vendredi 20 avril 2018

Le Polar Est Amour (32)


La maison nous est apparue au détour d’un bosquet de hauts arbres qui la cachait entièrement. C’était le genre d’hôtel particulier cubique et néo-grec qui faisait fureur dans les années trente. Elle était éclairée a giorno et, plantée dans l’encadrement d’une porte-fenêtre ouverte sur un perron à double révolution, une grande femme brune en robe d’intérieur rouge nous regardait monter vers elle. Je ne sais pas trop à quoi je m’attendais. Sans doute à l’idée que je me faisais de la fille d’un bistroquet du Vieux Nice, une de ces Niçoises poussées dans le clair-obscur des ruelles et des arcades et dont la beauté éclatante-et il en fallait pour séduire Jim-a déjà commencé sa cavale ventre à terre contre le temps. Pour être franc, j’aurais aimé que ses traits recèlent cette ombre de vulgarité encore à peine perceptible, ce stigmate en devenir, qui devait nécessairement couver au fond de l’âme d’une créature assez cupide pour avoir mis le grappin sur mon pote.
Je me trompais, bien sûr. Arlette Caviargini épouse Logan était tout simplement la femme la plus belle qui m’ait jamais été donné de contempler d’aussi près. Si belle qu’il m’a fallu un bon moment pour arriver à la regarder et à me servir de ma tête en même temps.
Patrick Raynal
Retour au noir

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