C’est étrange comme le quartier de Maadi me
fait penser aux rues de Rome. Mêmes avenues bordées d’arbres (si l’on excepte
les somptueux flamboyants bien entendu) mêmes échoppes ambulantes de marchand de
fruits, mêmes stations-services débordant sur le trottoir, mêmes petits
jardins publics que l’on croirait à l’abandon, mêmes policiers vêtus de blanc
qui tentent en vain de réglementer un trafic démentiel, et même soleil
implacable. Je sais bien qu’aux terrasses de la ville de la Dolce Vita le promeneur n’a aucune chance
de croiser des hommes alanguis occupés à fumer la chicha ni d’apercevoir de carcasses de moutons ou de
boeufs sanguinolentes qui pendent devant les boucheries, mais pourtant…
Le long du
Nil lent et pollué (où l’on ne peut rien
écrire, selon Durrell) il peut arriver que quelques marins hardis vous proposent
une petite balade en felouques mais vous
avez beaucoup plus de chance de croiser des policiers armés qui vous demandent
gentiment de circuler.
L’épicier de
notre résidence surveillée ne vend que deux marques d’eau minérale ; l’une
de la compagnie Coca-Cola et l’autre de la firme Nestlé.
Dès mon
arrivée, mes amis de l’immeuble m’ont vivement recommandé de lire Poil de
Cairote de l’écrivain français Paul Fournel, qu’à ma grande honte je ne
connaissais pas. De ce bouquin délicieux je livre cet extrait très poétique :
« Aux
enterrements, sous les toiles baladis multicolores, on sert le café sans sucre
parce que la vie sans le défunt est devenue amère. Pendant quarante jours on se
méfie du retour de son âme. C’est le temps qu’il lui faut, en effet, pour
passer à travers les différentes douanes du ciel et se fixer pour l’éternité au
paradis ou en enfer. Le jour du Quarantième, on fait une nouvelle cérémonie
funèbre devant le portrait du mort. Le soir, la famille procède au partage de l’héritage.
On peut alors resucrer son café. »
Julius Marx
Extrait du livre Poil de Cairote (Paul Fournel-Point-2007)
Image : Alberto Sordi et Brunella Bovo dans Lo Sceicco Bianco (Federico Fellini-1952)
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