Il y a chez
le joyeux SS on ne sait quoi de pimpant et de militaire qui emporte l’amour des
foules. Derrière lui, l’horizon s’embrase, l’herbe s’étiole, le négligeable Juif
retourne à la poussière, et le bébé, matriculé sur le bras gauche, va rejoindre
dans la chambre à gaz une mère enceinte inutile à l’« Europe ». Et c’est
ainsi qu’il unifie le continent. Dans la fumée. Grand tableau historique. Le
général Hausser en est tout attendri, tout glorieux. Il est temps, dit-il, de
réhabiliter ce « pionnier de l’unification de l’Europe » ; de
faire cesser de méprisable « calomnies » et de puériles « chicanes »
qui retiennent encore en prison, « sous prétexte » de crimes de
guerre, cet idéaliste délicat. Quand plaindra-t-on enfin le sort infortuné de
la pauvre division Das Reich (celle d’Oradour !),
que de perfides Bretons assaillirent au mépris des lois de la guerre ?...
Ca s’imprime
tout cru en Allemagne, à Goettingen, chez M. Pless-Schüz, et ça s’appelle Les SS au travail.
Rendons
justice à ces hussards des crématoires. Ils auraient fait l’unité de l’Europe
si on pouvait rattraper la fumée.
Alexandre Vialatte
Chroniques de La Montagne
(21 avril
1953)
Je suis bien conscient qu’une ligne, même bien écrite, ne peut
remplacer une bonne matraque. Mais, il me semble tout de même que nous manquons
cruellement aujourd’hui de ce genre d’auteur, remplacés par des idiots-visuels
ou des aveugles chroniques.
Photo: Le To be or not to be de Lubitsch
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