Dahab ne
joue pas les jeunes filles effarouchées, elle se montre, désinvolte et heureuse
de vivre, même si elle reste retenue par le désert, ce père autoritaire et
rustre. Alors, pour espérer, elle s’est tournée tout naturellement vers la Mer
Rouge qui lui a rendu son sourire. Lorsqu’on décide de lui rendre une petite
visite, en toute amitié, les surprises ne manquent pas. Mais, n’allons pas trop
vite. Pour mériter Dahab et ses faveurs, il faut d’abord une dizaine d’heures
de bus et puis, espérer passer sans trop de problème la vingtaine de postes de
contrôle de l’armée ou de la police. Aux abords du Canal de Suez, ce sont les hommes
de sable de l’armée qui nous demandent sèchement de descendre du bus pour récupérer nos bagages
et puis les aligner devant nous, le long d’un muret. Alors, les voyageurs et
leurs valises sont passés en revue par un gamin d’une vingtaine d’années
qui retient au bout d’une corde un berger allemand. En observant le chien
renifler nos sacs, je pense à la phrase de Prévert « je préfère les chats
aux chiens car il n’y a pas de chats policiers. » Je remarque aussi que l’ensemble
des passagers du bus prend la chose avec bonne humeur, habitué sans doute à
vivre dans un état où les interdits sont aussi nombreux que les rochers du
désert qui nous entoure. J’ai beaucoup de mal à les imiter, j’avoue que tous
ces soldats armés jusqu’aux dents et ces civils qui tournent autour de nous
avec des pistolets à la ceinture m’impressionnent un peu.
Ensuite, il nous
faudra compter sur la chance pour franchir les autres barrages. Si certains
policiers ne font qu’ouvrir la porte du bus pour jeter un rapide coup d'oeil à l’intérieur,
d’autres vont vérifier les papiers d’identité de chacun, s’attardant même sur
quelques faciès qu’ils jugent suspects. Ici comme ailleurs le délit de « sale
gueule » existe bel et bien !
Dans ce climat particulier, impossible de ne pas sourire lorsque
notre chauffeur décide de passer un film avec Stallone et ses acolytes, qui
canardent, avec la grande rigueur professionnelle qui les caractérise, des soldats de l’ancien bloc de l’Est ? (je
ne puis l’affirmer, le son était inaudible) pendant près de deux heures.
Sur la route
droite à l’infini qui longe la mer, nous tentons d’oublier les herses et les
barbelés au profit d’une nature intacte. A bord, la vie reprend. Le bus assure
également la liaison entre les différents postes de surveillance isolés du
monde des vivants. Des soldats montent et descendent, des marchandises changent
de main.
Après Charm el chehk la touristique, la nuit tombe
sur un autre désert semés de roches qu’on jurerait tombées du ciel. Ce désert
que Loti qualifie de « triste jardin sans limite visibles » lors de
son voyage vers le monastère Sainte-Catherine en 1909. Puis, nous plongeons enfin vers la mer et Dahab.
Julius Marx
(A suivre)
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