lundi 20 novembre 2017

Voilà pourquoi Montalbano mange !

 



Il dressa la table sur la véranda, sortit du frigo l’assiette contenant une grosse portion de poulpe, la porta dehors, l’assaisonna d’huile et de citron. Il acommença à manger avec une certaine satisfaction, savourant sa vengeance de la frousse matutinale. La bête était très tendre. Adelina l’avait cuite à point.
Tout à coup, il lui revint à l’esprit un passage du livre d’un scientifique, spécialiste en animaux et dénommé Alleva, qui disait que les poulpes étaient très ‘ntelligents. Un instant, il resta fourchette en l’air. Puis il aréflechit que le destin des intelligents était toujours et en tous les cas d’être mangés par des crétins plus fourbes qu’eux. Il areconnut sans difficulté être un crétin et recommença à manger.
De toute manière, lourd à digérer comme il l’était, le poulpe allait se venger en l’empêchant de dormir. Un partout.
Andrea Camilleri
(Una voce di notte-Une voix dans l’ombre)
Traduction Serge Quadruppani


Voilà pourquoi Montalbano mange. Pour avaler encore et encore jusqu’à épuisement tout ce qui reste de beau, de savoureux ou de sublime dans son monde. Comme les privés de Chandler et Hammett avant lui, il a compris que la chute est proche. Alors, il mange une énorme portion de rougets, une double ration de lapin chasseur, des spaghettis aux praires et aux moules (une portion et demie), des calamars et gambas grillés. Du vin, mais ni eau, ni café. Tout ce cérémonial ne fait évidemment pas partie d'un ensemble de recettes, comme dans la plupart des romans ou autres séries qui se bousculent au portillon du roman noir, mais bel et bien d'un exutoire magnifique. Bon appétit à tous.
Julius Marx

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