vendredi 31 janvier 2014

Le Polar est philosophique


Il serait ici dans une minute. Maintenant, il devait être dans l'escalier, bien que je ne puisse l'entendre. pas même un craquement. Un craquement m'aurait soulagé, l'aurait situé. J'avais l'impression d'être enfermé dans les ténèbres, un cobra glissant, se levant silencieusement, quelque part autour de moi.
Je n'avais pas d'armes dans la pièce. Il y avait des livres, là sur le mur, dans le noir, à portée de ma main. moi qui ne lisais jamais. Les livres de l'ancien propriétaire. Il y avait un buste de Rousseau, ou de Montesquieu...je n'avais jamais pu déterminer lequel des deux. C'était une horreur, mais qui datait, elle aussi, d'avant ma venue.
Arquant le dos, je me soulevai de mon siège et désespérément, tentai de l'agripper. Par deux fois, l'extrémité de mes doigts glissa sur lui sans pouvoir le saisir; au troisième essai, je le fis basculer, et au quatrième, il tomba sur mes genoux, me rejetant sur ma chaise. J'avais un plaid sous moi. Par ce temps, je n'en avais pas besoin pour m'en envelopper et je l'utilisai pour rendre ma chaise plus confortable. Je l'extirpai de dessous moi et l'enroulai autour de moi comme la couverture d'un guerrier indien.
Puis, me recroquevillant le plus possible sur mon fauteuil, je laissai ma tête et une épaule pendre par-dessus mon bras, du côté le plus proche du mur.Je hissai le buste sur mon autre épaule, relevée, le posai là en équilibre précaire, comme une seconde tête, la couverture autour de mes oreilles. De derrière, dans le noir, cela ressemblait...je l'espérais...
William Irish
Rear Window

C'est bien dommage que le scénariste de Rear Window n'ai pas jugé utile de conserver cette scène du buste de Rousseau, ou Montesquieu... Qu'importe, lire cette courte nouvelle d'une quarantaine de pages de William Irish est très enrichissant pour l'amateur de roman noir,  mais aussi pour le cinéphile. On y découvre par exemple que ce qui pour le romancier constitue la chute de son histoire (la jambe dans le plâtre de Jeff, le  personnage principal, qui l'immobilise) devient pour le scénariste le point de départ de la scène d'exposition du film. On comprend également que  les personnages secondaires du film ( la fiancé de Jeff, la femme de ménage),  absents dans la nouvelle racontée en monologue intérieur, on étés spécialement crées pour s'opposer à la quête de jeff. De cette façon, l'homme reste en conflit permanent. Tous ces opposants finissant évidemment par devenir adjuvants.On peut noter aussi que le film ne raconte rien des motivations du tueur, ce qui n'est pas le cas dans la nouvelle. Enfin, si le romancier ne donne aucune indication sur le métier de Jeff,  l'idée de Hitch d'en faire un photographe se révèle, bien entendu, salutaire pour le script.
Et puis, il y a aussi cette scène où la jeune femme se déshabille devant la fenêtre... enfin, passons.
Julius Marx

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