dimanche 14 août 2011

Colum Mc Cann est indispensable


Cet homme m'énerve.
Il est jeune, beau et talentueux.
Mon irritation à son égard est née à la lecture de son premier chef-d'oeuvre : Le Chant du Coyote.
Ce type est capable d'aligner des pages entières de poésie et d'émotion pure. Et, comme si cela ne suffisait pas, il sait être bref et concis comme un Fante ou un James M. Cain  dont il est, à mon sens le bienheureux héritier.
Il suffit de lire "Sérénade" du même Cain pour s'en persuader. Si l'on compare les deux romans, il n'y a pas que les aventures mexicaines du couple qui se ressemblent mais aussi et surtout le verbe et encore une fois l'émotion. Pour le verbe, lisez ce qui suit .
"Le Mexicain et mon père prirent un bateau qui retournait vers les confins verdoyants du monde avec un chargement de bananes pourries. Le débarquement des marchandises avait été refusé dans le port espagnol à cause d'une vendetta. Le capitaine déversa les bananes à une courte distance des côtes - mon père racontait qu'elles tombèrent dans l'eau limpide comme d'obscurs poissons noirs.
A bord, lui et le soldat jouèrent au poker et eurent des rêves nauséeux, ils se bagarrèrent avec d'autres passagers, ils lancèrent des mégots de cigarettes dans le sillage laissé par le bateau, et les regardèrent grésiller avant de toucher l'eau, ils firent payer aux marins les portraits pris dans la salle des machine, ramassant ainsi à eux deux un peu d'argent. Le Mexicain déambulait sur le pont, les yeux fixés sur la photo de sa soeur, et promettait des merveilles à mon père, une maison sur les bords du Rio Grande, une plantation de tamaris, douze poulets vigoureux, une moto qui ne crachoterait pas."
Quant à l'émotion, je devrais recopier la totalité du bouquin, alors, lisez simplement ceci :
"Il pensait souvent à la soeur du soldat mexicain. Sa photo avait marqué sa mémoire comme un éclair de magnésium. De temps en temps, il se réveillait et voyait comme en rêve deux doigts qui lui faisait signe d'approcher . Il allait partir à la recherche de la fille. Il remonta tout au nord, vers la frontière du Texas, et, quand il apercevait des camionnettes grises, il lui arrivait de faire du stop pour traverser les montagnes. Quelquefois des hommes lui parlaient  d'une guerre immense qui avait éclaté de l'autre côté du monde, de rumeurs selon lesquelles des femmes émaciées entraient pieds nus dans des chambres à gaz, par rangées entières, aussi pâles que des lits de printemps, de petits engins explosifs flottant sur les eaux du Pacifique, d'une éclosion de fils barbelés encerclant l'Europe- mais tout cela était à des années-lumière, il ne parvenait pas à comprendre que des hommes perpétuent leurs passions mortelles après les atrocités en Espagne. Il suivait la ligne médiane qui sépare le vagabond du lâche, je suppose."
Je pourrais également vous parler de la structure narrative  avec ses chapitres curieusement dissimulés, donnant à l'ensemble une unité déconcertante obligeant le lecteur couché a conserver  le bouquin dans ses mains, oubliant les appels répétés de ses proches  pour se restaurer ou partir se promener dans la nature pour rencontrer des gens.
Pfff! La nature, les humains, la belle affaire! Mais tout est dans ce bouquin !
Bon, je dois vous laisser car, je viens de confectionner une cible avec la photo du bellâtre et je vais de ce pas la bombarder de fléchettes.
Julius Marx
ps: promis, on parle de ses autres bouquins plus tard, juste le temps de me remettre.
Colum Mc Cann / Le chant du Coyote / 10/18 N° 2799
James M.Cain  Serénade / Folio

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