Pour nous
rendre visite, il vous faudra obligatoirement emprunter une petite portion de l’autoroute
qui relie Le Caire à Alexandrie. Si les guérites du péage (rassurez-vous, c’est
une somme modique qui vous sera demandé) ne sont qu’un simple assemblage de parpaings,
soyez tranquilles et détendus, amis visiteurs, vous ne risquez absolument rien.
Une fois la barrière franchie, vous apercevrez un joli char de couleur sable.
Il est inutile, je pense, de vous recommander de ne pas agiter les bras dans
tout les sens ni de klaxonner pour tenter de distraire le pilote.
Chaque
matin, nous nous réveillons dans la brume. Je suis persuadé que les chauffeurs des
camions et des nombreux engins, les ouvriers du chantier et les sentinelles de
la résidence, tous assis, tranquillement
occupés à siroter leur thé, n’attendent qu’une seule chose pour se lancer dans
la tourmente, qu’elle se dissipe. Ils ne patientent qu’une petite demi-heure,
pas plus.
Comme dans
beaucoup de grandes capitales du monde, les autochtones (du moins, ceux qui en
ont les moyens) sont très friands de grands centres commerciaux. Dans cette
ville gigantesque ils sont évidemment à
la mesure de leurs attentes. Celui que nous visitons ce soir-là n’a pas moins de vingt-six entrées réparties tout le long de ses grands murs d’enceinte ;
une véritable forteresse de la consommation. Grâce au sympathique oncle Sam qui
s’est occupé de tout, avec l’efficacité qu’on lui connait, le chaland peut
déambuler entre les fast-food chics et branchés où l’on vous propose une petite salade de quinoa à un prix si élevé qu’on
ne peut s’empêcher, lorsque elle arrive sur votre table, d’établir le rapport
entre le contenu de son assiette et le salaire moyen de la journée de travail d’un
ouvrier. Une foule dense se presse pourtant dans les grandes allées, regardant
les devantures des magasins avec des yeux émerveillés (sauf les aveugles, bien
entendu.)
Entre les
bassins aux charmants petits jets d’eaux, Je m’arrête devant un gros cube à
trois faces qui m’intrigue. En s’approchant, on peut voir, sur la gauche, une
sorte de cage. Sur le mur de droite, on a collé une grande toise et, au centre
de ce qui doit être une pièce, posé un bureau modèle réduit avec deux petits drapeaux égyptiens. S’étonnant de ma
perplexité, mon ami ne peut s’empêcher de sourire.
-C’est
pourtant simple. Regarde, me dit-il, là (montrant la cage) c’est la prison. De
ce côté (montrant la toise) on fait défiler les suspects. Et le bureau, c’est
celui du commissaire.
-Mais, à
quoi ça sert ?
-C’est un
décor, me répond-il en ouvrant de grands yeux. Les enfants se font
photographier à l’intérieur.
Nous mettons
très longtemps à retrouver la sortie.
Julius Marx
Photo : You only Live Once (Fritz Lang,1937)
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