tons plus clair que le
reste. Sa moustache formait deux ailes sous ses narines, comme s’il
lui avait donné naissance en éternuant.
L’inconnu s’approcha. Sur
le haut de son crâne, presque tous les cheveux avaient disparu. Tout
comme une bonne partie de la semelle sur la face externe de ses
chaussures. Il n’était pas corpulent, et pourtant il en donnait
l’impression. (….) Sans me quitter des yeux, il sourit. Comme
beaucoup de flics, Baxter possédait des capacités d’interrogatoire
rudimentaires, mélange à parts égales de bluff, de tentatives de
séduction et de silence.(….) Son sourire reparut. Ceux de ses
cheveux qui avaient quitté la mère patrie du crâne s’étaient
débrouillés pour coloniser ses oreilles, d’où ils émergeaient
telles des gerbes de blé. Je les imaginai oscillant doucement dans
l’air brassé par le ventilateur à l’autre bout de la
pièce.(….)Il se leva et rajusta son pantalon brun. Comme affranchi
du reste, le pli plus clair tressauta librement, évoquant un
passe-fil. (…) Sur un hochement de tête à l’adresse des autres,
il s’en alla. Par la fenêtre, nous le vîmes s’arrêter juste
devant la porte pour balayer la rue du regard. Un cow-boy à la
sortie du saloon, prêt à l’action.
Magnifique caractérisation de
personnage du grand James Sallis dans son très philosophique « Salt
River »
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