Lorsque Genghi le Resplendissant, le plus grand séducteur qui ait jamais étonné l'Asie, eut atteint sa cinquantième année, il s'aperçut qu'il fallait commencer à mourir. Sa seconde femme, Mourasaki, la princesse Violette, qu'il avait tant aimée à travers tant d'infidélités contradictoires, l'avait précédé dans un de ces Paradis où vont les morts qui ont acquis quelque mérite au cours de cette vie changeante et difficile, et Genghi se tourmentait de ne pouvoir se rappeler exactement son sourire, ou encore la grimace qu'elle faisait avant de pleurer. Sa troisième épouse, la Princesse-du-Palais-de-l'Ouest, l'avait trompé avec un jeune parent, comme il avait trompé son père aux jours de sa jeunesse avec une impératrice adolescente. La même pièce recommençait sur le théâtre du monde, mais il savait cette fois que ne lui serait plus réservé que le rôle de vieillard, et à ce personnage il préférait celui de fantôme.
Marguerite Yourcenar
Le dernier amour du prince Genghi
in Nouvelles Orientales
J'ai beaucoup admiré les mémoires d'Hadrien, L'habileté de Marguerite à donner cours à sa masculinité (homosexuelle) en se glissant dans sa peau, en décrivant le trouble vertueux de ses amours, de ses réflexions sur le pouvoir, de sa romanité antique et pourtant moderne, parce qu'intemporel. Ecrire, c'est se révéler et s'affirmer, ce que je n'ai jamais vraiment souhaité, me sentant toujours délacée en ce monde. Pour s'affirmer, il faut un peu d'arrogance, de confiance en soi, d’intérêt pour le monde, toute chose qui font défaut pour une contemplative, une observatrice. Toute mon entreprise humaine a donc logiquement échoué dans le déploiement de ses actions. Le corps m'est également obstacle. On y lit trop d'évidences, et je déteste les évidences, je préfère les sous-jacences.
RépondreSupprimerJe comprends. je sais aussi que je n'ai pas eu assez "d'arrogance" pour écrire mieux !
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