mardi 19 mars 2019

Un cow-boy



Pendant que je parlais au sergent Haskell, un homme était entré dans le bureau, et, immobile près de la porte, contemplait les panneaux de contreplaqué posés par Eddie. La cinquantaine, veste de sport bleu pâle sur un pantalon marron dont le pli était d’un ou deux tons plus clair que le reste. Sa moustache formait deux ailes sous ses narines, comme s’il lui avait donné naissance en éternuant.
L’inconnu s’approcha. Sur le haut de son crâne, presque tous les cheveux avaient disparu. Tout comme une bonne partie de la semelle sur la face externe de ses chaussures. Il n’était pas corpulent, et pourtant il en donnait l’impression. (….) Sans me quitter des yeux, il sourit. Comme beaucoup de flics, Baxter possédait des capacités d’interrogatoire rudimentaires, mélange à parts égales de bluff, de tentatives de séduction et de silence.(….) Son sourire reparut. Ceux de ses cheveux qui avaient quitté la mère patrie du crâne s’étaient débrouillés pour coloniser ses oreilles, d’où ils émergeaient telles des gerbes de blé. Je les imaginai oscillant doucement dans l’air brassé par le ventilateur à l’autre bout de la pièce.(….)Il se leva et rajusta son pantalon brun. Comme affranchi du reste, le pli plus clair tressauta librement, évoquant un passe-fil. (…) Sur un hochement de tête à l’adresse des autres, il s’en alla. Par la fenêtre, nous le vîmes s’arrêter juste devant la porte pour balayer la rue du regard. Un cow-boy à la sortie du saloon, prêt à l’action.


Magnifique caractérisation de personnage du grand James Sallis dans son très philosophique « Salt River »

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