J’ai fini par dénicher un petit muret, à l’ombre, et surtout, protégé
du vent. L’endroit parfait pour déguster mon sandwich jambon de dinde-emmental.
Aucun passant, si ce n’est les employés des restaurants du centre commercial
qui empruntent tous la porte donnant sur les cuisines. Je réponds à leurs
petits signes, à leurs sourires, en pensant qu’ils doivent bien se demander ce
qu’un européen fortuné peut bien fabriquer, assis sur un muret, très loin des
terrasses, de la civilisation des amerloques. Et puis, je l’aperçois. Un jeune
type avec une de ces coiffures d’indien Iroquois, qui poussent sur une grande
majorité des crânes d’adolescents du pays. Mais, ce qui me frappe, ce n’est pas
sa crête de coq mais le sac qu’il tient dans sa main droite. Un grand sac
plastique jaune et rouge avec le portrait de l’oncle Adolph et la croix gammée
au-dessus. Et puis, probablement dans un soucis d’équité bien compréhensible
envers les autres führers de la planète, on peut y lire également le nom du
dictateur écrit en caractère gothique. L’effet de surprise passé, je me demande
quelle entreprise peut fabriquer en série un sac de ce type, imprimer la trogne
de l’homme à la mèche brune et dessiner la croix gammée sans aucune once de
culpabilité ? Quel patron a pu affirmer à ses cadres réunis autour d’une
table dans la salle de conférence de la boite que le marché était porteur ? Oui, quelle société?
L’Iroquois a disparu avec sa coiffure merdique, sa foutue croix et son putain
de sac plastique. Je me lève. Je n’ai pas fini mon sandwich. J’ai perdu l’appétit.
En retrouvant la société des riches, de l’autre côté du décor, je me
dis que je l’ai bien cherché, après tout. Pourquoi vouloir absolument visiter
les coulisses ? J’aurai dû rester assis bien sagement en terrasse, à
déguster un bon hamburger.
Julius
Marx
(Le Caire- Avril 2016)
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