Notre
bonne vieille France n’aime pas les écrivains inclassables. Si les
exemples ne
manquent pas dans la littérature blanche, le Noir, qui
pourtant est une littérature de
déclassés subit
lui aussi cette même loi imbécile.
Mais,
qu’est-ce qu’un inclassable ? On pourrait penser, par
exemple, à un écrivain
cabochard qui ne fait jamais ce qu’on
attends de lui , un auteur frivole qui change de
style comme de
chemise, un hystrion qui travaille encore sur Pc alors que l’ensemble
de ses collègues ont adoptés le Mac depuis belle lurette!
Bref , un homme peu fiable
qui ne tient jamais ses promesses? Car,
voyez-vous, le public a ses habitudes et vouloir
changer ses petites
manies est toujours périlleux. C’est à coup sur ce que vous
expliquerai un éditeur en tétant son Roméo et Juliette (1)
ou un marchand de lessive en
empilant ses barils en tête de
gondole.
Cette
qualité qui n’est pas immédiatement visible chez les écrivains,
nous la retrouvons
par exemple chez les grands peintres qui évoluent
tous au fil du temps à une vitesse
foudroyante. Si au moment de la
présentation de leurs nouvelles toiles certains esprits
bienveillants demandaient clairement leurs têtes, pendant que le
public tentait de
gratter la peinture pour faire disparaître ces
formes et couleurs sacrilèges(2)
, bien après
leur mort, les voilà devenus des génies !
Dans notre sphère polar, on élèvera probablement une statue au grand James Ellroy
tout
près du golf de Los Angeles dont j'ai oublié le nom. Un spécialiste nous parlera
(avec des trémolos
dans la voix) de ce pionnier de l’abstraction littéraire au style
si particulier.
En
France le champion incontesté des inclassables reste Pierre Siniac.Ce Pierrot le fou
du roman noir est l’auteur de
nombreux bouquins de genre et de contenu différents.
Il y a d’abord
le polar classique comme Deux pourris dans l’île (Série
noire) avec sa
construction si parfaite. Puis, la série totalement déjantée
des luj inferman et
ses deux
héros débarqués d’un autre monde. Mais l’homme a
officié également dans le style
vieille
France, avec ce
Mystère de la sombre zone,
qui fait évidemment
penser à ce
cher Gaston, plongeant
même dans
l’épopée militaro-cynique avec le
franchouillard et
croustillant Morfalous.
Ses deux chefs-d’oeuvre
restant (à mon sens)
Femmes
blafardes et Aime le Maudit. Deux
récits remarquablement construits mettant en scène
ces fameuses
« petites gens »
qui n’a
jamais cessé d’observer
de son œil malicieux.
On
pourrait dire pour conclure que notre bonhomme ironise presque
toujours sur la
méchanceté crasse des humains. Alors, Célinien,
notre bon Pierrot ? Lisez tout Siniac
et vous verrez par
vous-même.
Julius
Marx
(1)
C’est un cigare cubain !
(2)
L’anecdote est véridique
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