La plupart
des nouveaux arrivants dans ce pays, et dans pas mal d’autres de ceux que l’on
appelle généralement le tiers-monde et où j’ai eu la chance de résider,
apportent tous avec eux une tenace et insidieuse culpabilité post coloniale.
Insidieuse, parce que cette culpabilité
qui peut apparaître comme bénigne se
transforme en réalité avec le temps en une grave maladie qui les empêche
certainement d’évoluer, de juger sereinement et calmement.
Handicapés
par ce mal incurable, ils sont les proies faciles de ceux qui profitent sans se
priver le moins du monde de leur naïveté. Ainsi, dès leur arrivée sur cette terre promise, les voilà qui offrent des
loyers mirobolants, dignes des contes des Mille
et une nuit, à des propriétaires avides qui n’en demandaient pas tant. Les
voilà qui mangent tout et n’importe quoi du moment que la marchandise proposée
est garantie locale. Les voilà qui approuvent sans aucune hésitation le
mensonge, la mauvaise foi et la tricherie au nom de je ne sais quelle équité.
Pour eux, la raison du plus pauvre est toujours la meilleure. Mais, de fait,
ils ne se demandent jamais pourquoi ces pauvres, justement, le sont encore
après tant d’années ?
Et puis,
leur séjour prenant fin, ils finissent par rentrer chez eux, dans ce pays si
laid, si injuste et cruel où ils se sont finalement acheté une maison pour
goûter un repos bien mérité. Bien sûr, certains continueront à s’informer du
destin de ceux qu’ils ont connus quelques mois, quelques années, en ne manquant
aucun épisode de la grande fiction audiovisuelle.
Pendant ce
temps, les affaires continuent. A l’étage
du dessus les monarques organisent d’agréables petites parties réservées à la
grande famille et à quelques privilégiés soigneusement triés sur le volet. Au sous-sol,
le Peuple d’en bas apporte un soin
tout particulier pour mettre en pratique les consignes rigoureuses des petits
Goebbels de la propagande.
Côté
création, il y a bien longtemps que le clown de chez Mc Donald et les ersatz de
pitoyables académies télévisées ont remplacés Omar Khayyam. Une autre
colonisation s’est installée, plus sournoise et certainement plus implacable
que la précédente. La précédente qui avait au moins les excuses de l’évangélisation,
le progrès ou de l’amélioration des conditions sanitaires et sociales. L’unique
but de cette nouvelle colonisation est évidemment le profit immédiat, mais
cette fois-ci, sans aucun alibi.
Cette société
à deux vitesses ne date, hélas, pas d’aujourd’hui
et son unique moyen de fonctionner et de perdurer reste l’ignorance.
Impossible d’achever
ce texte sans citer un de ces arrivants dont je parlais en début d’article,
étonné et indigné de découvrir qu’une école anglaise portait le nom de Rudyard
Kipling. Pensez donc, un homme ayant eu l’impudence d’écrire un poème avec
quelques strophes glorifiant le travail de l’homme blanc ! Quant au reste
de l’œuvre, pas besoin d’ouvrir un de ces nombreux romans sans imaginer ce qu’ils
contiennent comme abominations et rancœur.
Pourquoi
vouloir les délivrer de leurs croyances, chère nuit égyptienne ?
Julius Marx
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