mercredi 22 janvier 2014

Le Polar est Méchant



Il trébucha sur ses chaussures, mais se remit d'aplomb. Il trouva le commutateur sans difficulté, et alluma. Il tournait le dos au lit, aussi la première chose qu'il vit fut le mur de la chambre. Non seulement Allie avait changé les meubles, mais elle avait retapissé ces sacrés murs!
A ce moment, l'ivresse de Len s'était presque entièrement dissipée. Il commença à se tourner vers le lit. Et puis, il eut soudain l'idée que quelque chose n'allait pas du tout. Allie était capable de changer les meubles et peut-être même, de retapisser la pièce. Mais jamais, au grand jamais, même dans le délire d'imagination le plus affreux, Allie ne serait capable de choisir un papier violet orné de grandes roses mauves !
C'est à ce moment-là que Len Neilsen aperçut le cadavre sur le lit !
C'était celui d'un homme chauve, modestement vêtu d'une veste de cuir, d'une chemise bleue et de chaussures marron à talons hauts. Mais ce ne furent pas les vêtements de l'homme qui attirèrent surtout l'attention horrifiée de Len. Il ne voyait que le petit trou rond au milieu de son front, et le filet de sang qui s'était écoulé tout le long de sa figure parcheminée pour former finalement une petite flaque sur l'oreiller blanc. L'homme avait les yeux grand ouverts et regardait fixement le plafond. Mais Len n'avait pas besoin d'avoir fait sa médecine pour savoir que l'homme ne voyait pas le plafond. D'instinct, il comprit immédiatement que l'homme était mort, et bien mort.
Il se fit alors un curieux raisonnement. Sa première pensée bien nette fut : "Mon Dieu! si j'étais une femme je me mettrais à hurler!"
Il éprouva d'ailleurs une envie quasi irrésistible de pousser des hurlements. Machinalement, Len s'approcha un peu du lit. A cet instant précis, il comprit enfin ce qui avait dû lui arriver.
Il n'était pas dans sa chambre. En fait, il ne se trouvait même pas dans sa propre maison.
Lionel White 
The house next door
Série Noire n° 333

Le hasard ( j'ai acheté le livre dans la même librairie ) a voulu que je lise le roman de Lionel White tout juste après celui de Siniac. Dans les deux ouvrages, la mécanique est sensiblement identique.Les auteurs font se confronter un nombre assez élevé de personnages qui se croisent, s'évitent et finissent par s'affronter. Mais,manifestement, ils ne poursuivent pas le même but. Pour Siniac, ils servent à décrire le désordre social en fustigeant, par exemple, les pleins-pouvoirs  des politiques et de leurs sbires, pendant  que  White s'amuse, avec une  férocité  soutenue,  à démolir des couples de cadres moyens qui rêvent de grimper tout en haut de l'échelle sociale.
Si les deux auteurs ont bien la même réflexion sur le Mal , un seul pourtant nous en explique aussi clairement que possible la cause.
Pourtant, chez White, c'est l'ensemble de la société qui part à vau l'eau . Ainsi, l'auteur du casse  (personnage principal ) est un ancien flic et, mis à part une charmante octogénaire, le lecteur cherche en vain un personnage positif.
Rien n'est simple, mais tout est Noir.
L'honneur est sauf.
Julius Marx
photo: Victor Mature in  I wake up screaming 
(H.Bruce Humberstone -1941)

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