jeudi 1 décembre 2016

La vie anecdotique (5)





Flux et reflux
Ils n’accompagnent pas le flux et le reflux, ils restent dans la tourmente. Immobiles (les yeux clos) sous des tonnes de sable. Tout ce qui bouge autour d’eux, au-dessus d’eux, ils ne s’en préoccupent pas. Ils sont nés pour accepter. Les longues avenues anonymes ne sont que des salles d’attente, des quais de gare au crépuscule. La lune se moque bien de ces voyageurs assis à côté de leurs vieilles valises rafistolées, de leurs charrettes, de leur passé/présent/avenir, tristes offrandes aux passants.

La belle vie (la seule)
Des écrans couleurs démesurés assurent le bonheur de vivre : femmes de pays imaginaires, familles blondes aux destinées impensables, rien n’est impossible, rien. Ces immortels sont remplacés chaque semaine par d’autres.

Spectacle
Pourtant, la rue est spectacle (penser à dénicher enfin une autre image). La musique est contemporaine. Ferraille qui ferraille, moteur qui motorise, sifflet qui siffle, et tant de cris venant d’on ne sait où ; de promeneurs imprudents abandonnés dans l’obscurité d’une grotte, d’un puits si profond, de naufragés trop confiants.

Pluie
Aujourd’hui, une pluie fine, juste quelques minutes, avec si peu de gouttes qu’un retraité aurait pu s’amuser à les compter.

Barbu
Le grand barbu magnifique est mort. J’écoutai, il y a quelques mois, un couple de jeunes charmants me raconter leur voyage à Cuba. Elle, les yeux pétillants, lui, plus posé (l’attitude qui sied à un garçon de son âge) les deux énumérant sans prendre le temps d’une légère respiration, les réussites certaines du grand leader. J’aime ceux qui n’accordent aucune importance au fait de respirer mais (oui, mais) une grande partie de la résolution est soigneusement cachée et se compte en minutes, en heures, en jours, en années. Notre deus-ex-machina, à nous, voyageurs, c’est le temps.

Ecriture
« Un réel talent d’écriture ». Bah ! Ca me fait une belle vie ! Bras de fer avec les adjectifs très fils à papa, du genre pédant, et lutte acharnée contre des phrases fainéantes. La jouissance ? Quelques secondes seulement. Et puis, seul, se débrouiller avec toutes ces destinés.

Julius Marx

Le Caire (Décembre-2016)

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