La chute des
anges peut aussi se traduire : chute des angles. La sphère est faite d’un
amalgame d’angles. Par les angles, par les pointes, s’échappe la force. C’est
la raison de l’architecture des pyramides. Chute des angles signifie donc :
sphère idéale, disparition de la force divine, apparition du conventionnel, de
l’humain.
Toutes ces
données n’inspirent pas un poète, mais le stimulent. Aussi, lorsque vous l’entendez
dire d’un artiste, d’une femme qu’ils
sont angéliques, n’y cherchez pas l’ange de vos images de première communion.
Désintéressement,
égoïsme, tendre pitié, cruauté, souffrance des contacts, pureté dans la
débauche, mélange d’un goût violent pour les plaisirs de la terre et de mépris
pour eux, amoralité naïve, ne vous y trompez pas : voilà les signes de ce que nous nommons l’angélisme
et que possède tout vrai poète, qu’il écrive, peigne, sculpte ou chante. Peu de
personnes l’admettent car peu de personnes ressentent la poésie.
Jusqu’à
nouvel ordre, Arthur Rimbaud reste le type de l’ange sur terre. Nous sommes
quelques-uns à posséder une de ses photographies. On l’y voit, de face, en
veste de collégien, une petite cravate nouée autour du cou. Le temps a effacé
les traits principaux. Ce qui reste est un visage phosphorescent. Si on regarde
trop ce portrait, si on le retourne, l’éloigne, le rapproche, il ressemble vite
à une sorte de météore, de voie lactée.
Jean Cocteau
Le secret
professionnel
(1925)
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