Je sais que
l’Egypte est la porte du Moyen-Orient. Mais, après tout, elle se trouve bien
sur le continent africain, non ? Voici ce que je pensai, en patientant calmement
dans la longue file d’attente pour entrer dans les jardins de l’ambassade de France.
Nous étions conviés, nous, les ressortissants français, à une de ces soirées
africaines où les gens s’installent, souvent près d’un baobab centenaire, pour
écouter la parole des conteurs ou autres griots. C’est vrai que notre invitation ne
mentionnait pas notre participation à un spectacle singulier. Mais, celui qui
aime et connaît un peu le continent, sait que les choses sont souvent
implicites. D’ailleurs, en découvrant cet imposant service d’ordre il devenait
évident que les comédiens qui allaient se produire ce soir-là étaient tous des
acteurs chevronnés et reconnus dans leur profession. Des gens ô combien
importants chargés de transmettre cette tradition orale indispensable à la survie
de notre culture. D’ailleurs, s’il me restait une petite pointe d’appréhension
à propos du contenu de la soirée, elle s’envola bien vite en écoutant les
différents groupes qui conversaient autour des élégants buffets dressés pour la
cérémonie. Tous des comédiens, évidemment ! Sinon, comment expliquer ces
sourires de circonstances, ces gestes un peu gauches, ces costumes ? Je
remarquai plusieurs militaires avec des vareuses trop petites et trop galonnées,
des képis à multiples dorures.
Même si ces
figurants ne se débrouillaient pas trop mal pour « chauffer » l’assistance,
nous savions bien que l’ensemble des spectateurs avisés attendaient tous avec
une impatience non feinte le grand griot. Il monta sur scène au moment même où
la nuit se décidai à tomber. Vêtu simplement d’un costume sombre et d’une
cravate noire, il s’appuya au pupitre et entreprit de charmer les invités,
comme le font si bien, la plupart de ses condisciples de cette grande famille
de conteurs. Je ne puis vous raconter toutes ces histoires dans le détail, la
place me manque. Sachez seulement que le premier récit mettait en scène deux
hommes importants. L’un demandait à l’autre de lui fournir d’urgence plusieurs
rafales (manifestement une formule poétique pour nommer le vent) dans les plus
brefs délais. La deuxième histoire mettait en scène une délégation de chefs d’entreprises
débarquant dans un pays du tiers-monde pour apporter la prospérité et le
bonheur. Puis, pour distraire un peu l’assemblée, avec une malice toute professionnelle,
le conteur acheva sa prestation avec une charmante comédie où il était beaucoup
question de culture, de francophonie et des droits de l’homme. L’assemblée
applaudit à tout rompre la fin de son spectacle.
Simple
petite fausse note, si j’ose dire, les organisateurs qui avaient eu l’idée
surprenante de lancer l’hymne national à la fin de sa prestation.
Nous bûmes
plusieurs coupes de champagne, avant de sortir enfin dans la nuit étoilée pour
nous retrouver dans un quartier totalement bloqué par les forces de l’ordre,
bien loin de cet univers poétique où nous étions plongés pendant toute cette soirée.
Il nous
fallait trouver un taxi. C’est-à-dire, sortir de la fiction pour retrouver la
réalité.
Julius Marx
(Visite de
François-Le Caire-18 avril 2016)
Heureusement qu'avec François il y a le champagne!!! Kata
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