dimanche 11 septembre 2016

Une gigantesque étoile de mer


Pour couronner le tout, ils s’étaient fait voler leur gourde ; quelqu’un la leur avait chipée sur le pare-chocs avant de la voiture pendant qu’ils se faisaient bousculer par les foules de midi sur le trottoir. Ca pouvait être n’importe qui : l’homme à l’appareil photo, ce gosse, cette Noire en robe rose à fleurs. La culpabilité se diffusait à travers la foule comme une goutte de teinture vermillon dans une coupe d’eau pure ; tous en étaient souillés. Que leur visage fût franc, abruti ou matois, ils étaient tous des voleurs. Le dégoût nouait la gorge de Norton. Sitôt monté dans la voiture, il s’affaissa, ferma les yeux et laissa Sadie conduire. Un air plus vif lui rafraîchissait les tempes. Il avait l’impression que ses mains et ses pieds s’élevaient, s’allongeaient, pâles et gonflés sous l’effet d’une levure de songes. Tel une gigantesque étoile de mer lumineuse, il dérivait aux confins du sommeil, sa conscience tapie quelque part par là, ténébreuse et secrète comme une noix.

Sylvia Plath

Le cinquante-neuvième ours
Image : L'homme à la tête renversée (Marc Chagall-1919)

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