Le plaisir d'obéir pousse l'homme à faire des rois et le plaisir de changer, à leur couper la tête. Ensuite, les rois lui manquent. Il célèbre ceux des autres, leur femme, leur belle-soeur, leurs amours, leurs sentinelles, leur valet de chambre. Il publie les mémoires de leur maître d'hôtel. Il cite les bons mots de leur basset. Il en emplit les journaux les plus lus. Il loue pour sa nuit de noces, dans le palais défraîchi de quelque prince teuton, la chambre humide où mourut une vieille dame qui était cousine de deux empereurs. Il cherche à se frotter aux idoles pour que la dorure lui en reste aux doigts. Il chante l'égalité, sans doute, mais le coeur n'y est pas: ce qu'il voudrait, c'est d'être plus égal que les autres, ce qu'il aimerait, ce serait d'être roi.
Alexandre Vialatte
La Statue du client in "Dernières nouvelles de l'homme".

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire