dimanche 19 mai 2019

Tes petites oreilles invisibles





Orecchiette al ragù
Tes petites oreilles invisibles, connues de moi seule, tes petites oreilles secrètes où ficher ma langue, une langue pointue pour l'occasion, une langue qui fouine, précise, précise. Au bout de la langue la pâte suave, la petite oreille comme un doux prépuce que les dents vont exciter, précises, précises. Heureusement pour calmer la blessure, tout le ragoût  de mots un peu trop cuits que je chguchore à tes oreilles secrètes.

Linguine al tonno
Au bout de la langue, ces pâtes qui ne sont ni des papillons, ni des anneaux , ni des roues, ni des coudes, ni des plumes, ni des oreilles, ni des cheveux d'ange. Rien de tout ça, pas de pappardelle de nourriture, juste le sifflement du désir au bout de la langue, linguine, cet agacement dans les aigus qui fait perdre la tête, qui fait perdre la gravité de l'accompagnement, al tonno, qui, une seconde, fait oublier que la mariée est grevée d'une traîne.

Risotto Veneziano
Le noir encore car le risotto vénitien est à l'encre. Rien cependant n'est plus étranger à Venise que le noir. Ce qui prouve combien il y a de l'or en lui,  combien de fêtes couvent dans la suie. Tu peux goûter au noir dans mon assiette si tu veux et salir tes jolies petites dents blanches. Je te les baiserai.
Les poulpes et les suppions posés sur le riz sont les parures et les vêtements- ma belle robe achetée exprès pour manger avec toi- dont nous nous défaisons.

Trois petits textes  merveilleusement poétiques extraits de "Acqua cotta et autres mots à manger" de Maryline Desbiolles in la revue Critique de Juillet 2004 consacrée à la gastronomie.

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