vendredi 25 novembre 2016

Un désespoir sénile



20 XI 1947.- Jadis, quand nous étions cinq ou six à table, et que Nina faisait la soupe du déjeuner (le plat du dîner, c’était la grand-mère qui le faisait), de temps en temps, il arrivait que, d’une assiette creuse, on retire lentement, à deux doigts, un cheveu, un cheveu châtain, fin, long, long. Celui qui l’avait touché protestait, contrarié ; et Nina, mortifiée, se confondait en excuses. A présent, nous ne sommes que deux à table, et elle ne cuisine plus, et il n’y a plus de cheveu dans la soupe. Mais l’après-midi d’avant-hier, comme je découvrais le lit pour m’y reposer, le lit qu’elle fait tous les matins, je trouvai un cheveu, l’un de ses cheveux, fin, propre, assez long, gris.

Virgilio Giotti
Notes inutiles


L’écriture de Giotti est une musique, une musique douce, apaisante, parfaite, et l'on frissonne en entrant dans cette banalité enchantée de détails scintillants où le quotidien devient couleurs. Une fois encore, le dernier mot au poète, celui de Pasolini qui écrivait :" Giotti, un désespoir sénile dans un coeur d'enfant."

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