vendredi 5 février 2016

Pour en finir avec la colonisation (3)




La plupart des nouveaux arrivants dans ce pays, et dans pas mal d’autres de ceux que l’on appelle généralement le tiers-monde et où j’ai eu la chance de résider, apportent tous avec eux une tenace et insidieuse culpabilité post coloniale. Insidieuse, parce que cette  culpabilité qui  peut apparaître comme bénigne se transforme en réalité avec le temps en une grave maladie qui les empêche certainement d’évoluer, de juger sereinement et calmement.
Handicapés par ce mal incurable, ils sont les proies faciles de ceux qui profitent sans se priver le moins du monde de leur naïveté. Ainsi, dès leur arrivée sur cette terre promise, les voilà qui offrent des loyers mirobolants, dignes des contes des Mille et une nuit, à des propriétaires avides qui n’en demandaient pas tant. Les voilà qui mangent tout et n’importe quoi du moment que la marchandise proposée est garantie locale. Les voilà qui approuvent sans aucune hésitation le mensonge, la mauvaise foi et la tricherie au nom de je ne sais quelle équité. Pour eux, la raison du plus pauvre est toujours la meilleure. Mais, de fait, ils ne se demandent jamais pourquoi ces pauvres, justement, le sont encore après tant d’années ?
Et puis, leur séjour prenant fin, ils finissent par rentrer chez eux, dans ce pays si laid, si injuste et cruel où ils se sont finalement acheté une maison pour goûter un repos bien mérité. Bien sûr, certains continueront à s’informer du destin de ceux qu’ils ont connus quelques mois, quelques années, en ne manquant aucun épisode de la grande fiction audiovisuelle.
Pendant ce temps, les affaires continuent. A l’étage du dessus les monarques organisent d’agréables petites parties réservées à la grande famille et à quelques privilégiés soigneusement triés sur le volet. Au sous-sol, le Peuple d’en bas apporte un soin tout particulier pour mettre en pratique les consignes rigoureuses des petits Goebbels de la propagande.
Côté création, il y a bien longtemps que le clown de chez Mc Donald et les ersatz de pitoyables académies télévisées ont remplacés Omar Khayyam. Une autre colonisation s’est installée, plus sournoise et certainement plus implacable que la précédente. La précédente qui avait au moins les excuses de l’évangélisation, le progrès ou de l’amélioration des conditions sanitaires et sociales. L’unique but de cette nouvelle colonisation est évidemment le profit immédiat, mais cette fois-ci, sans aucun alibi. 
Cette société à deux vitesses ne date, hélas, pas d’aujourd’hui et son unique moyen de fonctionner et de perdurer reste l’ignorance.
Impossible d’achever ce texte sans citer un de ces arrivants dont je parlais en début d’article, étonné et indigné de découvrir qu’une école anglaise portait le nom de Rudyard Kipling. Pensez donc, un homme ayant eu l’impudence d’écrire un poème avec quelques strophes glorifiant le travail de l’homme blanc ! Quant au reste de l’œuvre, pas besoin d’ouvrir un de ces nombreux romans sans imaginer ce qu’ils contiennent comme abominations et rancœur.
Pourquoi vouloir les délivrer de leurs croyances, chère nuit égyptienne ?

Julius Marx

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