dimanche 14 février 2016

Calatina



Calatina. (Petite descente).
Désigne ce qu’on mange avec son pain, peut-être parce que c’est ce qui aide le pain à  calarsene, descendre. Je me souviens de calatine faites d’un œuf dur qu’on mettait dans la bouche puis qu’on ressortait entier de façon à donner à la langue et au palais seulement un léger goût, juste ce qu’il fallait pour manger une tranche de pain ; ou bien d’une sardine salée, oscillant au bout d’un fil et qu’on léchait entre deux bouchées. Mon grand-père avait coutume de donner à ses ouvriers agricoles une portion de caponatina : aubergines, céleri et câpres cuits dans la sauce tomate et assaisonnés de quelques gouttes de vinaigre. Hautement savoureuse, d’une valeur nutritive sûrement très faible, mais qui faisait « descendre » le pain à ravir.
La fille de don Sasà, richissime propriétaire terrien, tomba amoureuse de Tino Ciotta, fils d’ouvriers agricoles très pauvres, qui était beau comme un dieu. Elle remua ciel et terre pour épouser son Tino, et finit par y arriver. Elle s’appelait Fana et c’était une naine moustachue, disgracieuse et impérieuse, qui avait la main leste. Un an après ce mariage, il arriva aux oreilles de don Sasà que son gendre, désormais riche, menait joyeuse vie, encore qu’en gardant la plus parfaite discrétion. Don Sasà le fit venir dans son bureau et n’y alla pas par quatre chemins :
« Parlons peu mais parlons bien, commença-t-il, j’ai su que tu as des maîtresses.
-Vous plaisantez ? Je n’ai pas de maîtresses.
-Et cette femme que tu entretiens à l’hôtel Pace, à Girgenti, ce n’est peut-être pas ta maîtresse ?

-Ma maîtresse ? Elle ? Il s’agit bien de maîtresse ! C’est la calatina qui me fait avaler chaque jour ce quignon de pain dur qu’est votre fille. »
Andrea Camilleri
Le jeu de la mouche
(Mille et une nuits)
Traduction Dominique Vittoz
Savoureux comme une belle sardine grillée ce bréviaire du sicilien raconté par le Maestro.
Un autre extrait sur ce blog avec pour titre " Le jeu de la mouche".

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